L’actualité de la semaine a fait prendre au mouvement #MeToo un nouveau tournant historique en France. Celui de l’alliance des femmes puissantes.
En accusant puis en portant plainte contre le réalisateur Benoît Jacquot, Judith Godrèche a allumé la mèche d’une bombe qui n’en finit plus d’exploser et qui – malheureusement pour les actrices, mais heureusement pour la libération des femmes et de leur parole – n’a sans doute pas fini de rebondir. Hasard du calendrier, au même moment, on apprenait que le parquet de Paris avait requis le renvoi en correctionnelle du réalisateur Christophe Ruggia “pour agressions sexuelles sur mineur par personne ayant autorité” sur Adèle Haenel, au début des années 2000. L’actrice est l’une des premières à avoir dénoncé publiquement un réalisateur et à lancer le mouvement #MeToo en France. Et l’on doit sans doute à son courage, le fait que d’autres femmes osent parler depuis.
Aujourd’hui, des actrices de premier plan accusent des réalisateurs de premier plan. C’eût été impossible il y a encore quelques années. Si ce mouvement collectif, de solidarité et de sororité bouleverse au premier chef, il fait également prendre au mouvement un nouveau tournant : des actrices, très célèbres, avancent désormais en bande organisée, en rang serré, comme un bulldozer que plus rien ne semble pouvoir arrêter.
C’est parce que Judith Godrèche, portée par sa colère, a fini par dérouler tout le récit des agressions que Benoît Jacquot aurait commises à son encontre qu’Isild Le Besco – même si elle a répondu au Monde qu’elle n’était “pas prête à évoquer cette histoire dans la presse” et préférait réserver sa parole à une éventuelle convocation “devant un tribunal” – a toutefois reconnu avoir subi des “violences psychologiques ou physiques” de la part de Benoît Jacquot, avec qui elle a également été en couple.
C’est parce qu’elle a lu cette terrifiante enquête du Monde que Virginie Ledoyen, qui a elle aussi vécu une histoire avec le réalisateur, s’est dite “sidérée, bouleversée”. Bien qu’elle considère que « [son] histoire avec Benoît Jacquot n’est pas comparable, même si [elle] n’avai[t] que 17 ans”, et qu’elle “n’ai[t] connu aucune de ces souffrances”, elle n’a pas hésité à dire des témoignages de ses consœurs : “Je les crois et leur apporte tout mon soutien.”
Si Judith Godrèche a également accusé de viol Jacques Doillon, sur France Inter, c’est sans doute parce qu’elle savait qu’elle n’était pas seule. Et qu’Anna Mouglalis et Isild Le Beso étaient avec elle pour témoigner des agressions et du harcèlement qu’elles auraient également subis de la part de ce réalisateur. Et comme une sorte d’écho sororal, Adèle Haenel a déclaré à Mediapart être “bouleversée” par le récit de Judith Godrèche.
“La solidarité entre actrices nous a beaucoup manqué pendant des années”, déclaraient Alice de Lencquesaing, Clotilde Hesme et Ariane Labed dans une grande interview croisée parue lundi 5 février dans Libération. Il semblerait bien que cette époque soit révolue. Et que les comédiennes se tiennent désormais par la main. Membres de l’Association des acteur·rices, Lencquesaing, Hesme et Labed appelaient de leurs vœux, dans cet entretien, “de nouveaux récits et de nouvelles pratiques dans le cinéma”. Loin, très loin “des abus sur les tournages, du mythe du cinéaste tout-puissant et des scénarios stéréotypés”. Il se pourrait bien qu’après cette semaine historique, elles soient enfin entendues.
Car, ensemble, elles n’ont plus peur. Ensemble, elles font front. Et leurs voix résonnent à l’unisson.