Pour mieux faire connaître les mécanismes d’emprise, classiques dans les violences conjugales, la policière Sonya Aya a conçu un “outil pédagogique” original pour ses collègues : une pièce de théâtre, qu’elle a présentée, lundi, au ministère de l’Intérieur.
Montée il y a quelques années, Je me porte bien est d’ores et déjà jouée dans les écoles de police et dix mille agent·es y ont assisté. Elle s’inspire d’un cas qui a marqué Sonya Aya alors qu’elle venait d’entrer dans la police, il y a vingt ans, dans le 19e arrondissement de Paris : “Une dame était victime de coups de couteau de la part de son mari. Certains de mes collègues ne comprenaient pas pourquoi ces femmes maltraitées ne quittaient pas leur conjoint”, explique-t-elle. Un déclic pour la policière, référente violences intrafamiliales à la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP) : elle se met alors en tête de créer pour ses collègues un outil qui permettrait d’illustrer le “cycle de violences” qui peut enfermer des femmes dans ces relations abusives. La pièce, écrite en 2005 et sans cesse réécrite depuis, a même été présentée au Off d’Avignon en 2019 et a pour vocation à être jouée, à terme, dans les lycées.
“Lune de miel”
Sur scène, la comédienne Caroline Misbach déroule toutes les étapes de l’histoire de Rose, 22 ans, et Alexandre, homme violent : d’abord de l’amour en excès, puis des violences graduelles… Chaque fois suivies d’une période de justification où l’agresseur impute l’agression à la victime, puis de “lune de miel” où tout semble aller mieux. Et le cycle recommence.
Dans la salle des fêtes de la place Beauveau, lundi, les officiel·les en costume côtoyaient les policier·ères et gendarmes en uniforme. À l’issue de la pièce, l’adjudante-cheffe Sylvia Guillet s’est enthousiasmée : “Cela retrace complètement l’ambiance conjugale que l’on voit très souvent.” “Nous retrouvons le schéma complet : je t’aime, mais comme tu agis de manière à ce que je te tape, tout est de ta faute”, a résumé la gendarme issue des Maisons de protection des familles, un service créé après le Grenelle des violences conjugales organisé en 2019.
Quelque 244 000 victimes de violences conjugales ont été enregistrées cette année par les forces de sécurité, a rapporté samedi Emmanuel Macron à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes (25 novembre). “C’est deux fois plus qu’en 2017. Et ces chiffres traduisent bien sûr l’expression plus libre de la parole des femmes. C’est une bonne chose, mais il n’en reste pas moins que 118 femmes sont mortes des mains de leur conjoint en 2022”, a‑t-il relevé.