Accusé d’avoir abusé de son statut pour violer sept femmes, un marabout est jugé à partir de mercredi 24 avril par la cour criminelle de Seine-Saint-Denis dans un dossier où se confondent pratiques rituelles et prédation sexuelle.
Surnommé le “marabout violeur”, Ali S., 34 ans, comparaîtra devant la cour criminelle de Seine-Saint-Denis à partir de mercredi. Il est accusé d’avoir abusé de son statut de marabout pour violer sept femmes. L’homme, d’origine malienne, est également poursuivi pour une agression sexuelle et une tentative de viol sur deux autres femmes, entre 2018 et 2020. La justice lui reproche par ailleurs d’avoir escroqué ses victimes, toutes originaires d’Afrique de l’Ouest, de milliers d’euros.
Elles voulaient soulager un pied douloureux, lever un obstacle à un mariage, parvenir à être enceinte ou remettre un enfant dans le droit chemin. Elles ont été harcelées, menacées, violées, dans la chambre d’un hôtel miteux de Montreuil (Seine-Saint-Denis).”Nos clientes sont très marquées par ce dossier très particulier. Pour elles, le chemin pour en arriver jusqu’au procès fut difficile, tant du fait de la nature extrêmement dure des faits que d’un accès difficile au droit pour certaines victimes”, ont déclaré conjointement Mes Seydi Ba, Diala Al-Shaman et Julien Lefébure, avocat·es de plusieurs parties civiles.
Menaces téléphoniques
L’affaire commence en octobre 2020 lorsqu’une femme porte plainte pour viol et extorsion au commissariat du 20e arrondissement de Paris contre Ali S. qui l’a abordée dans la rue quelques jours auparavant. S’étant présenté comme un marabout, il lui a assuré que le “diable” était à ses trousses. Après avoir refusé de recourir à ses services, elle cède face à ses menaces téléphoniques insistantes – il lui assure qu’une malédiction va s’abattre sur ses enfants. Par deux fois, elle lui remet de l’argent et lui demande de ne plus prendre contact avec elle. Pourtant, le harcèlement et les demandes d’argent se poursuivent. La femme finit par accepter un rendez-vous à Montreuil, base de la diaspora malienne en France.
Selon le récit de la femme, l’homme l’entraîne dans une chambre d’hôtel et demande à pratiquer sur elle un “maraboutage”. Elle refuse. Il la force et la viole, avant de s’en aller. Les jours qui suivent, la femme reçoit sur son téléphone un flux incessant d’appels et d’images de scènes vaudoues, accompagnées de nouvelles demandes d’argent. Sollicitée, la police interpelle le suspect.
En poussant leurs recherches, les enquêteur·rices découvrent que l’homme est surnommé le “marabout violeur” par certaines femmes de la communauté ouest-africaine et suspecté d’avoir recouru au même mode opératoire sur de multiples victimes. Certaines des femmes concernées ont été directement abordées dans la rue par le mis en cause, qui dit avoir fui le Mali en 2014 à la suite de l’assassinat de son père par des djihadistes. D’autres sont venues d’elles-mêmes à lui pour solliciter ses pouvoirs rituels.
“Complot"
Le marabout a abreuvé nombre d’entre elles de messages WhatsApp alternant images pornographiques et photos d’objets vaudous (pattes de poulets, clous, bougies, couteaux…), instrumentalisant leurs croyances pour les plier à ses injonctions pécuniaires et sexuelles.
Durant l’instruction, Ali S. a estimé que les plaignantes s’étaient entendues contre lui : “Tout ça c’est de la politique, ces femmes complotent contre moi”, a‑t-il déclaré au juge d’instruction. Il encourt 15 ans de réclusion criminelle. Sa défense n’a pas souhaité s’exprimer avant l’audience, prévue jusqu’au 10 mai.