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© Louis Galvez / Unsplash

Quatre plaintes et treize mains cou­rantes : un cas de fémi­ni­cide jugé aux assises de Strasbourg

Malgré quatre plaintes et treize mains cou­rantes dépo­sées à la police, Yasemine Cetindag a été assas­si­née par son com­pa­gnon en 2020, devant leurs enfants. Ce der­nier est actuel­le­ment jugé à la cour d'assises du Bas-Rhin. 

La cour d'assises du Bas-​Rhin juge mar­di et mer­cre­di un homme de 45 ans qui a étran­glé son ex-​compagne en décembre 2020 sous les yeux de leurs enfants, après des années de vio­lences conju­gales jamais trai­tées par les auto­ri­tés. Parmi les pre­miers témoi­gnages enten­dus mar­di matin, celui de l'assistante de ser­vice social qui accom­pa­gnait la vic­time, Yasemine Cetindag, dans sa demande de reve­nu de soli­da­ri­té active (RSA) et d'accueil en foyer paren­tal, per­met d'en savoir plus sur la rela­tion "toxique" qui l'unissait à un homme de quinze ans de plus qu'elle. "Je pense que c'était une per­sonne sous emprise", avance à la barre la tra­vailleuse sociale, "un phé­no­mène qui passe par des phases d'apaisement, d'amour, puis des phases de crise. Dans ces situa­tions, il faut être réac­tif, et le temps des ins­ti­tu­tions n'est pas tou­jours le temps de la per­sonne", regrette-​t-​elle, pour expli­quer pour­quoi les demandes de pla­ce­ment en rési­dence n'ont jamais abouti.

Elle se sou­vient avoir visi­té l'appartement du couple, en jan­vier 2020, soit onze mois avant la mort de la jeune femme. "Le domi­cile por­tait tous les stig­mates de la vio­lence, toutes les portes étaient défon­cées, se remémore-​t-​elle. Elle me disait que c'était lui l'auteur des coups." À cette époque, elle l'avait accom­pa­gnée pour por­ter plainte, pro­cé­dure qui avait abou­ti à un simple rap­pel à la loi à l'encontre du com­pa­gnon violent. Au com­mis­sa­riat, pour­tant, trois pré­cé­dentes plaintes avaient été dépo­sées par la vic­time depuis 2016 – cha­cune rapi­de­ment reti­rée – ain­si que treize mains cou­rantes. Si ces vio­lences n'ont jamais don­né lieu à d'autres pro­cé­dures par les auto­ri­tés, elles étaient connues dans le quartier.

“Elle m’interdisait de travailler”

"Ça gueu­lait, il y avait de fortes dis­putes, ça s'entendait dans toute la cité", a expo­sé l'un des employé·es du bailleur social, régu­liè­re­ment aler­té par les voisin·nes. Il se rap­pelle que la vic­time "vou­lait chan­ger d'appartement", évo­quant des craintes d'"atteinte à son inté­gri­té phy­sique", mais que le dos­sier n'avait "pas encore abou­ti". L'accusé – qui n'est pas nom­mé afin de ne pas per­mettre d'identifier ses enfants – reprend éga­le­ment "l'emprise" à son compte, pour décrire l'évolution de sa place dans la rela­tion de couple, nouée dès 2011 alors que la jeune femme n'avait que 16 ans. "Elle ne m'a jamais lais­sé tra­vailler, elle m'interdisait de tra­vailler", sou­tien l'accusé, alors même que son der­nier employeur, patron d'une entre­prise de bar­dage et étan­chéi­té pour qui il avait tra­vaillé deux mois en 2020, le décrit comme un sala­rié "jovial, tou­jours par­tant et moti­vé, agréable avec ses col­lègues".

Le couple a eu quatre enfants de manière très rap­pro­chée, nés entre 2013 et 2018, et la jeune mère "galé­rait" pour s'en occu­per, assure l'accusé. "Alors, on s'organisait selon son pro­gramme à elle, je disais oui à tout", précise-​t-​il pour jus­ti­fier ses démis­sions et ses années d'inactivité. "Je sais que ce n'est pas bien ce que j'ai fait en arrê­tant le tra­vail", poursuit-​il, expri­mant son désir contra­rié d'être à la fois un "père inves­ti" et sa volon­té de "faire par­tie du sys­tème" et de "payer des impôts".

“Montagnes russes”

Confronté à des dis­putes presque quo­ti­diennes au cours des­quelles s'échangeaient menaces et des insultes, le couple s'était sépa­ré à de mul­tiples reprises, mais "jamais défi­ni­ti­ve­ment". "Tous les deux jours elle me rap­pe­lait", sou­tient l'homme en blou­son noir dans le box des accu­sés. "On ne savait même plus où on en était : trois jours, on était ensemble, trois jours, on n'était plus ensemble… C'était les mon­tagnes russes." Pour les enquêteur·ices, le meurtre a eu lieu dans un contexte où la sépa­ra­tion sem­blait davan­tage défi­ni­tive, et où la vic­time avait pris la peine de chan­ger les ser­rures de son loge­ment afin d'empêcher à son ex-​compagnon d'y revenir.

Lire aus­si l Le fémi­ni­cide de la foot­bal­leuse Florencia Guiñazú par son ex-​compagnon glace l’Argentine

À l'issue d'une nou­velle dis­pute vio­lente, au matin du 23 décembre 2020, il avait étran­glé la jeune femme sous les yeux de leurs enfants, avant d'enterrer son corps dans une forêt au nord de Strasbourg. Il encourt la réclu­sion cri­mi­nelle à perpétuité.

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