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© Tina Floersch

Seine-​Saint-​Denis : un col­lec­tif de pédo-​psychiatres révèle être contraint de trier les enfants faute de moyens

Un col­lec­tif regrou­pant l’ensemble des chefs de ser­vice de pédo­psy­chia­trie et des méde­cins de centres médico-​psychologiques du dépar­te­ment de Seine-​Saint-​Denis affirme dans une tri­bune publiée dans Le Monde être empê­ché, depuis des années, de prendre en charge l'ensemble des enfants qui frappent à la porte de l'un de ces éta­blis­se­ments de soin.

Les ques­tion­ne­ments de la tri­bune « Oui, par manque de moyens, la pédo­psy­chia­trie doit depuis des années trier les enfants », publiée jeu­di 24 novembre sur Lemonde.fr, sont à la hau­teur de la gra­vi­té de la situa­tion. « Qui prendre en soins lorsque l’on ne peut pas prendre tout le monde en soins ?, début le texte. Les enfants les plus gra­ve­ment atteints, car ils n’ont pas d’autre lieu de soins que les nôtres ? Les ado­les­cents sui­ci­daires, car leurs vies sont mena­cées ? Les plus petits, car on aura plus de chances d’infléchir leur tra­jec­toire déve­lop­pe­men­tale ? Les cas les plus "légers", car ils pren­dront moins de temps pour être soi­gnés ? Bébés, enfants, ados ? »

Ce sont neuf chef·fes de ser­vice de pédo­psy­chia­trie au sein d'établissements hos­pi­ta­liers ou méde­cins directeur·rices d'un centre médico-​psycho-​pédagogique du dépar­te­ment de Seine-​Saint-​Denis , regroupé·es dans le col­lec­tif Pédopsy 93, qui sonnent l'alarme contre un « manque de moyens » chro­nique. Alors que le tri des patient·es a repré­sen­té une ligne rouge infran­chis­sable lors de la ges­tion de l'épidémie de Covid en 2020, les méde­cins signa­taires le disent cette fois sans ambage en ce qui concerne l'accès aux soins psy­chia­triques des mineur·es du dépar­te­ment le plus pauvre de la métro­pole : « Les pro­fes­sion­nels sont débor­dés et doivent s’infliger ce "tri" ». Une tri­bune simi­laire avait déjà été publiée dans le même quo­ti­dien en avril 2021, signée à l’unanimité par les membres de la Société fran­çaise de psy­chia­trie de l’enfant et de l’adolescent.

"Abandon de l'Etat"

Le texte publié aujourd'hui rend à nou­veau compte des ter­ribles consé­quences d'une réa­li­té concrète : « L’attente pour un pre­mier rendez-​vous atteint dix-​huit mois dans les villes de Seine-​Saint-​Denis. Au rythme du déve­lop­pe­ment de l’enfant, ces délais sont insup­por­tables, et la plu­part du temps, les dif­fi­cul­tés se seront aggra­vées. » Les auteur·rices du texte dénoncent les man­que­ments de l'Etat face à un dépar­te­ment de 1,6 mil­lions d'habitant·es, à la forte démo­gra­phie et au fort taux de mères iso­lées : « Le 93 et ses enfants sont mis de côté par les poli­tiques publiques et c’est une géné­ra­tion entière qui est sacri­fiée du fait de l’abandon de l’Etat. »

Pour autant, si la situa­tion est par­ti­cu­liè­re­ment grave en Seine-​Saint-​Denis, ce n'est pas le seul dépar­te­ment à ren­con­trer des dif­fi­cul­tés pour accom­pa­gner l'ensemble des enfants qui auraient besoin d'un sui­vi psy­chia­trique, sou­lignent les signa­taires. Ainsi, dès 2017, un rap­port séna­to­rial sur « la situa­tion de la psy­chia­trie des mineurs » dres­sait déjà le « constat d’une grande dif­fi­cul­té de la dis­ci­pline, tra­ver­sant une crise démo­gra­phique ne lui per­met­tant pas de répondre à ses besoins en évo­lu­tion ». Constat réité­ré lors des Assises de la san­té men­tale et de la psy­chia­trie en 2021.

Ces méde­cins exigent donc avant tout que les auto­ri­tés prennent conscience des car­rences d'offre médi­cale sur le ter­ri­toire natio­nal, notam­ment en terme de pédos­py­chia­trie : « La France trie ses enfants ; recon­naître et répa­rer cette inéga­li­té d’accès à l’éducation, à la pro­tec­tion et aux soins est une urgence. » Et attendent mieux que les 20 mil­lions d'euros aloués en 2022 pour la psy­chia­trie de l'enfant et de l'adolescent sur l'ensemble du ter­ri­toire natio­nal en matière de « mesures de rat­tra­page ». « Une goutte d’eau », déplorent les signa­taires du texte.

Lire aus­si l Lisa Ouss : « Malgré la satu­ra­tion des ser­vices de pédo­psy­chia­trie, on va conti­nuer à se battre pour accom­pa­gner tous les enfants »

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