Scandale de l'adoption en Éthiopie : les bons sama­ri­tains n'ont-ils péché que par négligence ?

avec Christelle Gérand en Éthiopie.

Entre 1990 et 2017, 1 575 enfants éthiopien·nes ont été adopté·es en France via une asso­cia­tion agréée, Les Enfants de Reine de Miséricorde. Dans un livre paru en 2020, l’une d’eux·elles, Julie Foulon, dénonce des pro­cé­dures d’adoption irré­gu­lières, voire illé­gales. Le 26 mai 2021, plu­sieurs familles et adopté·es ont por­té plainte contre ERM pour abus de confiance et escroquerie.

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©Besse pour Causette

Un matin d’août 2017 dans son stu­dio pari­sien, Julie Foulon, 20 ans, se connecte sur son compte Facebook où l’y attend un mes­sage d’une incon­nue. « Bonjour Julie, je suis Gertrude. Je cherche à entrer en contact avec vous. Connaissez-​vous une dame en Éthiopie du nom d’Askale Mekonnen ? » Le cœur de Julie ­s’arrête de battre. Ce nom, c’est celui de sa mère bio­lo­gique, qu’elle a quit­tée en 2003 lorsqu’elle a été adop­tée, à 6 ans, avec sa petite sœur par un couple nor­mand. Ce contact d’une inter­mé­diaire de la dia­spo­ra éthio­pienne confirme ce que Julie s’évertue à expli­quer à ses parents adop­tifs depuis qu’elle peut s’exprimer en fran­çais : non, contrai­rement à ce qui est indi­qué dans les docu­ments d’adoption, sa mère bio­lo­gique n’est pas décé­dée. Pire encore, apprend Julie après avoir joint sa mère bio­lo­gique par Skype par l’entremise de Gertrude : Askale recher­chait ses filles depuis l’année de leur sépa­ra­tion et a trou­vé leur nou­veau nom for­tui­te­ment, à force d’implorer le bureau des Affaires sociales de Dessie, en Éthiopie, où elle vit, pour avoir de leurs nou­velles. Un étran­ger, blanc, a fini par se rendre chez elle et lui a four­ni une pho­to de ses filles. Au dos du cli­ché, leur nou­veau nom français. 

Cette recon­nexion en 2017 et les échanges Skype qui se sont ensui­vis ébranlent Daniel et Chantal Foulon, à qui les petites filles avaient été pré­sen­tées comme orphe­lines. Tout sem­blait en effet en règle à leurs yeux lorsqu’ils concluent, en 2003, la pro­cé­dure d’adoption de leurs filles. Ayant reçu leur agré­ment, ils se rap­prochent d’un orga­nisme auto­ri­sé pour l’adoption (OAA) nor­mand, Les Enfants de Reine de Miséricorde (ERM), implan­té en Éthiopie et au Burkina Faso depuis le début des années 1990. Le 19 août 2003, après avoir débour­sé 10 000 euros pour les frais de fonc­tion­ne­ment d’ERM autant que pour les frais de pro­cé­dure dans le pays, les Foulon se rendent à l’aéroport de Roissy pour y récu­pé­rer Sara, qui devien­dra Julie, et sa petite sœur de 4 ans, dont le pré­nom sera lui aus­si chan­gé. En gran­dis­sant, Julie se révèle être une enfant dif­fi­cile, par­ti­cu­liè­re­ment avec sa mère. La jeune fille refuse de tis­ser une rela­tion avec elle et pour cause : dans son cœur, la place d’une mère est déjà prise par celle res­tée au pays. Comment une telle méprise a‑t-​elle pu se pro­duire ? Comment l’existence d’une mère bio­lo­gique a‑t-​elle pu pas­ser à la trappe dans le cadre d’une adop­tion plé­nière et trans­na­tio­nale, stric­te­ment enca­drée en France ? 

Pour Julie Foulon, cette sépa­ra­tion de qua­torze ans reste une souf­france, qu’elle exprime à 22 ans dans Sara et Tsega 1, livre auto­bio­gra­phique mêlant ­sou­ve­nirs et fic­tion édi­té en mai 2020. « J’ai hési­té à le publier, retrace-​t-​elle pour Causette. Mais je me suis dit : “Fais-​le, car il y a for­cé­ment d’autres per­sonnes adop­tées dans ton cas.” » Elle ne s’y est pas ­trom­pée : l’ouvrage fait l’effet d’une petite bombe dans le milieu des ­adopté·es ­d’Éthiopie, où il passe de main en main.[…]

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