De nombreuses associations se disent inquiètent face à une potentielle remise en cause du droit du sol et une loi immigration à la “ligne directrice” répressive.
Dans un courrier parvenu lundi à Élisabeth Borne, un collectif d’une soixantaine de signataires – dont les responsables de SOS racisme, la Ligue des droits de l’homme, l’historien Benjamin Stora, ou encore l’autrice Alice Zeniter – demande la suppression des amendements au projet de loi sur l’immigration. “Ces amendements venus de la droite sénatoriale visent à remettre en cause le droit du sol pour les enfants nés en France de parents étrangers”, argumente le collectif dans sa lettre à la Première ministre.
Au cœur de ce “recul passé largement inaperçu”, selon les dires du collectif, deux articles du projet de loi, introduits en mars par la commission des lois du Sénat, où débute lundi l’examen du projet de loi sur l’immigration. Le premier, l’article 2 bis, “supprime l’automaticité de l’acquisition de la nationalité française lorsqu’un jeune né en France de parents étrangers atteint sa majorité”, car il “introduit une manifestation de la volonté afin de devenir français”. Le second, l’article 2 ter, empêche quant à lui “l’accès à la nationalité de ces mêmes jeunes nés en France de parents étrangers s’ils ont été condamnés, et ceci quelle que soit l’infraction, à une peine d’emprisonnement égale ou supérieure à six mois, non assortie d’une peine de sursis”, détaille le courrier. Les membres du collectif se disent “inquiets, car, à ce stade, le gouvernement n’a déposé aucun amendement de suppression de ces dispositions, au risque de les légitimer” et demandent au gouvernement de “déposer des amendements de suppression de ces dispositions qui nous renverraient à un temps napoléonien”.
Ces mesures “profondément “désintégratrices” et reprenant “des antiennes de l’extrême droite”, selon les signataires, ne sont pas les seules à inquiéter. D’autres associations de défense des personnes immigrées tirent également la sonnette d’alarme face au reste des mesures prévues dans ce projet de loi immigration, qu’elles voient comme une “accumulation de mesures répressives” et contraires aux “principes humanistes”. “L’accumulation des mesures répressives, sécuritaires, est devenue la ligne directrice”, explique Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade, interrogée lors d’une conférence de presse de trente-cinq associations et collectifs de sans-papiers à Paris. Le texte, défendu par les ministres de l’Intérieur Gérald Darmanin et du Travail Olivier Dussopt, prévoit une batterie de mesures destinées à faciliter les expulsions des étrangers auteurs de troubles à l’ordre public, un volet intégration notamment pour les travailleurs sans-papiers, ainsi qu’une réforme du système d’asile.
“Où sont l’accueil, la solidarité ? À quel moment va-t-on parler des drames aux frontières, des personnes qui vont continuer à mourir sur les parcours migratoires ?” a ajouté Fanélie Carrey-Conte, estimant que le projet de loi n’est “pas à la hauteur des enjeux”. Dans un communiqué commun, les trente-cinq associations qui participaient à la conférence de presse ont appelé les parlementaires “à rejeter ce texte et enfin avoir le courage d’adopter une politique respectueuse des droits fondamentaux”. Pour l’heure, l’examen de ce projet de loi a débuté cet après-midi. Il sera débattu à partir du 11 décembre à l’Assemblée nationale et “sera probablement pire à la fin” de son examen, analyse l’ancien ministre socialiste Benoît Hamon, qui dirige désormais l’ONG Singa, œuvrant à l’inclusion socioéconomique des réfugié·es. Si le gouvernement “veut une majorité, c’est forcément par un durcissement” après un accord avec “la droite, voire l’extrême droite”, anticipe-t-il.