Un policier a été suspendu à titre conservatoire, mardi à Paris, après que des propos où il insulte une plaignante ont été enregistrés par mégarde sur le répondeur de cette dernière.
Se faire insulter de « pute » et de « grosse pute » par un policier, sur son répondeur, après un dépôt de plainte ? C’est ce qui est arrivé à Élodie (le prénom a été modifié), une professeure de 34 ans, rapporte Mediapart.
La trentenaire a raconté au média d’investigation avoir porté plainte pour agression sexuelle, dans la nuit du 4 au 5 février, au commissariat des Ve et VIe arrondissements de Paris. Après une soirée dans un bar avec une amie, la jeune femme a rencontré un groupe de personnes dans la rue et l’un d’eux l’a, selon son témoignage, agressé sexuellement, lui caressant la vulve avec ses doigts.
Selon Élodie, la prise de plainte s’est bien passée. Le lendemain, un policier qui ne l’avait pas accueillie lors de son dépôt, l’a appelée pour lui demander de compléter son témoignage. Il lui a laissé un message sur son répondeur. Mais ce dernier a mal raccroché le téléphone. La victime a alors entendu un échange entre plusieurs membres des forces de l’ordre remettant en cause ce qui lui est arrivé. Sur l’enregistrement, récupéré par Mediapart, elle se fait ainsi traiter à plusieurs reprises de « pute », notamment parce qu’elle refuse la confrontation avec son agresseur présumé. Ce qui est son droit. La jeune femme a expliqué au média d’investigation avoir déjà subi une confrontation pour des violences conjugales dans ce même commissariat et en garder un violent souvenir.
Après avoir découvert ce message, Élodie s’est de nouveau rendue au commissariat pour signaler cet incident. Les policiers présents lui ont assuré qu’ils allaient faire remonter à leur hiérarchie ce qu’il s’est passé. Mais, sans réponse de la part de la police, la jeune femme a saisi l’Inspection générale de la police nationale (IGPN). L’IGPN l’a entendue mardi et la jeune femme a déposé plainte pour injures. Le parquet de Paris doit désormais qualifier les faits et décider si une réponse pénale doit être apportée.
Le policier suspendu à titre conservatoire
Dans un communiqué de presse, diffusé ce même 15 février, Didier Lallement, le préfet de police de Paris, affirme condamner « fermement les propos inadmissibles tenus par un policier à l'égard d'une victime d'agression sexuelle ». Il assure avoir « immédiatement saisi l'IGPN et demandé la suspension à titre conservatoire du fonctionnaire concerné ».
Marlène Schiappa, interrogée à ce sujet par Franceinfo, s'est dit « profondément choquée ». « J'imagine la violence pour cette jeune femme qui a le courage d'aller solliciter les forces de l'ordre et qui se retrouve avec un tel message sur son répondeur, c'est odieux, j'en ai la chair de poule pour elle », a ajouté la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.
Gérald Darmanin a quant à lui estimé, sur Europe 1, ce mercredi, que « ce monsieur n'a plus sa place dans la police nationale » et qu'il « a sali toutes les femmes qui essaient de déposer plainte alors que l'on a tout intérêt à leur dire de venir dans les commissariats pour le faire ». Avant d'ajouter : « Il a sali et a craché sur l'uniforme de la République et de ses 250.000 autres collègues policiers et gendarmes, qui tous les jours font un travail, je crois, formidable au service de nos concitoyens. »
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L'accueil des victimes et la prise en charge des plaintes au sein des commissariats sont largement critiqués depuis plusieurs années par de nombreuses plaignantes, comme le souligne l'essor du hashtag #DoublePeine. En 2021, un rapport de Nous Toutes, montrait aussi que parmi les 3496 témoignages recueillis, 66% faisaient état d'une mauvaise prise en charge par les forces de l'ordre au moment du dépôt de plainte.