
Onze millions de Français·es, dont 58 % de femmes, s’occupent d’un·e proche malade ou handicapé·e. À l’occasion de la Journée nationale des aidant·es, ce 6 octobre, Causette a proposé à ses lecteur·trices en situation d’aidant·e une carte blanche pour raconter ce qu’ils vivent et souhaitent partager. Surmenage, manque d’aide extérieure, souffrance de voir son proche s’amoindrir, culpabilité de penser à soi… Les histoires racontées ici montrent à quel point le statut d’aidant·e relève d’un quasi-sacrifice, même s’il est bien sûr ponctué de petits bonheurs, quand l’enfant, le ( grand-) parent ou le·la conjoint·e dont on s’occupe semble apaisé·e.
« Elle retrouve ses chères
disparues à travers moi »
Annick, 63ans,
s’occupe de sa mère, 89 ans
« Mon travail ? Veiller à tout… à hauteur de trois jours et quatre nuits par semaine passés à m’occuper de ma mère. Le reste du temps, une aide à domicile prend le relai. J’ai cessé mon activité professionnelle plus tôt que prévu.
Ma mère voudrait tout gérer, mais elle n’en a plus les capacités. Il n’y a pas eu de réel diagnostic, mais ses troubles neuro-dégénératifs évoquent bien sûr Alzheimer. Je pallie en douce : éviter les manques… ça va du rouleau de papier toilette au pot de confiture pour les biscottes du petit déjeuner. Préparer les vêtements, faire couler l’eau de la douche pour qu’elle n’ait pas froid.
J’anticipe, mais ne lui enlève pas les activités qu’elle peut toujours accomplir : se savonner certaines parties du corps, essuyer la vaisselle, rentrer le linge sec, nettoyer la table, réunir les paires de chaussettes et les plier, repasser quelques torchons, faire son lit, attacher son tablier dans le dos, se coiffer, éplucher les carottes ou les pommes de terre… Par-ti-ci-per, c’est essentiel ! Essentiel pour sa propre estime d’elle-même, essentiel pour se sentir utile et vivante. Car, souvent, l’angoisse est palpable, le vide, la perte des repères, la confusion. Son obsession : le travail.
« Il faut que j’aille au bureau ! » Je la contredisais, maintenant, je la conforte. Et puis il y a les moments où elle multiplie les « merci, merci ». Je ne suis plus sa fille, je suis sa mère, ou sa sœur aînée qu’elle croit toujours en vie… Elle retrouve ses chères disparues à travers moi. Si mon père n’est pas encore rentré, c’est qu’il est parti jouer aux boules. Pourtant, mon père n’a jamais pris le temps de le faire de son vivant. C’est ma façon de créer un univers rassurant pour ma mère : mes affabulations s’ajoutent aux siennes et son monde reprend vie ! »
« On s’octroie des temps de balade, mais il n’est pas possible de partir en vacances ou même un week-end sans elle »
Sophie et Thierri, 67 et 69 ans, s’occupent de leur fille, 29 ans, atteinte de polyhandicap
« Mon petit fil à la patte ! C’est le surnom affectueux que je donne à notre cadette, Bertille. Elle aura 30 ans en novembre, mais elle est toujours une petite fille à mes yeux. D’ailleurs, elle a encore la candeur de l’adolescence.
J’ai très tôt compris qu’il y avait un problème. Bébé, elle était moins vive que ses sœurs et son frère. Après quelques examens à Paris, nous avons appris qu’elle était atteinte d’une anomalie chromosomique rare. Nous avons vécu au Maroc, puis en 2000, nous nous sommes installés à[…]