Masques jetables : com­ment les recycler ?

Depuis le début de la pan­dé­mie, l’utilisation des masques jetables a explo­sé. Balancés avec les ordures ména­gères, ils ne sont pas recy­clés et consti­tuent une source de pol­lu­tion plas­tique dont la pla­nète se pas­se­rait bien. Problème : les solu­tions pour remé­dier à ce fléau tardent à se mettre en place.

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© Rafa Angulo

2020, année de merde et de plas­tique. L’apparition de l’épidémie de Covid-​19 a pro­vo­qué une explo­sion de l’utilisation des masques à usage unique com­po­sés prin­ci­pa­le­ment de poly­pro­py­lène, l’un des plas­tiques les plus répan­dus. Selon une esti­ma­tion de l’Agence pour la dif­fu­sion de l’information tech­no­lo­gique (Adit), entre 6,8 et 13,7 mil­liards de masques jetables auraient été uti­li­sés en France l’an der­nier. Et ça semble mal par­ti pour que 2021 dif­fère en la matière. « Si chaque per­sonne dans le pays uti­lise deux masques à usage unique par jour, ça fait 400 tonnes de déchets plas­tiques pro­duits en plus, se désole Juliette Franquet, la direc­trice de l’ONG Zero Waste France. Et ils viennent évi­dem­ment s’ajouter à tout ce qui cir­cule déjà. » 

Du côté de la Direction géné­rale de la pré­ven­tion des risques, la DGPR, on éva­lue plu­tôt ce gise­ment de déchets à 40 000 tonnes par an. Les chiffres ne concordent pas, mais le constat, lui, est sans appel : nous sommes face à un vrai fléau pour l’environnement. « Il n’y a pas si long­temps, le plas­tique était notre pire enne­mi, se sou­vient la dépu­tée LREM du Jura, Danielle Brulebois, à la tête d’une mis­sion d’information sur le trai­te­ment des masques usa­gés. Les enjeux sani­taires ont rebat­tu les cartes et il est deve­nu notre meilleur ami. Dans la mesure où l’État impose le port du masque et que la ver­sion jetable est entrée dans les mœurs, nous devons nous inquié­ter de ce que devien­dra cette matière non biodégradable. »

Bons à recycler

Il y a en effet de quoi s’inquiéter. Dans le pire des cas, le masque finit aux toi­lettes – si, si, on vous jure que des masques usa­gés flottent dans les sta­tions d’épuration aux côtés de lin­gettes et de tam­pons – ou par terre (geste pas­sible de 135 euros d’amende, pour rap­pel). Dans tous les cas, les déchets risquent de se retrou­ver dans les eaux usées et, in fine, dans la mer ou l’océan. « Selon des esti­ma­tions, on pour­rait s’attendre à ce qu’environ 75 % des masques uti­li­sés, ain­si que d’autres déchets liés à la pan­dé­mie, se retrouvent dans des décharges ou flottent dans les mers », s’est alar­mé l’ONU dans un article mis en ligne en juillet2020 *. Dans le moins mau­vais des cas, les masques atter­rissent dans la pou­belle verte, celle des ordures ména­gères, et sont inci­né­rés en envoyant au pas­sage des nano­par­ti­cules dans l’atmosphère, ou enfouis sous terre où ils met­tront des cen­taines d’années à disparaître. 

C’est « moins mau­vais », mais c’est loin d’être idéal. Pour le moment, il n’existe pas de filière de recy­clage dédiée. Jusqu’à pré­sent, l’usage des masques chi­rur­gi­caux se limi­tait au sec­teur médi­cal et ces der­niers étaient consi­dé­rés comme des déchets d’activités de soins à risques infec­tieux (ou Dasri), trai­tés et enter­rés selon des règles bien spé­ci­fiques. Désormais, ils sont un acces­soire du quo­ti­dien. Mais le pro­blème ne semble pas avoir été pris à bras-​le-​corps. « On constate quelques ini­tia­tives encou­ra­geantes de col­lecte, de tri, de décon­ta­mi­na­tion et de recy­clage des masques dans cer­taines villes, sou­ligne Danielle Brulebois. Mais dans la mesure où la col­lecte des ordures relève des col­lec­ti­vi­tés locales, il n’y a pas d’homogénéité sur l’ensemble du ter­ri­toire. » Il faut donc comp­ter sur les bonnes volon­tés locales.

Guillaume Labarrière est ins­tal­lé à Tours. Il vient de cofon­der avec son asso­cié l’entreprise Neutraliz, qui récu­père les masques usa­gés dans des bornes trans­pa­rentes de 50 litres, avant de les ache­mi­ner dans un centre de trai­te­ment de déchets doté d’un tun­nel de décon­ta­mi­na­tion où ils sont trans­for­més en gra­nu­lés de poly­pro­py­lène. Ces gra­nu­lés servent ensuite à l’industrie tex­tile (pour fabri­quer des tenues de sport, par exemple) ou à la plas­tur­gie. « Tout le monde a conscience qu’il faut faire quelque chose de ces masques, estime le chef d’entreprise en passe d’équiper une par­tie de la région Centre-​Val de Loire. On reçoit des demandes venues de toute la France et nous rapa­trions les déchets en Touraine pour les trans­for­mer, mais ça n’a pas de sens de leur faire tra­ver­ser le pays. L’enjeu, ce serait de dupli­quer ce modèle de trans­for­ma­tion sur tout le ter­ri­toire. » Il attend du gou­ver­ne­ment qu’il « sim­pli­fie le mil­le­feuille admi­nis­tra­tif actuel » car les règles manquent de clar­té. « Le sta­tut de ces déchets est sou­mis à inter­pré­ta­tion per­ma­nente de la part des agences gou­ver­ne­men­tales. Selon sa pro­ve­nance, c’est tan­tôt un Dasri tan­tôt un déchet ména­ger », remarque le dirigeant. 

Privilégier le tissu

Une autre demande revient régu­liè­re­ment par­mi les pro­fes­sion­nels : la créa­tion d’une sorte d’éco-contribution ou REP (pour Responsabilité élar­gie des pro­duc­teurs) impo­sée aux impor­ta­teurs ou aux dis­tri­bu­teurs de masques, afin de finan­cer la mise en place d’une éven­tuelle filière de recy­clage spé­ciale. Ces pro­po­si­tions, la dépu­tée Brulebois assure les regar­der « avec atten­tion ». « Nous tra­vaillons à la rédac­tion d’amendements sur cette ques­tion des masques qui pour­raient figu­rer dans le pro­jet de loi Climat et rési­lience pré­sen­té à l’Assemblée dans les pro­chaines semaines, poursuit-​elle. Je réflé­chis aus­si à une pro­po­si­tion de loi dédiée afin de cla­ri­fier et d’accélérer les choses. »

En atten­dant que les textes évo­luent, les masques à usage unique pour­suivent leur vie éphé­mère et pol­luante, au grand déses­poir de Juliette Franquet, de Zero Waste France. « Nous ne sommes pas hos­tiles au recy­clage, mais il ne doit inter­ve­nir qu’en ultime recours, analyse-​t-​elle. Avant d’investir de l’argent public dans de futures usines, il semble plus sou­hai­table de pous­ser l’utilisation du masque réuti­li­sable, celui en tis­su de caté­go­rie 1, qui, à l’heure où je vous parle, est jugé aus­si pro­tec­teur par les auto­ri­tés de san­té. Je regrette que cette option ne soit pas davan­tage mise en valeur par les pou­voirs publics. » 2021, année du tissu ?

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