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Manifestation Amnesty International : car­ton blanc pour les militant·es paci­fistes russes

Une tren­taine de per­sonnes ont mani­fes­té, pan­cartes blanches à la main, à Paris ce ven­dre­di matin sous l'initiative d'Amnesty International et de Russie-​Libertés, en sou­tien aux 15 413 manifestant·es arrêté·es en Russie depuis le 24 février pour avoir dit non à la guerre en Ukraine. Causette s'est ren­due sur place. 

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©M.D.B

8h30, ce ven­dre­di matin, dans le très chic 16ème arron­dis­se­ment de Paris. Une tren­taine de per­sonnes s’est ras­sem­blée place de Colombie autour de l’imposante sta­tue d’Alexandre 1er de Yougoslavie. Quelques badauds, interloqué·es par l’attroupement inha­bi­tuel dans ce quar­tier cos­su, stoppent même leur jog­ging mati­nal pour s’approcher. Et pour cause, avec leur vestes jaune jon­quille et leurs pan­cartes blanches, le petit groupe a de quoi déton­ner dans le paysage. 

Des vestes jaunes pour l’ONG Amnesty Internationale. Des pan­cartes blanches pour sym­bo­li­ser la répres­sion que subissent les Russes qui mani­festent paci­fi­que­ment dans leur pays contre la guerre en Ukraine. Une croix faite au scotch noir sur la bouche pour signi­fier le musè­le­ment de la popu­la­tion russe par le Kremlin. Et par­tout, un silence pesant. 

Interdiction de mani­fes­ter devant l'ambassade russe

Le lieu, tout d’un coup, prend toute son impor­tance. Nous sommes à quelques pas de la colos­sale ambas­sade de Russie. À quelques pas, car les organisateur·rices de la mobi­li­sa­tion, Amnesty Internationale France et Russie-​Libertés – qui milite pour la défense des droits humains et des liber­tés en Russie – n’ont pas reçu l’autorisation de la pré­fec­ture pari­sienne pour mani­fes­ter devant le bâti­ment offi­ciel à l'allure sovié­tique. « Ils craignent soi-​disant pour la sécu­ri­té diplo­ma­tique », iro­nise, auprès de Causette, Anne-​Sophie Simpere, char­gée de plai­doyer sur les ques­tions de liber­té chez Amnesty International. La jeune femme nous désigne une voi­ture garée un peu plus loin sur laquelle sont ados­sés deux hommes fixant le groupe : « La pré­fec­ture est là pour nous sur­veiller apparemment ». 

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L'ambassade de Russie. ©M.D.B

15 413. C’est le nombre de manifestant·es anti-​guerre qui ont été arrêté·es depuis le début de l’invasion en Ukraine, le 24 février der­nier, d’après les chiffres des Défenseurs des droits, don­nés le 7 avril. 113 d’entre eux·elles sont des enfants. Des enfants, des per­sonnes âgées, des jour­na­listes, des passant·es, tous·tes ont été arrêté·es parce qu’iels mani­fes­taient paci­fi­que­ment en Russie pour dire non à l’invasion en Ukraine. « Maintenant la police arrête n’importe qui, une jeune femme qui pas­sait par là et a sim­ple­ment applau­die a été arrê­tée, d’autres sim­ple­ment parce qu’ils bran­dis­saient des pan­cartes vierges, pré­cise Anne-​Sophie Simpere. D'où les pan­cartes blanches. »

Arsenal répres­sif
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Un mili­tant d'Amnesty. ©M.D.B.

La répres­sion n’est certes pas nou­velle en Russie. Mais, ces der­nières années, elle s’est dur­cie contre les per­sonnes qui tentent de faire por­ter leurs voix contre le Kremlin. Dès 2004, une loi fédé­rale sur les ras­sem­ble­ments a res­treint le moment, le lieu, les moda­li­tés, les objec­tifs et les per­sonnes qui peuvent ou non des­cendre dans la rue pour mani­fes­ter. En 2014, cet arse­nal s’est ensuite ren­for­cé avec une série d’amendements.

Avec l’invasion en Ukraine, la répres­sion est désor­mais « mon­tée d’un cran », sou­ligne Anne-​Sophie Simpere. Le 4 mars 2022, le Parlement russe a adop­té une loi qui cri­mi­na­lise encore davan­tage le par­tage de « fausses infor­ma­tions » por­tant sur les acti­vi­tés des forces armées russes ou « dis­cré­di­tant » les troupes. Une nou­velle arme dans l'arsenal russe pour le contrôle des infor­ma­tions com­plé­tée le 22 mars par une loi pré­voyant de lourdes sanc­tions pour punir les « infor­ma­tions men­son­gères » sur l'action de Moscou à l'étranger.

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©M.D.B

De fait, ceux qui mani­festent aujourd'hui contre la pré­sence mili­taire russe en Ukraine s’exposent désor­mais sys­té­ma­ti­que­ment à des amendes, ain­si qu’à de lourdes peines de pri­son. « Les Russes prennent énor­mé­ment de risque, pour avoir seule­ment dit non à la guerre, ils encourent jusqu'à quinze années de réclu­sion et des amendes allant jusqu'à cinq mil­lions de roubles [59 412 euros, ndlr], pré­cise Anne-​Sophie Simpere à Causette. Leur stra­té­gie est claire : il s’agit de saper le droit de mani­fes­ter, pure­ment et sim­ple­ment. Ça se passe dans la rue, en ligne, dans les rédac­tions, dans les associations. »

Niveau kaf­kaïen

Peu de chiffres sur le nombre de per­sonnes condam­nées à ce jour par les tri­bu­naux russes mais Amnesty assure que les pro­cès se déroulent très rapi­de­ment et se font géné­ra­le­ment à huit clos. « On sait qu'ils ont du mal à accé­der à un avo­cat et que cer­tains ont été frap­pés avec des bou­teilles d’eau pleines car cela évite de lais­ser des traces sur le corps », atteste Anne-​Sophie Simpere. 

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Nikolaï Kobliakov de Russie-​Libertés
qui tient dans sa main un comp­teur Geiger. ©M.D.B.

Retour place de Colombie. Nikolaï Kobliakov membre de Russie-​Libertés vient de prendre la parole. « La répres­sion a atteint un niveau kaf­kaïen en Russie, lance-​t-​il, ému. Au moins 150 jour­na­listes ont déjà dû fuir le pays. » L’homme tient dans sa main un petit objet qui nous inter­pelle. Il s’agit d’un comp­teur Geiger qui per­met de détec­ter la radio­ac­ti­vi­té ambiante. « Je viens de l’acheter, pré­cise Nikolaï Kobliakov à Causette. Je pars demain pour Vilnius [Capitale de la Lituanie, ndlr] où je le don­ne­rais à des amis, là-​bas ces machines sont deve­nues introu­vables. Les gens ont peur en Lituanie, le sou­ve­nir de Tchernobyl reste encore très présent. »

Après être res­té plus d'une heure sur place, le groupe s'est fina­le­ment dis­sous. Une petite délé­ga­tion a ensuite ten­té d'apporter une lettre à l’ambassade de Russie, féro­ce­ment gar­dée. « Dedans on demande que les auto­ri­tés russes laissent la popu­la­tion mani­fes­ter, qu'elles libèrent immé­dia­te­ment les per­sonnes déte­nues et qu'elles mettent fin aux pour­suites », déclare Anne-​Sophie Simpere. Mais, comme il fal­lait s'y attendre selon la membre d'Amnesty, l'ambassade n'a pas lais­sé le petit groupe remettre sa lettre. « Il fau­dra leur envoyer par la poste », sou­pire Anne-​Sophie. En sou­ve­nir, elle leur a tout de même lais­sé leur célèbre auto­col­lant jaune, une façon de leur rap­pe­ler que leur com­bat pour la liber­té est loin d'être terminé. 

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