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© Page Facebook du rabbin Tom Cohen

L'ordination d'Iris Ferreira à la fonc­tion rab­bi­nique sou­ligne la frac­ture entre deux judaïsmes

À 29 ans, Iris Ferreira vient d'être ordon­née rab­bine, le 4 juillet der­nier. Il s'agit d'une pre­mière en France où le judaïsme ortho­doxe tra­di­tion­nel domine, mal­gré une pro­gres­sion du mou­ve­ment libéral. 

L'événement est autant sym­bo­lique qu’historique. À tout juste 29 ans, Iris Ferreira a reçu le 4 juillet à Paris la semi­kha (la trans­mis­sion d’autorité d’un rab­bin à autre) de la rab­bine Pauline Bebe. Elle devient ain­si la pre­mière rab­bine à être ordon­née en France. Et la cin­quième femme à exer­cer cette fonc­tion dans l’Hexagone après Pauline Bebe, Delphine Horvilleur, Floriane Chinsky et Danièla Touati, toutes ordon­nées à l’étranger.

Trente et un an après l’ordination à Londres de la pre­mière rab­bine fran­çaise, Pauline Bebe, Iris Ferreira a désor­mais l’autorité pour ensei­gner, prendre des déci­sions et être une cheffe spi­ri­tuelle pour la com­mu­nau­té juive libé­rale de Strasbourg (Grand Est). « C’est une très bonne nou­velle pour l’avenir du judaïsme pro­gres­siste ain­si que pour le rab­bi­nat fémi­nin », s’est féli­ci­té Didier Tessier, coor­di­na­teur géné­ral au sein de l’association Judaïsme En Mouvement (JEM).

Vers un judaïsme « ouvert et moderne » 

Après quatre années de méde­cine et une licence d’hébreu, Iris Ferreira a effec­tué ses études rab­bi­niques au Leo Baeck College de Londres (ces études n'existant pas en France pour les femmes), tout comme son aînée, Pauline Bebe. À son retour en France, Iris Ferreira s’est rap­pro­chée des com­mu­nau­tés juives ortho­doxes de l’Est de la France avant de se tour­ner fina­le­ment vers le mou­ve­ment libé­ral il y a quelques années.

Née en sep­tembre 2019 de l’alliance entre l’Union libé­rale israé­lite de France (ULIF) et le Mouvement juif libé­ral de France (MJLF), l’association libé­rale fran­çaise Judaïsme En Mouvement – dont Iris Ferreira fait par­tie – a la volon­té de « réunir des femmes et des hommes autour d’un judaïsme ouvert, tolé­rant, éclai­ré, moderne, éga­li­taire et inclusif ».

La pre­mière ordi­na­tion rab­bi­nique d'une femme a eu lieu en 1972 avec l’américaine Sally Priesland.

La ques­tion de la nomi­na­tion de femmes au sein des mou­ve­ments juifs libé­raux s’est posée la pre­mière fois il y a une cin­quan­taine d’années. La pre­mière ordi­na­tion rab­bi­nique fémi­nine publique et offi­cielle a eu lieu en 1972, avec l’Américaine Sally Priesland. Si le mou­ve­ment libé­ral est désor­mais domi­nant dans le monde anglo-​saxon où les femmes rab­bines sont d’ailleurs beau­coup plus nom­breuses, il reste encore mino­ri­taire en France où pré­vaut le judaïsme tra­di­tion­nel et ortho­doxe admi­nis­tré par le Consistoire cen­tral depuis sa créa­tion en 1808 par Napoléon.

À la dif­fé­rence du Consistoire qui admi­nistre le judaïsme en France et qui consi­dère que confier le rab­bi­nat à une femme n’est pas conforme à la loi juive, la hala­kha, Judaïsme En Mouvement estime que les femmes et les hommes sont égaux dans tous les domaines y com­pris la reli­gion. « Le Mouvement juif libé­ral s’inscrit plei­ne­ment dans son siècle et dans son époque, sou­tient Didier Tessier à Causette. Il allie à la fois la moder­ni­té – et donc l’égalité entre les femmes et les hommes – et la tra­di­tion. Contrairement au Consistoire qui ne fait que se dur­cir dans une voie très orthodoxe. »

« Dans le judaïsme tra­di­tion­nel fran­çais, je sais que cela reste com­pli­qué de conce­voir qu’une femme puisse être rab­bin. »

Didier tes­sier, coor­di­na­teur géné­ral au sein de l’association Judaïsme En Mouvement (JEM).

L’arrivée des femmes à la fonc­tion rab­bi­nique semble être approu­vée par les com­mu­nau­tés juives libé­rales fran­çaises. « Nous n’avons ren­con­tré aucune résis­tance au sein de notre mou­ve­ment pour l’ordination d’Iris Ferreira, confirme Didier Tessier. Mais dans le judaïsme tra­di­tion­nel fran­çais, je sais que cela reste com­pli­qué de conce­voir qu’une femme puisse être rab­bin. Ça peut cho­quer cer­tains juifs traditionnels. »

Lorsqu’on lui demande s’il ima­gine un jour une femme à la tête d’une com­mu­nau­té ortho­doxe fran­çaise, Didier Tessier reste sur la réserve : « Ils ne sont pas prêts pour l’heure, peut-​être plus tard mais pour l’instant je pense que nous allons sur­ement trop vite pour eux. » Il en veut pour preuve l’enterrement de Simone Veil, au sein du car­ré juif du cime­tière du Montparnasse à Paris le 5 juillet 2017. « Lorsque la rab­bine Delphine Horvilleur [l’une des trois à l’époque, ndlr] a pro­non­cé le kad­dish [la prière du sou­ve­nir, nldr], le grand rab­bin de France, Haïm Korsia, l’a qua­li­fiée de “Monsieur le rab­bin”. On sent que c’est encore com­pli­qué pour eux d’accepter les femmes. »

Des femmes de plus en plus nombreuses

Il le fau­dra pour­tant, car elles sont de plus en plus nom­breuses selon Didier Tessier à vou­loir embras­ser la fonc­tion rab­bi­nique. « Il y a une très forte demande, assure-​t-​il à Causette. Quand on ouvre les études rab­bi­niques aux femmes, on voit qu’elles sont postulantes. »

Si Iris Ferreira est la pre­mière femme à être ordon­née en France, ce n’est donc sur­ement pas la der­nière. « Deux autres femmes seront ordon­nées dans les années à venir, l’une à Paris, l’autre à Montpellier », annonce d’ores et déjà Didier Tessier. 

Lire aus­si : Delphine Horvilleur, Kahina Bahloul et Alice Peyrol-​Viale : une juive, une musul­mane et une catho sont dans un resto…

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