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©Université Paris 13

Les syn­di­cats étu­diants vent debout contre la remise en cause de la quasi-​gratuité de l’université par Emmanuel Macron

En lais­sant entendre qu’il plai­dait pour une hausse des frais de sco­la­ri­té à l’université afin de mieux finan­cer l’enseignement supé­rieur, Emmanuel Macron s’est mis à dos une grande par­tie de la com­mu­nau­té étudiante. 

Il a suf­fi d’une phrase pour mettre le feu aux poudres. À trois mois de la pré­si­den­tielle, Emmanuel Macron a récem­ment remis en cause le prin­cipe de la quasi-​gratuité des études uni­ver­si­taires. « On ne pour­ra pas res­ter dura­ble­ment dans un sys­tème où l’enseignement supé­rieur n’a aucun prix pour la quasi-​totalité des étu­diants », a lan­cé celui qui n’a pas encore annon­cé sa can­di­da­ture en clô­ture du 50e anni­ver­saire du congrès de la Conférence des pré­si­dents d’université (CPU), le 13 janvier. 

Revendiquant, comme à son habi­tude, de dire les choses avec « clar­té et fran­chise », le chef de l’État a dénon­cé une uni­ver­si­té fran­çaise « où un tiers des étu­diants sont consi­dé­rés comme bour­siers et où [il y a] pour­tant tant de pré­ca­ri­té étu­diante », ain­si qu’une « dif­fi­cul­té à finan­cer un modèle beau­coup plus finan­cé par l’argent public que par­tout dans le monde pour répondre à la com­pé­ti­tion inter­na­tio­nale ». Des décla­ra­tions aux airs de réforme pour Emmanuel Macron, qui semble plai­der pour une hausse des frais de sco­la­ri­té afin de mieux finan­cer l’enseignement supé­rieur et le rendre plus attractif. 

La remise en cause de la sacro-​sainte quasi-​gratuité de l’université n’a pas tar­dé à pro­vo­quer de vives réac­tions dans la com­mu­nau­té étu­diante, orga­ni­sa­tions syn­di­cales en tête. « En décla­rant vou­loir aug­men­ter les droits d’inscription, le pré­sident démontre qu’il sou­haite pri­va­ti­ser l’université fran­çaise sur le modèle anglo-​saxon, déplore à Causette Mélanie Luce, pré­si­dente de l’Union natio­nale des étu­diants de France (Unef). Une aug­men­ta­tion des prix ne ren­dra pas l’université plus attrac­tive, par contre, cela évin­ce­ra les étu­diants pauvres et creu­se­ra davan­tage les inéga­li­tés alors même qu’on se bat depuis quatre ans pour une réforme des bourses qui en aug­men­te­rait les échelons. » 

Vives réac­tions 

En France, l’université n’est gra­tuite que pour les étudiant·es boursier·ères. Les autres font face à des frais d’inscription qui s’élèvent à 170 euros pour une année de licence et à 243 euros pour une année de mas­ter. À ces droits d’inscription s’ajoute chaque année une contri­bu­tion de vie étu­diante et de cam­pus (CVEC) de 92 euros. Un cur­sus com­plet de cinq ans dans une uni­ver­si­té fran­çaise revient donc à un peu moins de 1 500 euros alors qu’une seule année dans une école pri­vée varie davan­tage entre 7 000 et 12 000 euros. 

Des frais de sco­la­ri­té assez bas (en Italie, une ins­crip­tion à l’université coûte par exemple 1 345 euros) qui ont pour­tant du sens pour Paul Mayaux, pré­sident de la Fédération des asso­cia­tions géné­rales étu­diantes (Fage). Selon lui, aug­men­ter les frais de sco­la­ri­té pour­rait deve­nir un pro­blème à long terme. « Cela revien­drait à fer­mer les portes des études supé­rieures à la grande majo­ri­té des étu­diants issus des classes moyennes, note-​t-​il. Il est grand temps d’en finir avec l’idée selon laquelle un étu­diant pré­caire est seule­ment un étu­diant bour­sier. Avec la crise, on a vu arri­ver des étu­diants qui ne sont pas dans une situa­tion pré­caire très forte, qui ne rentrent pas dans les cri­tères des bourses, mais qui ne peuvent pas non plus sub­ve­nir à leurs besoins et vivre décemment. » 

Lire aus­si : Les asso­cia­tions étu­diantes s’inquiètent de la hausse du coût de la ren­trée universitaire

Colmater l’échec…

Autre grief d’Emmanuel Macron dans son dis­cours : « l’intolérable gâchis » de l’échec en pre­mière année, où « seuls 50 % des étu­diants se pré­sentent aux exa­mens ». Une décla­ra­tion d’ailleurs erro­née puisque, selon Checknews, qui s’est pen­ché sur ce pour­cen­tage, « il n’y a pas “50 % d’étudiants qui ne se pré­sentent pas à leurs exa­mens”, mais 48,4 % d’étudiants ins­crits pour la pre­mière fois en L1, qui n’ont pas été notés pré­sents aux éva­lua­tions d’absolument toutes leurs UE [uni­tés d’enseignement, ndlr] »

Parler d’un « into­lé­rable gâchis » est, pour la pré­si­dente de l’Unef, Mélanie Luce, une « inad­mis­sible pro­vo­ca­tion ». « L’étudiant sala­rié est le prin­ci­pal pro­fil de l’étudiant en échec uni­ver­si­taire. Une hausse des coûts aug­men­te­rait jus­te­ment le nombre d’étudiants sala­riés et donc l’échec », souligne-​t-​elle, rap­pe­lant au pas­sage que « l’enseignement supé­rieur n’est tou­jours pas en capa­ci­té d’accueillir tous les can­di­dats, chaque année plus nom­breux, dans les filières de leur choix ». Ce qui entraîne de fait un grand nombre de « for­ma­tions par défaut », peu pro­pices à la réussite. 

« Il est inté­res­sant de poser le débat de la quasi-​gratuité de l’université sur la table »

Marie Durut-​Bellat, pro­fes­seure de socio­lo­gie à Sciences Po Paris, spé­cia­liste de l’éducation et de l’enseignement supé­rieur et cher­cheuse à l’Observatoire socio­lo­gique du changement

Pour Marie Durut-​Bellat, pro­fes­seure de socio­lo­gie à Sciences Po Paris, spé­cia­liste de l’éducation et de l’enseignement supé­rieur et cher­cheuse à l’Observatoire socio­lo­gique du chan­ge­ment, « il y a depuis long­temps un vrai pro­blème de finan­ce­ment dans l’enseignement supé­rieur avec d’un côté, des étu­diants aisés qui ne paient presque rien à l’université et de l’autre, des étu­diants de classe moyenne qui paient le prix fort dans les écoles pri­vées. Il est inté­res­sant de poser le débat de la quasi-​gratuité de l’université sur la table. »

Comment pourrait-​on alors résoudre le pro­blème du finan­ce­ment ? « On pour­rait déve­lop­per davan­tage de jobs étu­diants com­pa­tibles avec les études, rele­ver le niveau de bourse, faire davan­tage payer les étu­diants riches comme à Science Po ou encore mettre en place un sys­tème de prêt où les étu­diants en études ren­tables comme la méde­cine seraient dis­pen­sés de frais pen­dant leurs études pour les rem­bour­ser ensuite lorsqu’ils com­men­ce­ront à tra­vailler », pro­pose la sociologue. 

Mobilisation 

Marie Duru-​Bellat se veut pour autant ras­su­rante. « Personne ne va faire payer une for­tune l’université aux étu­diants, assure-​t-​elle. Les décla­ra­tions du pré­sident sont assez floues, mais on est quand même loin d’un modèle amé­ri­cain où la majo­ri­té des jeunes se retrouve sur­en­det­tée à 30 ans. Si une aug­men­ta­tion des coûts venait à pas­ser pour l’université, elle serait moindre et sur­tout modu­lable en fonc­tion des reve­nus et non uni­forme pour tous les étu­diants. » Pour la socio­logue, il serait de « bon ton » d’attendre des pré­ci­sions « avant de crier au loup »

Si l’Élysée a démen­ti, lun­di 17 jan­vier, tout pro­jet de réforme d’ici à la fin du quin­quen­nat, évo­quant seule­ment des pistes de réflexion pour l’avenir, du côté des étudiant·es, l’heure n’est plus à la réflexion. Plusieurs orga­ni­sa­tions syn­di­cales étu­diantes, dont l’Unef, ont d’ores et déjà pré­vu de se mobi­li­ser le 27 jan­vier pro­chain. « On ne va pas lâcher l’affaire, assure Paul Mayaux. L’université dys­fonc­tionne, certes, mais ce n’est pas aux étu­diants d’en payer le prix. »

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