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Maison du don à Paris © Louise Huet

« Les malades, eux, ne sont pas en vacances » : l’Etablissement Français du Sang s'alarme du manque de don­neurs avant l’été

Pour la jour­née mon­diale des don­neurs du sang (JMDS) ce mar­di 14 juin, Causette s’est ren­du dans une mai­son du don de l’Etablissement Français du Sang. L’occasion de ren­con­trer les donneur·ses et d’alerter quant aux dif­fi­cul­tés de les mobi­li­ser depuis les deux der­nières années.

A la mai­son du don Crozatier dans le 12ème arron­dis­se­ment de Paris, vingt rendez-​vous sont pré­vus au total pour la mati­née. A côté de l’accueil, les quelques donneur·ses présent·es rem­plissent leur fiche médi­cale avant de pas­ser un entre­tien avec un·e méde­cin pour déter­mi­ner s’iels res­pectent toutes les condi­tions. 11 heures, et dans le centre de don, on s’active : la Journée mon­diale des don­neurs du sang a lieu le len­de­main, le 14 juin. L’occasion pour le pré­sident de l’Etablissement Français du Sang, François Toujas, d'appeler les Français·es à venir sacri­fier un peu de leur temps pour offrir leur sang avant la période esti­vale. Mais aus­si de remer­cier les donneur·es et les béné­voles pour leur par­ti­ci­pa­tion et leur fidé­li­té, tout en rap­pe­lant l’engagement prin­ci­pal de l’EFS : aider à sau­ver un mil­lion de patient·es par an. « Les pro­duits déri­vés du sang uti­li­sés pour les malades sont irrem­pla­çables. Si nous ne les avons pas, nous ne pou­vons pas les soi­gner », sou­ligne Hervé Meinrad, direc­teur des col­lectes et de la pro­duc­tion de l’EFS pré­sent ce jour-là. 

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Un rap­pel de l’ambition de l’EFS plus que néces­saire. « Nous ren­con­trons beau­coup de dif­fi­cul­tés à recru­ter des don­neurs, car le don du sang, c’est aus­si le don du temps. Le Covid a induit un chan­ge­ment struc­tu­rel qui a mis à mal notre capa­ci­té à atti­rer les don­neurs et le per­son­nel soi­gnant. Les gens ont beau­coup chan­gé d’habitude et prennent sans doute moins le temps de venir. » Une ten­dance qui peine à s’améliorer. L’Etablissement Français du Sang néces­site 10 000 dons par jour pour avoir les stocks de sang néces­saires aux trai­te­ments des malades. Sauf que depuis deux ans, les stocks fluc­tuent de manière instable pour atteindre par­fois seule­ment 9000 poches par jour. Depuis 2019, l’EFS reçoit 40 000 poches de sang de moins chaque année. Alors, l’objectif : « mener des cam­pagnes de sen­si­bi­li­sa­tion jusqu’au 12 juillet pour accueillir encore plus de don­neurs et conti­nuer de sol­li­ci­ter les fidèles, pour obte­nir au moins 30 000 dons d’ici le début de l’été », indique le direc­teur des collectes. 

« Nous tra­vaillons en per­ma­nence sur l’attractivité de nos métiers, et nous menons des actions pour la reva­lo­ri­sa­tion de ces emplois. »

Hervé Meinrad
Les dif­fi­cul­tés à mobiliser

L’été repré­sente un défi de taille, puisque les Français·es affluent encore moins durant les périodes de vacances. « Mais les malades, eux, ne sont pas en vacances », lance Hervé Meinrad. Même si l’EFS orga­nise tous les étés des col­lectes de dons mobiles sur les plages et autres lieux de loi­sirs, les moyens mobi­li­sés pour les col­lectes res­tent limi­tés. « On peut mettre en place des cam­pagnes de mobi­li­sa­tion d’urgence mais cela demande tel­le­ment de res­sources déployées que l’on pré­fère vrai­ment ne pas en arri­ver là », confie le direc­teur. Pour cause, en plus des obs­tacles pour recru­ter les don­neurs, l’EFS peine à embau­cher du per­son­nel soi­gnant. « Nous tra­vaillons en per­ma­nence sur l’attractivité de nos métiers, et nous menons des actions pour la reva­lo­ri­sa­tion de ces emplois. Malgré tout, on a encore sur l'ensemble du ter­ri­toire fran­çais 65 postes de méde­cin vacants, et 45 pour les infir­mières », déplore Hervé Meinrad. 

Malgré ces dif­fi­cul­tés, Hervé Meinrad assure pour­tant qu’aucun·e patient·e n’a man­qué de poche de sang pen­dant les deux ans de Covid. Même si la situa­tion a par­fois été très ten­due, les objec­tifs ont tou­jours été atteints.

Le pro­ces­sus est pour­tant simple. Un simple ques­tion­naire d’antécédents médi­caux et d'informations à rem­plir, puis un court entre­tien avec un·e méde­cin, durant lequel la capa­ci­té à don­ner son sang est éva­luée. L’on peut renon­cer à tout moment, sans juge­ment. Le pré­lè­ve­ment de sang prend ensuite autour de quinze minutes, puis le ou la donneur·se patiente une ving­taine de minutes pour se rafraî­chir, prendre une col­la­tion et véri­fier que tout va bien avant de repar­tir. En tout, il faut comp­ter au maxi­mum une heure. « Et en plus, c’est une très petite aiguille qui ne fait pas mal du tout ! », assure le cadre de l’EFS. 

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Devanture de la mai­son du don dans le 12e © L.H.

Pour remo­bi­li­ser les donneur·ses, tous les moyens sont bons : cibler les jeunes sur les réseaux sociaux via des cam­pagnes de com­mu­ni­ca­tion et des appli­ca­tions sim­pli­fiées à uti­li­ser, pro­po­ser des col­lectes de dons dans des lieux de culture pres­ti­gieux comme le Musée d’Orsay – un par­te­na­riat avec le Centre des monu­ments natio­naux doit démar­rer en sep­tembre -, éla­bo­rer des évé­ne­ments spé­ciaux : en novembre, la « semaine des sangs rares » vise par exemple à sen­si­bi­li­ser toutes les popu­la­tions pour prendre conscience des spé­ci­fi­ci­tés des groupes san­guins peu fréquents.

Moins de donneur·ses en entre­prise et dans les écoles

Un autre axe de tra­vail, la recon­quête des ter­ri­toires de col­lecte en entre­prise et dans le milieu de l’enseignement. Hervé Meinrad le recon­naît : « C’est l’équivalent de 175 000 dons de per­du en une année dans les uni­ver­si­tés et les entre­prises. » Le retour des col­lectes dans ces lieux s’effectue pro­gres­si­ve­ment, mais le télé­tra­vail reste un obs­tacle de taille. L’EFS mise aus­si depuis 2020 sur la téléas­sis­tance médi­cale, des col­lectes sans méde­cin, que les infirmier·es habilité·es sur place peuvent contac­ter à tout moment à dis­tance. Ces consul­ta­tions en dis­tan­ciel repré­sentent désor­mais 20% des col­lectes, comme l’a annon­cé le direc­teur lors de la confé­rence de presse orga­ni­sée par l’EFS le 7 juin dernier. 

« Je parle un peu des dons du sang autour de moi, mais ça ne convainc pas beaucoup. »

Valentin, don­neur

Parmi les étudiant·es que le Covid n’a pas rebu­té, il y a Valentin. Dans la salle dédiée aux donneur·es de la mai­son Crozatier, il est venu don­ner son plas­ma, le com­po­sant liquide du sang. Le jeune homme de 24 ans patiente confor­ta­ble­ment 45 minutes, le temps que son plas­ma soit extrait. Mais pen­dant l’attente, pas le temps de s’ennuyer : « Quand je viens, je lis un article pour ma thèse, je regarde une série, ou je lis un livre… Le temps passe super vite, et en plus on est super bien accueilli ! », nous garan­tit le jeune homme allon­gé sur le lit d’hôpital. Véritable fidèle du centre de don, Valentin vient au moins quatre fois par an depuis le lycée. Pourquoi ? Tout sim­ple­ment pour « contri­buer à aider des gens, explique le futur cher­cheur en bio­lo­gie. Comme je ne serai jamais en contact avec des malades dans mon métier, don­ner mon sang c’est ma façon à moi d’être un inter­mé­diaire, de me rap­pro­cher un peu d’eux. » Le jeune homme est un habi­tué des aiguilles, connais­seur du monde médi­cal grâce à ses études de sciences. Il s’est tou­jours sen­ti ras­su­ré et très bien accom­pa­gné par les soignant·es. « Et puis ils donnent tou­jours à man­ger à la fin, c’est sympa ! »

Néanmoins, Valentin est lui-​même conscient d’être un cas à part. Autour de lui, il reste l’un des seuls par­mi ses proches à prendre le temps de don­ner son sang. « Certains de mes amis en bio­lo­gie le font aus­si, mais c’est parce qu’on connaît bien ce monde-​là. J’en parle un peu autour de moi, mais ça ne convainc pas beau­coup. » Les pubs de l’EFS sur Facebook lui servent de petit rap­pel. « J’ai vu pas­ser un post de l’EFS sur mes réseaux sociaux et je me suis dit “ah, c'est le moment d’y aller !” » Même s’il retourne au centre tous les trois mois, Valentin ne le per­çoit pas comme un enga­ge­ment envers l’EFS, mais bien comme un enga­ge­ment envers lui-​même. A la fin de notre dis­cus­sion, Valentin se tourne vers sa série, le bras ten­du, l’air tran­quille. Il lui reste 30 minutes pour finir son épisode.

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