Le Goncourt de la poésie 2022, Jean-Michel Maulpoix, condamné pour violences conjugales, continue à publier : trois de ses livres ont paru ensuite, dont un jeudi. Et seules des femmes brisent le silence du monde des lettres.
Goncourt de la poésie en 2022, l’écrivain Jean-Michel Maulpoix, 71 ans a écopé, mi-février à Strasbourg, de 18 mois de prison avec sursis pour des coups et blessures sur sa femme, Laure Helms, 46 ans. Difficile d’ignorer, aujourd’hui, l’étendue de ces violences. Deux sites Internet d’information, Mediapart et Zone critique, ont publié des comptes rendus d’audience détaillant les faits, effrayants, dénoncés par la victime : coups de poing sur le ventre lors de sa grossesse ou sur un plâtre protégeant un poignet cassé, cheveux arrachés, etc. Mediapart a même publié des photos des blessures subies par Laure Helms.
Certains propos du poète qui, selon son avocat Clément Dezempte, rapporte que les violences étaient réciproques, ont particulièrement choqué. L’écrivain a en effet déclaré à la police : “Je n’ai pas l’impression d’avoir trouvé mon compte là-dedans. J’y ai trouvé une énergie. Si ça a duré aussi longtemps, c’est que cette masse négative générait du positif.”
“La condamnation […] du professeur émérite, spécialiste du lyrisme et poète Jean-Michel Maulpoix […] confirme que ni la littérature ni l’université ne sauvent les femmes”, a écrit un “collectif” de plus de quatre cents autrices, éditrices et enseignantes dans Le Monde daté de vendredi – dont Annie Ernaux, Vanessa Springora ou Laure Murat – et qui “dénonce la persistance des agressions sexuelles et des viols dans le monde littéraire”.
“Jean-Michel Maulpoix ne conteste pas sa culpabilité et il a accepté sa peine”, a déclaré son avocat. “Il regrette seulement que son épouse n’ait pas été condamnée elle aussi.”
Le parquet, qui avait requis une condamnation pour les deux prévenu·es dans ce dossier, n’a pas fait appel non plus.
Délais trop courts
Des condamnations qui n’ont pas empêché l’œuvre de Jean-Michel Maulpoix de continuer à paraître, à un rythme élevé. Le 15 février, au surlendemain de la condamnation, Gallimard a réédité en poche Rue des fleurs et Pas sur la neige, deux recueils datant de 2022 et 2004.
Pocket a maintenu la parution de l'essai Charles Baudelaire, l'homme des foules, à la date prévue, le 29 février. De même, le recueil Cahier de nuit paraît jeudi aux éditions du Mercure de France.
Interrogés, ces deux éditeurs ont répondu que les délais étaient trop courts pour annuler l’impression. Sans se prononcer sur la possibilité de retirer les ouvrages des librairies. Un compte X au nom du poète a signalé les deux premières publications les jours dits. Une rare réaction est venue du Pen Club français, branche d’une association internationale d’écrivain·es pour la liberté d’expression. “Nous exprimons notre solidarité avec l’épouse de Jean-Michel Maulpoix, dont les sévices subis rappellent la multitude de faits et de situations qui mettent en péril l’intégrité intellectuelle et physique des femmes”, a écrit l’association lundi.
L’Académie Goncourt se réunissait le lendemain, pour son déjeuner mensuel. Interpellée par plusieurs utilisateur·rices de X sur l’affaire, elle n’a pas profité de ce déjeuner pour réagir publiquement. Selon une source proche de l’Académie, les commensaux·ales du restaurant Drouant ont estimé être trop peu nombreux, avec quatre absents, pour définir une position qui les engagerait tous. Le sujet doit être remis à l’ordre du jour début avril.
Il est difficilement imaginable qu’elle retire à Jean-Michel Maulpoix son prix. Quand l’Académie avait découvert que son lauréat du prix Goncourt 1960, Vintila Horia, avait publié en Roumanie des articles antisémites, ou à la gloire de Benito Mussolini et Adolf Hitler, elle avait déclaré le prix “attribué mais non décerné”.