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Delphine Jubillar ©Capture d'écran France 3

Deux ans après la dis­pa­ri­tion de Delphine Jubillar, l’heure de la reconstitution

La pre­mière recons­ti­tu­tion de la nuit où Delphine Jubillar, cette infir­mière et mère de famille de 34 ans, a dis­pa­ru de chez elle en décembre 2020 est pré­vue ce mar­di soir à Cagnac-​les-​Mines dans le Tarn. L’objectif pour les juges d'instruction : confron­ter Cédric Jubillar, prin­ci­pal sus­pect dans l’affaire.

Saura-​t-​on un jour ce qui est arri­vé à Delphine Jubillar ? Depuis presque deux ans, le vil­lage de Cagnac-​les-​Mines, près d’Albi dans le Tarn, vit au rythme des rebon­dis­se­ments de l’affaire Delphine Jubillar. Cette infir­mière de 34 ans a dis­pa­ru dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020 de son domi­cile conju­gal de la rue Yves-​Montand. Le corps de la mère de famille n’a jusqu'à pré­sent jamais été retrou­vé. Le petit vil­lage sera bou­clé par les forces de l'ordre ce soir : c’est à son domi­cile, que ce mar­di 13 décembre se tien­dra à par­tir de 22 heures la pre­mière recons­ti­tu­tion de la nuit où elle a dis­pa­ru. Elle pour­rait durer plu­sieurs heures. Le temps néces­saire pour que les juges d’instruction décor­tiquent le dérou­lé de la nuit.

Au pre­mier rang se trou­ve­ra le mari de Delphine, Cédric Jubillar, prin­ci­pal sus­pect dans sa dis­pa­ri­tion. Le peintre pla­quiste de 35 ans a été mis en exa­men et pla­cé en déten­tion pro­vi­soire depuis dix-​huit mois dans la mai­son d’arrêt de Seysses (Haute-​Garonne) pour le meurtre de sa femme. Il clame son inno­cence depuis tou­jours, décla­rant n’avoir jamais rien fait à son épouse, avec qui il était en ins­tance de sépa­ra­tion. En sep­tembre der­nier, sa sixième demande de remise en liber­té a d'ailleurs été rejetée.

Selon lui, sa femme serait sor­tie de la mai­son vers 23 heures pour pro­me­ner leurs deux chiens. Il a dit aux enquêteur·trices être allé se cou­cher puis avoir été réveillé vers 4 heures du matin par les pleurs de leur fille. C'est là qu'il aurait alors consta­té l’absence de sa femme, avant d’alerter les gen­darmes et de par­tir à sa recherche. 

Connaître le scé­na­rio de l’accusation

Cédric Jubillar devra donc repro­duire le dérou­lé exact de cette soi­rée et de cette nuit. Une recons­ti­tu­tion qu'il a d’ailleurs deman­dée à plu­sieurs reprises par le biais de ses avocat·es. « Normalement, des recons­ti­tu­tions, on en a dans tous les dos­siers cri­mi­nels, quelle que soit la ver­sion du mis en cause. Là, la dif­fi­cul­té, c’est qu’ils n’ont rien, on ne sait pas quel est leur scé­na­rio à part dire que Cédric Jubillar l’a tuée, a décla­ré auprès du média 20 minutes, Me Emmanuelle Franck, l’un des trois conseils du mari de Delphine Jubillar. Si, par exemple, on avait une scène de crime avec du sang, on pour­rait se dire qu’un cou­teau a été uti­li­sé, là, on va repro­duire quoi ? Un étran­gle­ment ? Un coup de cou­teau à l’extérieur ? Il la frappe avec un objet ? Ils pensent que c’est un coup dans le salon et qu’il cache bien le corps, mais il laisse bien les lunettes en évi­dence ? Ils vont peut-​être nous sor­tir un scé­na­rio, ça nous per­met­tra d’établir ce sur quoi on doit se défendre devant une cour d’assises. »

Plusieurs mises en situa­tion devraient avoir lieu ce soir en pré­sence de Cédric Jubillar donc, mais aus­si des voisin·es présent·es la nuit de la dis­pa­ri­tion. En par­ti­cu­lier, le moment où des voi­sines habi­tant un peu plus loin dans le lotis­se­ment, affirment avoir enten­du des cris de femme, mêlés à des aboie­ments, peu après 23 heures, alors qu’elles étaient sor­ties pour fumer une ciga­rette. Un témoi­gnage qui ne colle pas pour la défense. « Les voi­sins proches sont tous pré­sents à 23 heures et aucun ne dor­mait, hor­mis une dame qui était malade et était allée se cou­cher tôt. Ils ont tous été inter­ro­gés le len­de­main et tous disent qu’ils n’ont rien enten­du. C’est ce qui est sur­pre­nant dans l’histoire de ces voi­sines : elles, habi­tant à 130 m, entendent hur­ler, et des gens qui sont à trois mètres n’entendent rien », plaide Emmanuelle Franck.

Enjeu cru­cial 

La recons­ti­tu­tion de ce soir s'annonce être un moment cru­cial dans l’affaire Jubillar. Car Cédric devra s’expliquer sur les nom­breuses autres zones d’ombres qui per­sistent dans ce dos­sier. Notamment la nou­velle exper­tise des mon­tures cas­sées des lunettes de vue de la jeune femme, qui a mis en évi­dence en août der­nier un mélange des ADN des deux membres du couple. 

Par ailleurs, l'absence, sur ces lunettes bri­sées, du pro­fil géné­tique de l’amant de Delphine, et de celui de sa femme, écarte la piste d’une tierce per­sonne sou­te­nue par la défense de Cédric Jubillar. « C’est l’enjeu cru­cial de cette recons­ti­tu­tion. Il va fal­loir qu’il nous donne des expli­ca­tions sur la manière dont les lunettes ont été bri­sées », a sou­li­gné Me Mourad Battikh, l’avocat de l’oncle et la tante de Delphine Jubillar auprès de 20 minutes. 

Lire aus­si I Disparition de Delphine Jubillar : sur requête de la jus­tice amé­ri­caine, Google a four­ni les don­nées GPS du télé­phone de Cédric Jubillar

Cédric Jubillar devra cer­tai­ne­ment aus­si prou­ver aux juges qu’il a bien cher­ché sa femme et s’est acti­vé pour ten­ter de la retrou­ver. Il devra notam­ment s’expliquer sur les don­nées trans­mises par son télé­phone, les seuls élé­ments maté­riels dont on dis­pose à ce jour et qui contre­disent sa ver­sion des faits. Les enquêteur·trices sont en effet persuadé·es qu’il n’est jamais par­ti à sa recherche lors de la nuit de sa dis­pa­ri­tion contrai­re­ment à ce qu’il avait affir­mé lors de son audition. 

En effet, les don­nées du podo­mètre du télé­phone de Cédric Jubillar ne cor­res­pondent pas à son témoi­gnage, puisque le nombre de pas recen­sés par l’application (qui n’a pas besoin d’être ouverte pour fonc­tion­ner) est très faible. D'après les rele­vés enre­gis­trés par son télé­phone, il n'aurait fait que 46 pas entre 3 h 53 et 4 heures et seule­ment 255 pas entre 4 h et 5 h du matin dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020. Cédric Jubillar avait jus­ti­fié le faible nombre de pas effec­tués par le fait qu’il ne por­tait pas sys­té­ma­ti­que­ment son télé­phone por­table sur lui. 

Électrochoc 

Autre indice rete­nu contre Cédric Jubillar : son atti­tude le matin de la dis­pa­ri­tion de sa femme. La pre­mière chose qu’il aurait faite en ral­lu­mant son télé­phone, peu avant 4 heures du matin, est de se connec­ter à un site de ren­contre. Il y a enfin le témoi­gnage du fils des Jubillar, Louis, qui a indi­qué lors de sa troi­sième audi­tion qu’il aurait vu ses parents se dis­pu­ter par l’entrebâillement de la porte de sa chambre. Une dis­pute tou­jours niée par son père. 

Autant de ques­tions aux­quelles l'instruction judi­ciaire ten­te­ra de trou­ver des réponses ce soir et pro­vo­que­ront peut-​être un élec­tro­choc chez Cédric Jubillar. C'est en tout cas ce qu'espèrent les par­ties civiles. « Lors des recons­ti­tu­tions, les per­sonnes se retrouvent sur les lieux, alors les choses peuvent remon­ter. Moi, je crois beau­coup à la pos­si­bi­li­té pour Cédric Jubillar de se remettre vrai­ment en ques­tion, espère ain­si Me Philippe Pressecq, l’avocat d'une cou­sine de Delphine Jubillar, auprès de France Bleu Occitanie. Il va reprendre contact pour la pre­mière fois avec le domi­cile conju­gal, il va revivre les der­niers ins­tants de la vie de son épouse. […] Je pense qu’il est pos­sible qu’il craque parce qu’une recons­ti­tu­tion, c’est un moment fort. C’est une catharsis. »

Des aveux de Cédric Jubillar ? Le ténor du bar­reau tou­lou­sain Georges Catala, qui a plai­dé dans de nom­breuses affaires pénales, n’y croit pas du tout. « À mon avis, il n'y aura pas de sur­prise. C'est un homme qui a contes­té bec et ongles une quel­conque res­pon­sa­bi­li­té dans la dis­pa­ri­tion de sa femme depuis le début. Il fau­drait quelque chose de mira­cu­leux pour que l'on puisse consi­dé­rer que cette recons­ti­tu­tion apporte quelque chose », a décla­ré l'avocat – qui ne repré­sente per­sonne dans cette affaire – à France Bleu Occitanie. Deux après la dis­pa­ri­tion de Delphine Jubillar, le pro­cès de son mari est annon­cé pour début 2024 devant la cour d’assises du Tarn, à Albi. 

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