Alors qu’un film, L’Arche de Noé, racontant le quotidien d’une association venant en aide aux jeunes LGBT mis·es à la rue, sort ce mercredi au cinéma, Le Refuge, qui réalise cette mission dans la réalité, fête ses 20 ans d’existence. Après avoir connu des turbulences à la fin de l’année 2020, la structure tente depuis trois ans de se professionnaliser. Mais la philosophie du Refuge est-elle compatible avec son récent “adossement” au Groupe SOS, géant de l’économie sociale et solidaire, à l’esprit très start-up nation ? Enquête.
“Une association accueille des jeunes LGBT mis à la rue par leurs familles.” Le pitch du premier film du réalisateur français Bryan Marciano, L’Arche de Noé, avec Valérie Lemercier en vedette, rappelle très franchement l’histoire du Refuge, qui fête ses 20 ans d’existence en 2023. Avant la sortie du long-métrage ce 22 novembre, six avant-premières ont été organisées un peu partout en France par la structure, qui en a récolté l’ensemble des bénéfices.
Depuis sa création à Montpellier en 2003, Le Refuge aide et accompagne des jeunes LGBTQIA+ en grande difficulté et instabilité, lorsqu’ils et elles ont été mis·es à la porte par leur famille en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. D’abord lancée comme une association avant de devenir une fondation en mars 2020, la structure grandit au fur et à mesure des années, s’installant durablement dans le paysage médiatique et politique, à travers le soutien de personnalités, comme la comédienne Muriel Robin qui en a été la marraine pendant plusieurs années. Fort de 6 millions d’euros de ressources en 2022, dont 20–25 % proviennent de financements publics, Le Refuge intervient aujourd’hui dans dix-sept villes et s’appuie sur le travail de 145 salarié·es et 400 bénévoles.
Ces deux dernières décennies n’ont cependant pas été un long fleuve tranquille pour cet organisme connu de tous et toutes les Français·es et éclaboussé par de récents scandales. En 2020, la mauvaise gestion de la structure, résultant en une prise en charge jugée défaillante des jeunes LGBTQIA+, avait été pointée du doigt. Ses fondateurs avaient démissionné, accusés de “travail dissimulé”, de “harcèlement moral” ou de “harcèlement sexuel”.
Personne ne semble y penser en ce 16 mai dernier, au sommet de l’hôtel 5 étoiles SO/Paris, dans le 4e arrondissement de la capitale. Pour la soirée anniversaire de la fondation, une trentaine d’invité·es partagent verres de vin blanc et coupes de champagne. Devant d’immenses vitres, à travers lesquelles on aperçoit la tour Eiffel, les visages connus de plusieurs politiques, figures de la Macronie, comme les ministres Gabriel Attal et Clément Beaune, ansi que la secrétaire d’État Sarah El Haïry, se détachent de la foule.
Moins connus du grand public, des membres du Groupe SOS se pressent aussi sur la moquette du très chic lieu. Fondé par Jean-Marc Borello, un proche d’Emmanuel Macron, le Groupe SOS, géant de l’économie sociale et solidaire (ESS), occupe une certaine place au sein du discours que livre le président de la structure de soutien aux LGBTQIA+, Michel Suchod. Au milieu de remerciements pour les salarié·es, bénévoles et mécènes, l’homme âgé de 77 ans glisse que le Refuge s’est adossé au Groupe SOS “pour progresser et avancer”. Un rapprochement jusque-là tu publiquement, mais auquel l’ensemble des membres et des proches de la fondation a été confronté le 25 janvier dernier, dans une newsletter rédigée par Michel Suchod et que Causette a pu consulter.