Claire Hedon ©RTL
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La défen­seure des droits s’inquiète d’une “bana­li­sa­tion des atteintes aux droits” des citoyen·nes

Fossé crois­sant entre les citoyen·nes et les ser­vices publics, déci­sions de jus­tice inexé­cu­tées, popu­la­tions vul­né­rables à qui l’on rend la vie encore plus dif­fi­cile… Dans son rap­port annuel, la Défenseure des droits, Claire Hédon, s’inquiète de la fra­gi­li­sa­tion" pré­oc­cu­pante” de l’État de droit.

“On observe une sorte de bana­li­sa­tion des atteintes aux droits, cette fra­gi­li­sa­tion n’est pas
nou­velle, mais elle s’inscrit dans une ten­dance de fond avec une forme d’accélération”,
résume Claire Hédon, à l’occasion de la sor­tie du rap­port annuel de l’institution, mar­di 26 mars. L’autorité indé­pen­dante, notam­ment char­gée de défendre les droits des citoyen·nes face à l’administration, a reçu en 2023 plus de 137 000 récla­ma­tions, soit 10 % de plus que l’année pré­cé­dente. Des sai­sines qui, majo­ri­tai­re­ment, concernent les rela­tions avec les ser­vices publics (plus de 92 000 récla­ma­tions, en hausse de 12 % sur un an).

“Il y a un fos­sé qui s’est construit entre les usa­gers et le ser­vice public”, constate Claire Hédon. “On nous dit : ‘Ça s’améliore.’ Moi, ce que je constate, c’est qu’on a de plus en plus de sai­sines, ce qui n’est pas du tout ras­su­rant.” Les autres récla­ma­tions concernent la lutte contre les dis­cri­mi­na­tions, les droits de l’enfant, la déon­to­lo­gie des forces de sécu­ri­té et la pro­tec­tion des lanceurs·euses d’alerte. Dans son rap­port, la Défenseure des droits pointe du doigt plu­sieurs réformes légis­la­tives ou règle­men­taires ayant “res­treint le béné­fice de cer­tains droits”. Dans son viseur, la loi “pour le plein emploi”, mais aus­si la loi Kasbarian “visant à pro­té­ger les loge­ments contre l’occupation illi­cite” ou encore la loi sur l’immigration. “On met encore plus en dif­fi­cul­té des popu­la­tions déjà très vul­né­rables”, estime Claire Hédon.

À cela s’ajoutent “des pro­pos et des actes par les­quels des déci­sions de jus­tice ont été
remises en cause ou cri­ti­quées”
. Des phé­no­mènes qui “n’ont rien d’anecdotique” et “tra­duisent une fra­gi­li­sa­tion émi­nem­ment pré­oc­cu­pante de l’autorité du juge et, au-​delà, de
l’État de droit”,
peut-​on lire dans le rap­port. L’autorité indé­pen­dante cite comme exemple “l’instrumentalisation du Conseil consti­tu­tion­nel, à qui il a été deman­dé de sanc­tion­ner des dis­po­si­tions légis­la­tives mal­gré leur incons­ti­tu­tion­na­li­té mani­feste” dans le cadre de la loi sur l’immigration. “Notre sys­tème démo­cra­tique n’est pas basé que sur les élec­tions, il est basé sur un équi­libre des pou­voirs, sur le fait que les pou­voirs publics sont sou­mis au droit”, insiste Claire Hédon.

“Soins dis­cri­mi­na­toires”
  • Dans son rap­port, la Défenseure des droits déplore éga­le­ment “l’inexécution de plus en plus
    impor­tante des déci­sions de jus­tice, y com­pris adop­tées par les plus hautes juri­dic­tions”,
    que ce soit le Conseil d’État ou la Cour euro­péenne des droits de l’homme (CEDH). Observée depuis des années, “la non-​exécution mas­sive des déci­sions de jus­tice en matière
    de droit au loge­ment oppo­sable (Dalo) ou d’accès des étran­gers aux pré­fec­tures”
    est, quant à elle, “dans cer­taines régions, une constante”, dénonce-​t-​elle.

    Les res­tric­tions des liber­tés d’expression, de mani­fes­ta­tion et d’association se sont
    pour­sui­vies, selon le rap­port. Au total, l’institution dit avoir été sai­sie “de près de 170 récla­ma­tions met­tant en cause la déon­to­lo­gie des forces de sécu­ri­té dans le main­tien de l’ordre” à l’occasion des mani­fes­ta­tions contre la réforme des retraites. Ces situa­tions répé­tées “peuvent dis­sua­der des per­sonnes d’aller mani­fes­ter et restreignent
    ain­si la pos­si­bi­li­té d’utiliser la mani­fes­ta­tion comme vec­teur de contes­ta­tion des déci­sions
    publiques”,
    s’alarme-t-elle.

    Autres sources d’inquiétudes, les mesures de res­tric­tion obser­vées en 2023 et qui ont empê­ché “cer­taines per­sonnes en situa­tion de pré­ca­ri­té d’accéder à leurs droits”. L’autorité indé­pen­dante cite notam­ment en exemple l’arrêté pré­fec­to­ral pris en octobre 2023 et inter­di­sant dans un sec­teur pari­sien pen­dant un mois toute dis­tri­bu­tion ali­men­taire. Par ailleurs, les per­sonnes pré­caires doivent éga­le­ment com­po­ser avec des “dis­cri­mi­na­tions
    per­sis­tantes”
    , notam­ment dans le domaine de l’accès aux soins. “Il existe encore aujourd’hui des refus de soins dis­cri­mi­na­toires oppo­sés à des per­sonnes qui béné­fi­cient de la
    com­plé­men­taire san­té soli­daire”
    , relève le rapport.

Lire aus­si I Claire Hédon, Défenseure des droits : « Le nombre de récla­ma­tions liées aux dis­cri­mi­na­tions au tra­vail de femmes enceintes est stupéfiant »

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