L’influenceuse Chloë Gervais est victime depuis quelques jours d’un torrent de haine pour avoir dénoncé les commentaires misogynes suscités par le contenu d’Abrège frère, un tiktokeur qui raccourcit des vidéos sur la plateforme pour en résumer les propos, principalement ceux tenus par des femmes.
Sur les réseaux sociaux, le compte Abrège frère connaît depuis plusieurs semaines une popularité fulgurante et cumule aujourd’hui plus d’un million d’abonné·es sur TikTok. Le concept ? Raccourcir des vidéos de quelques minutes pour aller droit au but et résumer les propos tenus par les créateur·rices à l’origine de ce contenu. Le tiktokeur se félicite ensuite de la poignée de seconde gagnée. Seul problème : ses vidéos semblent s’en prendre particulièrement aux femmes de la plateforme, celles-là mêmes qui peinent déjà à s’exprimer librement sur les réseaux sociaux.
Abrège frère a ainsi trouvé son public en la personne des mascus d’Internet, tout émoustillés de voir des jeunes femmes “abrégées”, voire silenciées. La dernière victime en date des commentaires misogynes suscités par ce contenu n’est autre que Chloë Gervais, influenceuse et petite-amie présumée du premier youtubeur français, Squeezie. La jeune femme a eu le malheur de dénoncer la vague de haine qu’a engrangée la vidéo d’elle abrégée par le tiktokeur, la goutte d’eau pour les gros sexistes d’Internet.
“Il a créé malgré lui une immense vague de harcèlement”
“Femme diabolique”, “qu’est-ce qu’elle raconte cette pute”, “michto”, “elle cherche le buzz”… sur les réseaux sociaux, le florilège d’insultes qui visent Chloë Gervais n’en finit pas. Dans une première vidéo, l’influenceuse a réagi à cette vague de cyberharcèlement en affirmant que le concept d’Abrège frère “normalise le fait de dire à des meufs qui font leur tuto make up ou story time de fermer leur bouche”. Une prise de parole qui a encore intensifié le déferlement de haine. Elle a ensuite eu à se défendre d’avoir qualifié le tiktokeur de misogyne et marteler à nouveau qu’elle ne faisait que dénoncer la violence en ligne suscitée par son contenu dans une seconde vidéo parue le 19 février. “Ce que je et plein d’autres meufs reprochent à Abrège frère, c’est qu’il a créé malgré lui une immense vague de harcèlement et de misogynie sur les réseaux”, commente ainsi Chloë Gervais.
La jeune femme ajoute également ne pas penser "qu'on puisse rester insensible quand t'as des milliers de meufs qui te font remarquer qu'elles se font insulter, humilier, harceler à cause de ton contenu". L'influenceuse souligne en cela le rôle indirect joué par le tiktokeur qui ne fait rien pour empêcher les mascus d'instrumentaliser son contenu pour harceler des créatrices sur les réseaux. "Ce qui me laisse penser qu'il pourrait en avoir après les femmes", explique Chloë Gervais.
Un sexisme profond
Si la jeune femme n’est donc pas la seule à avoir pointé du doigt les répercussions misogynes du contenu d’Abrège frère, son statut de petite-amie présumée de Squeezie ajoute encore à la violence des commentaires à son sujet. Nombre de ces derniers la ramènent en effet à son statut de “petite-amie de”. Chloë Gervais n’a plus de nom, plus d’identité, à part celle de compagne présumée – et bien sûr indigne selon les internautes mascus – du youtubeur. Ce dernier a d’ailleurs à son tour commenté le cyberharcèlement subi par la créatrice de contenu en écrivant sur X (ex-Twitter) : “Ici y’a 5 % de types drôles et le reste vous passez votre temps à harceler, à vous acharner, à être misogyne, à déformer des propos, à répandre de la merde.” Une démarche de preux chevalier qui souligne le besoin qu’une femme soit défendue par un homme pour espérer que le harcèlement cesse ou simplement que son propos soit entendu.
Loin d’être une petite histoire d’influenceur·euses, le violent cyberharcèlement qui vise Chloë Gervais et d’autres créatrices de contenu est un énième exemple du profond sexisme qui gangrène les réseaux sociaux. Comme le rappelle la journaliste Salomé Saqué – qui cite une statistique de l’ONU dans son analyse éclairante de cette situation – “Une femme a 27 fois plus de probabilité d’être harcelée en ligne qu’un homme”. Le concept d’Abrège frère et son silence face aux commentaires haineux suscités par ses vidéos n’ont rien d’anodin. Son contenu ne fait que mettre en lumière l’incapacité de certain·es utilisateur·rices à accepter la simple existence d’une femme qui publie et dit ce qu’elle veut sur Internet.
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