La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a épinglé jeudi la France pour « violation de la liberté d’expression ». L'ex-Femen et militante féministe Éloïse Bouton avait été condamnée en 2014 pour « exhibition sexuelle », en raison d'une action de son ancien collectif féministe au sein de l’église de la Madeleine à Paris, où elle était apparue seins nus.
« Non, le torse des femmes n’est pas plus érotique que celui des hommes. » Ce jeudi après-midi, sur Twitter, la journaliste et ex-Femen Éloïse Bouton a laissé éclater sa joie. Sept ans après avoir été condamnée à un mois de prison avec sursis pour « exhibition sexuelle », en raison d'une action de son ancien collectif féministe au sein de l’église de la Madeleine à Paris, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qu'elle avait saisie, a condamné la France pour « violation de la liberté d’expression ». Dans un communiqué de presse, l'instance juge qu'il y a eu une violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, celui qui a attrait à la liberté d'expression.
Le 20 décembre 2013, Éloise Bouton était apparue seins nus au sein de l'église du 8e arrondissement de la Capitale, coiffée d'un voile bleu, avec écrit « 344e salope » sur la poitrine, en référence au manifeste des 343, une pétition parue dans le Nouvel Observateur en 1971 pour appeler à la légalisation de l'avortement en France. Après une plainte du curé de la paroisse, elle avait donc été une première fois condamnée par le tribunal correctionnel de Paris, en 2014, rappelle Mediapart, avant que sa peine ne soit confirmée en appel, puis par la Cour de cassation. Avec son avocat Me Tewfik Bouzenoune, elle s'était tournée vers la CEDH en 2019.
« Un outil politique ou artistique »
La Cour européenne des droits de l'homme précise dans sa décision que « le seul but de l'action de la requérante, qui n'a pas été accusée d'avoir eu un comportement insultant ou haineux, était de contribuer au débat public sur les droits des femmes, en particulier le droit à l'avortement ». Elle ajoute que la justice française « s'est bornée à examiner le fait qu'elle a montré ses seins dans un lieu de culte, sans prendre en considération le message sous-jacent de sa performance ou les explications données par les Femen à propos de la signification de leurs manifestations seins nus ». Elle a conclu que la peine d’emprisonnement avec sursis prononcée à son encontre « n’était pas nécessaire dans une société démocratique ».
« Ce combat personnel s’achève avec soulagement et bonheur. Le combat militant se poursuivra autant que ce sera nécessaire. Non, le torse des femmes n’est pas plus érotique que celui des hommes. Oui, elles ont le droit de disposer librement de leur corps et d'en faire un outil politique ou artistique ou ce qu'elles veulent », s'est félicitée Eloïse Bouton sur Twitter, quand son conseil a qualifié la décision européenne de « plus beau jour de [sa] vie professionnelle d’avocat ». La CEDH a, par ailleurs, condamné la France à verser à la militante féministe 2000 euros pour « dommage moral » et 7800 euros de frais de justice.