Pour la première fois en France, la justice a reconnu la filiation entre une mère transgenre et son enfant née après le changement à l'état civil du genre de la première.
Une victoire, après huit ans de combat judiciaire. Mercredi, la cour d'appel de Toulouse a reconnu le droit à une femme transgenre d'être désignée comme mère dans l'acte de naissance de son enfant. « La cour d’appel a considéré que deux filiations maternelles pouvaient en l’espèce être établies », explique-t-elle dans un communiqué de presse.
De jugement en jugement
Claire (le prénom a été changé) a eu deux enfants avec sa compagne, entre 2000 et 2004, avant de changer d'identité de genre sur son acte d'état civil en 2011. Elle a ensuite conçu une petite fille en 2013, ayant conservé ses attributs masculins. Claire a demandé la transcription, sur l’acte de naissance de l’enfant, de sa reconnaissance de maternité « anténatale », à la manière de ce que font les pères. L’officier de l’état civil le lui a refusé. Claire et sa compagne se sont alors tournées vers les tribunaux, ne pouvant concevoir que Claire soit père ou qu’elle doive adopter son propre enfant pour faire reconnaître la filiation.
Le 14 novembre 2018, la cour d’appel de Montpellier avait ordonné la mention de celle-ci sur l’acte de naissance de l’enfant comme « parent biologique ». Mais le 16 septembre 2020, à la surprise générale, la Cour de cassation a jugé que la loi française ne permet pas de désigner, dans les actes de l'état civil, le père ou la mère de l'enfant comme « parent biologique » et que le droit au respect de la vie privée et familiale n'impose pas une telle mention. Renvoyant donc l’affaire devant la cour d’appel de Toulouse.
« L’affaire est pourtant d’une simplicité sans nom, tonnait alors leur avocate Me Clélia Richard, lors d'une conférence de presse à la sortie de l'audience. Dans notre pays, être femme et être parent, c’est être mère. Que la justice ne l’entende pas, c’est une souffrance terrible pour nos clientes. Il s’agit d’une petite fille de 6 ans qui n’a qu’une mère sur ses documents et c’est abject. »
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« Une avancée majeure »
Ce 9 février 2022, la cour d'appel de Toulouse a donc souligné que l'intérêt supérieur de l'enfant et le droit au respect de la vie privée « rendent impérative la nécessité de permettre à l’enfant né d’un couple dont l’un de ses membres est transgenre, de voir sa filiation doublement établie à l’égard de ses deux parents, dès lors qu’il n’est pas contrevenu aux principes fondamentaux du droit national ».
Dans son arrêté, elle s'est également appuyée sur l’évolution législative que représente notamment la loi du 2 août 2021 permettant, dans un couple de femmes, à la mère non gestatrice de reconnaître l’enfant à venir de manière anticipée dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation. Cette loi « démontre l’absence de trouble à l’ordre public découlant de l’établissement d’une double filiation maternelle hors adoption ».
La cour d’appel a, enfin, jugé qu’il n’était « pas nécessaire » d'écrire sur l’acte de naissance de l’enfant la mention du jugement de changement d'identité de genre de son parent, considérant que « l’enfant pourra avoir accès à ses origines biologiques par le biais de l’acte de naissance de ce parent, qu’il lui sera loisible de demander à tout moment ».
« La cour a rendu un arrêt qui consacre une avancée majeure pour les droits fondamentaux des personnes transgenres, s’est réjouie Me Clélia Richard mercredi lors d’une conférence de presse, rapporte Libération. Enfin, cet enfant voit sa filiation reconnue et va pouvoir porter le même nom que le reste de sa famille. Enfin, ma cliente est reconnue comme sa mère. »