Le 20 mai 1983, 12 chercheur·euses français·es publient dans la revue scientifique américaine Science un article dans lequel ils et elles annoncent avoir isolé le nouveau rétrovirus humain responsable du sida.
Ce samedi marque les 40 ans de la découverte du rétrovirus responsable du sida. Dans les pages de la revue scientifique américaine Science, le 20 mai 1983, 12 chercheur·ses français·es publient, en effet, un article dans lequel ils et elles annoncent avoir isolé ce nouveau rétrovirus humain.
Une découverte collective
Tout commence en 1982, lorsqu'une équipe de clinicien·nes et de virologistes de l'hôpital Bichat, menée par Willy Rozenbaum, contacte Luc Montagnier, à la tête de l'unité Oncologie virale de l'Institut Pasteur. Les premier·ères prennent en charge des malades du sida depuis quelques années et souhaitent éclairer l'hypothèse selon laquelle la maladie proviendrait d'un rétrovirus. Luc Montagnier accepte alors de travailler avec eux·elles.
Sur l'idée de Willy Rozenbaum, rappelle Libération, un échantillon ganglionnaire est prélevé sur un patient en phase pré-sida. En janvier 1983, la rétrovirologiste Françoise Barré-Sinoussi décèlera alors la preuve d'une activité de transcriptase inverse, indispensable à la multiplication et à la survie des rétrovirus. Cet isolement du virus « est le point de départ d’intenses recherches internationales pour lutter contre l’infection », souligne l'Institut Pasteur dans un communiqué de presse.
« Le VIH a tout changé pour moi », glisse Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de physiologie ou médecine en 2008 pour cette découverte, au sein du communiqué de presse. Avant de poursuivre : « J’étais une chercheuse assez classique, très centrée sur la recherche fondamentale en laboratoire, travaillant sur les relations entre rétrovirus et cancer, mais sans lien direct ni avec les patients, ni avec les cliniciens et le personnel soignant. La découverte du VIH et mes recherches sur ce virus m’ont rapprochée de ces personnes, m’amenant à travailler au plus proche de leurs attentes. »
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1,5 million de personnes nouvellement infectées par le VIH chaque année
Quarante après, malgré cette découverte, 1,5 million de personnes deviennent nouvellement infectées par le VIH chaque année, à travers le monde, selon les dernières statistiques du programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) datant de 2021. Près de 38,4 millions de personnes vivaient avec le VIH et 650.000 en étaient mortes cette même année. Depuis le début de l'épidémie, 40,1 millions de décès ont été enregistrés.
En France, « on dénombre encore 5000 découvertes de séropositivité chaque année », note Florence Thune, directrice générale de Sidaction, auprès de franceinfo. « Quelles que soient les générations, on oublie un peu trop vite que le VIH est toujours là. Et on se retrouve avec des personnes qui peuvent mourir du Sida en France parce qu'elles ne sont pas allées faire de dépistage », déplore-t-elle, avant de souligner qu'il faut continuer à mettre en avant les moyens de prévention, comme le préservatif et la PrEP, et réaliser des campagnes de prévention plus régulières.
Aujourd'hui, deux problématiques scientifiques restent encore « sans réponses », explique Christophe D'Enfert, directeur général adjoint scientifique de l'Institut Pasteur : comment mettre au point un vaccin efficace contre le VIH et comment éliminer le réservoir viral persistant chez les personnes vivant avec ce virus. Concernant le vaccin, si des essaient continuent en matière de vaccin, le virus est « extrêmement complexe » et « on est loin » d'y arriver, indique Florence Thune. Concernant l'autre point, des essais cliniques « vont débuter en 2023 pour tester de nouveaux anticorps neutralisants à large spectre mais aussi de prometteuses cellules naturelles tueuses », écrit Christophe D'Enfert avec optimisme. Un colloque scientifique internationale aura lieu à l’Institut Pasteur du 29 novembre au 1er décembre 2023 pour faire un état des lieux de ces avancées.