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Harcèlement sco­laire : un·e enfant sur cinq vic­time selon une nou­velle étude

À l’occasion de la Journée natio­nale de lutte contre le har­cè­le­ment sco­laire, une enquête de l’Ifop pour l’association Marion la main ten­due montre qu’un·e élève sur cinq en est vic­time, alors que le minis­tère de l’Éducation natio­nale par­lait d’un·e sur dix jusqu’à présent. 

Selon le minis­tère de l’Éducation natio­nale, le har­cè­le­ment sco­laire touche en France un enfant sur dix. Soit un mil­lion de vic­times par an. Des chiffres qui seraient en réa­li­té lar­ge­ment sous-​évalués. C’est l’amer constat éta­bli par l’association de pré­ven­tion et de lutte contre le har­cè­le­ment sco­laire, Marion la main ten­due, qui a pré­sen­té, mar­di matin, à la presse et aux élèves du col­lège pri­vé Ipécom, sa récente étude sur le sujet. Réalisée en ligne par l’Ifop* à l’occasion de la Journée natio­nale de lutte contre le har­cè­le­ment sco­laire, l’enquête a été menée en sep­tembre der­nier auprès de 1 001 collégien·nes, des lycéen·nes, 200 professeur·es et 1 001 parents. 

Selon elle, ce n’est pas un·e ado sur dix, mais un·e sur cinq qui sont vic­times. En tout, 16 % des col­lé­giens et lycéens ont subi des vio­lences phy­siques, ver­bales ou psy­cho­lo­giques, tous les jours ou plu­sieurs fois par semaine durant au moins un mois. Et 19 % si on écarte ce cri­tère de durée. “Les chiffres qu’on nous balance depuis dix ans ne cor­ro­borent pas du tout la réa­li­té du ter­rain”, condamne la fon­da­trice de Marion la main ten­due, Nora Tirane Fraisse, en pré­am­bule de la pré­sen­ta­tion. Pour autant, celle qui a fait de la lutte contre le har­cè­le­ment sco­laire son com­bat depuis le sui­cide de sa fille, Marion, il y a dix ans, n’est pas éton­née. “On se disait ‘ce n’est pas pos­sible’ : dans une classe de trente élèves, on a bien plus que trois enfants qui nous parlent de ces sujets-là.”

“Cette étude vient enfin cor­ro­bo­rer ce qu’on constate sur le ter­rain depuis dix ans”

La dif­fé­rence entre les chiffres de l’association Marion la main ten­due et ceux du minis­tère de l’Éducation natio­nale s’explique, selon Nora Tirane Fraisse, par le carac­tère inédit de l’étude. “Dans les enquêtes de vic­ti­ma­tion du minis­tère de l’Éducation natio­nale, la ques­tion du har­cè­le­ment n’est jamais posée. Cette étude vient enfin cor­ro­bo­rer ce qu’on constate sur le ter­rain depuis dix ans”, assure-​t-​elle.

L’étude révèle que le har­cè­le­ment sco­laire se concentre majo­ri­tai­re­ment au col­lège, dans 53 % des cas. Dans 6 % des cas, au lycée et dans 27 % à l’école pri­maire. Mais les faits se déroulent rare­ment dans les salles de classe. Le har­cè­le­ment a prin­ci­pa­le­ment lieu dans la cour de récréa­tion dans 94 % des cas, 83 % dans les cou­loirs et 60 % à la can­tine. “Ce sont à chaque fois des lieux qui échappent à la sur­veillance des équipes péda­go­giques”, sou­ligne Nora Tirane Fraisse. D’où l’importance, selon elle, de “for­mer les assis­tants d’éducation et les conseillers prin­ci­paux d’éducation” afin de “tra­vailler sur un véri­table bâti sco­laire”.

Des moque­ries dans 91 % des cas 

L’étude indique aus­si que pour 30 % des élèves vic­times de har­cè­le­ment, ces situa­tions de vio­lences ont lieu à l’internat. “On s’est ren­du compte que le huis clos de l’internat, loin des parents, favo­rise le har­cè­le­ment sco­laire”, sou­ligne Nora Tirane Fraisse. Autre constat : la sur­re­pré­sen­ta­tion des enfants en situa­tion de han­di­cap (35 %). Pour Nora Fraisse, “il est urgent de mener une vraie poli­tique de pro­tec­tion des élèves en situa­tion de han­di­cap”

Les élèves vic­times de har­cè­le­ment disent devoir faire face à dif­fé­rentes formes de vio­lences : moque­ries dans 91 % des cas, insultes (89 %), mises à l’écart (86 %), agres­sions phy­siques (66 %), fausses rumeurs (66 %) et mes­sages bles­sants en ligne ou par télé­phone (53 %). Dans huit cas de har­cè­le­ment en milieu sco­laire sur dix, ces situa­tions de vio­lence impliquent un groupe d’élèves. “Une meute”, comme les appelle Nora Tirane Fraisse, qui appelle à en finir avec l’idée du·de la harceleur·euse soli­taire. Car l’étude rap­pelle que les consé­quences du har­cè­le­ment sco­laire peuvent être dra­ma­tiques. En tout, 58 % des jeunes interrogé·es se disant harcelé·es ont déjà “pen­sé à se faire du mal à cause de leur vécu à l’école”. En cas de har­cè­le­ment sco­laire, l’étude indique que tout juste la moi­tié des élèves harcelé·es (51 %) en parlent au moment des faits. 33 % quelques mois ou années plus tard. Et 16 %, jamais. Lorsqu’ils·elles en parlent, c’est très majo­ri­tai­re­ment à leurs parents (81 %) et assez peu à leurs professeur·es (16 %). 

Trois quarts des élèves ne connaissent pas le numé­ro d’aide 

En ce qui concerne la poli­tique de lutte contre le har­cè­le­ment sco­laire, elle n’est pas à la hau­teur selon les jeunes interrogé·es. Un sen­ti­ment que l’on retrouve d’ailleurs chez les élèves présent·es mar­di lors de la pré­sen­ta­tion. “Pourquoi l’État n’agit pas ?” s’interroge ain­si Arthur, en cin­quième. Le har­cè­le­ment sco­laire a pour­tant été éri­gé en prio­ri­té du gou­ver­ne­ment pour l’année sco­laire 2023–2024, après le sui­cide, au prin­temps, de Lindsay, 13 ans, col­lé­gienne dans le Pas-​de-​Calais. Fin sep­tembre, la Première ministre, Élisabeth Borne, a son­né la “mobi­li­sa­tion géné­rale” pour mener “une lutte impla­cable” contre le har­cè­le­ment sco­laire. “Vous n’êtes pas seuls”, avait-​elle lan­cé à l’adresse des élèves harcelé·es. Concrètement, le gou­ver­ne­ment va déployer ce jeu­di un ques­tion­naire ano­nyme à des­ti­na­tion des élèves du CE2 à la ter­mi­nale dans tous les éta­blis­se­ments sco­laires pour per­mettre de déce­ler des cas de harcèlement. 

Dans les faits, selon l’étude, les trois quarts des élèves interrogé·es ne connaissent pour­tant pas le 3020, le numé­ro d’aide aux vic­times. Quant aux enseignant·es, ils·elles sont 65 % à indi­quer ne pas se sen­tir armé·es pour pré­ve­nir ou gérer une situa­tion de har­cè­le­ment. D’ailleurs, 45 % ne savent même pas si leur éta­blis­se­ment fait par­tie du pro­gramme Phare de lutte contre le har­cè­le­ment sco­laire, ren­du obli­ga­toire depuis sep­tembre dans chaque école, col­lège et lycée. Ce pro­gramme consiste pour­tant à for­mer des enseignant·es et, pour les élèves, pré­voit dix heures par an d’apprentissage des com­pé­tences émo­tion­nelles et rela­tion­nelles propres à pré­ve­nir le har­cè­le­ment. “Quand on nous annonce 60 à 86 % des éta­blis­se­ments en France dans le pro­gramme, ils sont en effet ins­crits mais vous ne pou­vez pas avoir que 5 % des ensei­gnants [concer­nés, ndlr]. On a vrai­ment un déca­lage entre ce qui nous est annon­cé et la réa­li­té, constate de nou­veau Nora Tirane Fraisse pour qui ce pro­gramme est une “néces­si­té abso­lue”

Pour elle, l’autre néces­si­té réside dans le dur­cis­se­ment des sanc­tions à l’encontre des harceleur·euses. Elle montre en exemple la relaxe, lun­di, des quatre mineur·es poursuivi·es pour har­cè­le­ment à l’encontre de Lucas, un ado de 13 ans qui s’est sui­ci­dé en jan­vier der­nier. “Je ne suis pas déçue, je ne suis pas éton­née, je suis seule­ment extrê­me­ment triste, déplore Nora Tirane Fraisse. Triste de consta­ter qu’il y a tou­jours aujourd’hui un sen­ti­ment d’impunité très fort. Quoi qu’il arrive, il ne se passe rien, même lorsqu’un enfant meurt.


Suicide de Nicolas : Gabriel Attal sou­haite une “pro­cé­dure dis­ci­pli­naire” contre l’ex-rectrice

Mardi, Gabriel Attal a annon­cé sou­hai­ter une “pro­cé­dure dis­ci­pli­naire” à l’encontre de l’ancienne rec­trice de Versailles, Charline Avenel. En mai der­nier, cette der­nière avait envoyé un cour­rier au ton mena­çant aux parents de Nicolas, 15 ans, qui s’étaient plaints auprès de l’établissement du har­cè­le­ment sco­laire que subis­sait leur fils. L’adolescent s’est don­né la mort quatre mois plus tard, au len­de­main de la ren­trée sco­laire. Une mis­sion d’inspection a enquê­té “sur les condi­tions dans les­quelles un cour­rier aux termes pro­fon­dé­ment cho­quants a pu être adres­sé à cette famille. Ce qui res­sort des tra­vaux de la mis­sion, c’est que ce cour­rier, en ces termes, n’aurait jamais dû être adres­sé à cette famille, dans cette situa­tion”, pré­cise le minis­tère de l’Éducation natio­nale. De son côté, Charline Avenel, qui a quit­té ses fonc­tions en juillet 2023, “a appris avec stu­pé­fac­tion que le ministre de l’Éducation enten­dait enga­ger des pour­suites dis­ci­pli­naires à son encontre, alors même que le rap­port d’inspection ne retien­drait aucune faute ni man­que­ment la concer­nant”, a réagi son avocat. 

Pour signa­ler toute situa­tion de har­cè­le­ment ou de cybe­rhar­cè­le­ment, que vous soyez vic­time ou témoin, il existe des numé­ros de télé­phone gra­tuits, ano­nymes et confi­den­tiels : le 3020 (har­cè­le­ment à l’école) et le 3018 (cybe­rhar­cè­le­ment), joi­gnables du lun­di au same­di, de 9 heures à 20 heures. D’autres infor­ma­tions sont éga­le­ment dis­po­nibles sur le site du minis­tère de l’Éducation nationale.

* Étude Ifop pour l’association Marion la main ten­due et Head & Shoulders.

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