Mise à jour – Lundi 12 octobre 2020 ///Alors que, selon un sondage réalisé par l’Observatoire étudiant des violences sexuelles et sexistes dans l’enseignement supérieur et publié ce 12 octobre, une étudiante sur vingt a déjà été victime de viol, nous republions notre enquête de 2017 sur les violences sexistes et sexuelles commises sur des étudiantes de la part d'enseignants universitaires et directeurs de thèse.

Fin janvier 2017, un professeur de l’université Rennes-II était mis en examen pour le viol d’une de ses étudiantes. Quelques semaines plus tôt, cette doctorante avait porté plainte, accusant son directeur de thèse de harcèlement, d’agression sexuelle et de viol. À Rennes, mais aussi à Strasbourg, Lille, ou encore Paris, des étudiants se plaignent de harcèlements moral et sexuel de la part d’enseignants. Bien que ces délits soient passibles de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende, rares sont les universités qui sévissent. Plus rares encore sont les affaires qui vont en justice. Et pour cause : un nombre inquantifiable de victimes choisissent de se taire par crainte des conséquences sur leur carrière universitaire. Si des cellules de veille essaiment dans certains établissements, que des politiques poussent les présidents à prendre des mesures, ces actions restent insuffisantes pour libérer la parole des victimes. Sur une dizaine de personnes entendues par Causette, seules deux nous ont autorisées à utiliser leur vrai prénom. Les autres préférant garder l’anonymat, par peur de représailles.
Le 10 janvier 2017, le président de Rennes II, Olivier David, est informé par le médecin du campus qu’une doctorante accuse son directeur de thèse de viol, d’agression sexuelle et de harcèlement. Contacté par Causette, le président de l’université assure qu’il a immédiatement réagi. En avertissant la justice, en vertu de l’article 40 du Code pénal1, puis en suspendant l’enseignant concerné « à titre rogatoire en attendant l’enquête interne ». Mis en examen, ce professeur de 48 ans nie aujourd’hui les faits qui lui sont reprochés par le biais de son avocat.
Lors de notre enquête, nous nous sommes rendu compte que les affaires de harcèlement sexuel de la part de professeurs sur leurs étudiantes étaient légion. Le blog Paye ta fac a été lancé début 2017 pour dénoncer le sexisme à l’université. Barbara Sclafer, étudiante à Sciences Po Strasbourg, y poste les paroles dégradantes d’un enseignant et reçoit alors des dizaines de témoignages corroborant le sien. « Ce prof nous a conseillé de mettre des jupes à nos oraux, car le jury – c’est-à-dire lui – “aime bien, quand il s’ennuie, observer les jambes des jolies filles”. Il a comparé l’avortement au four crématoire et cherche les origines de chacun à l’appel. » Le 12 janvier, elle propose au directeur de l’institut, Gabriel Eckert, de créer une charte contre le sexisme, le racisme et l’homophobie. « Nous allons l’élaborer ensemble. Elle rappellera l’évidence : la proscription de toute attitude discriminatoire », pointe Gabriel Eckert. La deuxième demande est de prendre des mesures vis-à-vis du professeur. « Avec des plaintes formelles, je pourrai le convoquer, certifie-t-il. C’est effrayant que nombre de jeunes pensent que s’ils sortent de l’anonymat, on nuira à leur carrière, alors qu’il nous appartient de les protéger. » Hélas, rares sont les étudiants qui témoignent, plus rares encore les présidents d’université qui prennent des mesures. Les affaires de harcèlement sortent peu des murs des établissements.
Une procédure “pas égalitaire”
Audrey2, 27 ans, doctorante en sciences à Paris, s’est tue pendant trois ans sur le[…]
- Article 40 : « […] tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République. »[↩]
- Tous les prénoms ont été changés, sauf ceux de Barbara et de Mauve.[↩]