Une étude de l'Ifop révèle que les entorses à l'intimité numérique sont répandues dans les couples, surtout chez les plus jeunes, et plus de la part des femmes que des hommes. Mais le sondage montre également une corrélation entre le « snooping » et les violences conjugales.
« Il apparait clairement que le snooping est un phénomène générationnel intimement lié à l’importance qu’ont pris les smartphones dans la vie quotidienne des jeunes, outil de communication indispensable qui contient l’essentiel – photos, messages, réseaux sociaux… – de leur vie intime », observe Louise Jussian, chargée d’études senior au pôle Politique/Actualités de l’Ifop. Ce jeudi 11 mai, l'institut de sondage publie une étude menée pour le site Journal du geek, autour du phénomène du « snooping », nom anglais donné à l'espionnage numérique.
Réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 13 au 17 avril 2023 auprès d’un échantillon de 2 006 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, cette étude révèle que 40% des Français·es ont déjà consulté le téléphone portable d’un·e de leurs partenaires, dont 5% qui le font régulièrement. Une proportion similaire de Français·es déclare avoir déjà été victime de ces entorses à l'intimité numérique. Consultation des messages, des photos, des journaux d'appel, des sites visités, de l'activité sur les réseaux sociaux, de l'agenda… Les raisons sont nombreuses pour aller fouiller dans le portable de son·sa conjoint·e, détaille l'étude.
56% des moins de 25 ans ont déjà subi du snooping
Par ailleurs, cette publication montre que les femmes le font plus que les hommes : elles sont 44% à déclarer avoir déjà pratiqué le snooping, contre 35% des hommes et encore, le taux monte à 67% chez les femmes de moins de 35 ans (contre 56% chez les hommes de moins de 35 ans). Inversement, 56% des moins de 25 ans estime avoir été victime d'intrusion numérique de la part d'un·e partenaire. « C’est une pratique qui est corrélée au type de relation : les personnes en couple qui ne cohabitent pas sont plus nombreuses à chercher par ce biais l’éventuelle confirmation que leur partenaire leur cache quelque chose, commente Louise Jussian. Cet espionnage donne d’ailleurs des résultats : la moitié de celles et ceux qui s’y sont livrés disent avoir découvert que leur partenaire leur mentait ou les avait trompés. »
52% des victimes de violences conjugales physiques
Mais derrière les pratiques visant à s'informer sur la fidélité de son·sa conjoint·e se cache une dimension sinistre : l'étude montre que les victimes de violences conjugales sont surreprésentées parmi les personnes qui se déclarent victimes d'espionnage numérique. Ainsi, 52% des personnes ayant subi des violences physiques de leur partenaire affirment que leur conjoint·e a déjà fouillé leur smartphone, contre 27 % pour les personnes n’ayant jamais été victimes. Le chiffre se confirme en ce qui concerne la manipulation (50% contre 27%) ou encore l'isolement opéré par le·la partenaire (49% contre 27%).
« Comme le montre cette étude, les entorses à l’intimité numérique peuvent aussi être symptomatiques d’une violence ou d’une emprise au sein des couples, s'inquiète Louise Jussian. On constate que les personnes ayant été victimes de violences physiques et/ou psychologiques de la part de leur partenaire sont également beaucoup plus nombreuses à avoir subi une intrusion à leur insu dans leur téléphone, de même que celui-ci a pu leur être confisqué. On voit bien que le smartphone de l’autre est non seulement un objet de curiosité et de suspicion, mais aussi un moyen de chantage et d’isolement. » Ces enseignements vont dans le sens des associations féministes qui se mobilisent ces derniers temps pour élargir la notion de violences conjugales grâce au concept de contrôle coercitif, qui englobe l'espionnage numérique.
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