Dans un entretien à La Voix du Nord, Gérald Darmanin annonce la généralisation du dispositif de référent·e LGBT, présent·e dans quatre ville, à l'ensemble des commissariats et brigades de gendarmerie de France. La présence généralisée de cette personne, censée accompagner les forces de l'ordre dans la prise en charge des plaintes pour homophobie et transphobie, avait pourtant été annoncée dès 2018 par le gouvernement.
Alors qu'arrivent les dix ans de la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe, Gérald Darmanin, fervent opposant au texte en 2013, a donné jeudi une interview à La Voix du Nord à propos de la lutte contre les actes homophobes en France. Le ministre de l'Intérieur dit aujourd'hui s'être « trompé » concernant son opposition au mariage pour tous et annonce qu'il prendra « une instruction la semaine prochaine » afin de « généraliser » le poste de référent·e LGBT « dans chacun des commissariats et dans chacune des brigades de gendarmerie ».
« À Paris, à Bordeaux, à Marseille et à Cayenne, on a mis un référent LGBT dans les services, c’est-à-dire un policier ou un gendarme qui est spécialisé, formé, qui conseille ses camarades. Et ça marche très bien », a‑t-il encore précisé au quotidien. Or, la présence d'un·e référent·e LGBT dans l'ensemble des commissariats et des brigades de gendarmerie est une mesure censée être mise en place depuis… 2018.
Une mesure peu appliquée et pas suivie
En octobre 2018, l'ancien ministre de l'Intérieur Christophe Castaner et l'ancienne secrétaire d'État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations Marlène Schiappa en avaient fait l'annonce, en grande pompe, dans les locaux de SOS Homophobie. Puis, en novembre de cette même année, Marlène Schiappa l'écrivait noir sur blanc dans un communiqué de presse : « Des référents accueil luttant contre la haine anti-LGBT sont désignés dans tous les commissariats de police et brigades de gendarmerie. Ces référents bénéficieront de formations dédiées à l’accueil des victimes d’actes de haine. Le ministre de l’intérieur adressera une circulaire aux préfets rappelant la mise en œuvre des dispositions d’accueil et de recueil des plaintes. »
Cinq ans plus tard, force est de constater que cette mesure a été peu ou pas appliquée, si seulement quatre villes bénéficient d'un·e référent·e, selon le décompte de Gérald Darmanin. Dans une longue enquête datant de mars dernier, Mediapart démontrait que le dispositif n'avait pas été mis en place de manière efficace. « La mise en œuvre de ce dispositif a été et est toujours laborieuse dans certains endroits, faute de volontaires sensibilisés notamment (en métropole comme dans les outre-mer) », expliquait ainsi Johan Cavirot de l’association FLAG!, en charge de lutter contre toutes les formes de discriminations à l'encontre des LGBT au sein des ministères de l’Intérieur et de la Justice.
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Interrogé par Mediapart, le député de la majorité Raphaël Gérard pointait également « l’absence de suivi de cette mesure » engagée par Marlène Schiappa : « Elle avait de grandes ambitions, mais souvent ce n’était pas très suivi. J’ai interrogé plusieurs fois Marlène Schiappa, avec des échanges assez houleux. Sur ces référents LGBT, je pense qu’on était dans une dynamique où on lançait un sujet, on débloquait un peu de moyens, mais le suivi du sujet après l’effet d’annonce, n’a pas été pas effectué. »
Cartographier les lieux des agressions
Depuis cette année, « 100 % des policiers et gendarmes ont dans leur formation un module sur les violences contre les personnes LGBT », selon Gérald Darmanin. Une mesure qui semble également avoir mis du temps à être appliquée, étant donné que Marlène Schiappa l'avait annoncé dès 2018 dans son communiqué de presse, précédemment cité.
Le ministre de l'Intérieur ajoute également vouloir former celles et ceux déjà en poste et qui n'auraient pas bénéficié de cette formation : « Je me donne un an pour que l’intégralité des policiers et gendarmes passe au moins une journée ou une demi-journée à comprendre qu’il y a des qualifications spécifiques dans le droit et qu’il faut pouvoir accompagner les victimes, mais aussi pour installer des référents partout. »
Le locataire de Beauvau a aussi affirmé que ses services allaient « cartographier les lieux où il y a le plus de violences faîtes aux personnes LGBT », s'appuyant sur une expérience menée à Lyon qui a permis, selon lui, de faire baisser ce type de délinquance dans les rues, les quartiers et les bars où elle se concentrait. « On va généraliser cela aussi dans les 30 villes les plus importantes de France pour qu’on puisse être plus présents via une politique de vidéoprotection, davantage de policiers nationaux à certaines heures, mais aussi de liens avec les patrons de bars et de discothèques qui peuvent donner des renseignements pour intervenir », a‑t-il promis. En espérant, maintenant, que ces promesses soient réellement effectives au bout d'un an.