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© Levi Meir Clancy / Unsplash

Crise du loge­ment : la “bombe sociale” a explo­sé, alerte la Fondation Abbé Pierre

La Fondation Abbé Pierre alerte, dans son rap­port annuel publié mer­cre­di, sur l’“ampleur et la gra­vi­té” de la crise du loge­ment en 2023, soixante dix ans après l’appel de son fon­da­teur à la soli­da­ri­té envers les per­sonnes sans-abri.

“L’année 2023 res­te­ra celle de l’aggravation alar­mante de la crise du loge­ment, et face à cela, le gou­ver­ne­ment conti­nue une poli­tique d’austérité, ce qui est pour nous une erreur fon­da­men­tale”, a décla­ré, lors d’une confé­rence de presse, Christophe Robert, délé­gué géné­ral de la Fondation Abbé Pierre (FAP). L’organisme publiait mer­cre­di son 29e rap­port sur “L’état du mal-​logement en France”, au constat plus qu’alarmant pour l’année écoulée. 

Il y a d’abord les plus vul­né­rables, à savoir les 330 000 per­sonnes sans domi­cile, qui ont plus que dou­blé en dix ans. En France, les soirs d’automne, plus de 8 300 per­sonnes ont été refu­sées par le 115, faute de places d’hébergement d’urgence, dont 2 800 mineur·es. Alors même que le nombre de places a aug­men­té depuis 2022, ils et elles étaient encore 2 000 de plus que l’année pré­cé­dente à se voir refu­ser un abri pour la nuit.

Le rap­port pointe du doigt “une chute bru­tale” de l’accès au loge­ment social pour expli­quer l’embouteillage dans les héber­ge­ments d’urgence de ces der­nières années, y com­pris hors période hiver­nale. Au total, 2,6 mil­lions de ménages attendent ain­si un loge­ment social, mais les per­sonnes vivant avec moins de 500 euros par mois ont para­doxa­le­ment vu leur taux d’attribution dimi­nuer de 22 % à 12 % entre 2017 et 2022.

Symptômes évi­dents, diag­nos­tic différent

Si cette crise du loge­ment est "inédite", selon la Fondation, c'est qu'elle touche désor­mais tous les publics, y com­pris les candidat·es à l'achat qui ne par­viennent plus à emprun­ter en rai­son de la hausse ful­gu­rante des taux d'intérêt depuis 2022. Elle gan­grène "avec une force et une rapi­di­té inouïes" tous les sec­teurs d'activité en même temps : construc­tion, ventes et loca­tions, loge­ment social. "On voit des sala­riés blo­qués dans leur mobi­li­té, des entre­prises qui peinent à recru­ter, des ménages confron­tés au rétré­cis­se­ment de l'offre loca­tive pri­vée sous la pres­sion des loca­tions tou­ris­tiques et des rési­dences secon­daires, des jeunes qui renoncent à leurs études faute de loge­ment, des deman­deurs de loge­ments sociaux qui sont de plus en plus en concur­rence", détaille à ce sujet Christophe Robert.

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La FAP déplore par ailleurs “l’absence de réponse réelle du gou­ver­ne­ment”, dont les pro­po­si­tions “ne traitent pas les causes de la crise”, selon la Fondation. Cette der­nière regrette un “dif­fé­rend de diag­nos­tic” entre les acteur·rices de ter­rain et l’État, qui anti­cipent une baisse de la crois­sance démo­gra­phique ou sur­es­time les capa­ci­tés du parc de loge­ments. “Les dys­fonc­tion­ne­ments s’accumulent sans que le pou­voir poli­tique ne s’en sai­sisse vrai­ment”, assène l’organisme.

La France "des taudis"

Le cha­pitre cen­tral de ce rap­port de la FAP est consa­cré cette année à la situa­tion de ceux et celles prêt·es à “tout accep­ter plu­tôt que la rue”, dans les termes de Manuel Domergue, direc­teur des études de la FAP. Les mal-logé·es – au nombre de 4,2 mil­lions en France – occupent un habi­tat “indigne”, un loge­ment qui porte atteinte à la san­té, la sécu­ri­té ou à la digni­té humaine. Une situa­tion qui pèse plus que jamais sur le quo­ti­dien des plus modestes. “L’habitat indigne n’est pas sim­ple­ment une vétus­té, une ancien­ne­té, des pro­blèmes tech­niques dans le loge­ment”, mais “c’est la ren­contre entre la dégra­da­tion dans le bâti et le par­cours de ménages en dif­fi­cul­té”, ana­lyse Manuel Domergue.

Cette France peu visible "des tau­dis", qui sou­met "plus d'un mil­lion de per­sonnes" à des condi­tions de vie "très dif­fi­ciles", reste le "parent pauvre de l'action publique", sou­ligne la Fondation, recon­nais­sant que le pro­jet de loi adop­té la semaine der­nière sur le sujet "va dans le bon sens". La FAP sou­ligne tout de même que le loge­ment "contri­bue à hau­teur de 88,3 mil­liards d'euros aux recettes fis­cales" pour "38,2 mil­liards de dépenses" et appelle à rele­ver l'effort public pour le loge­ment, qui "n'a jamais été aus­si faible" depuis 2010.

Mardi, le Premier ministre, Gabriel Attal, a pro­mis un "choc d'offre" pour répondre à la crise, ce qui doit notam­ment se tra­duire par un sou­tien au loge­ment inter­mé­diaire, aux loyers légè­re­ment infé­rieurs au mar­ché, pour aider les classes moyennes. Pour la FAP cepen­dant, c'est oublier "les trois quarts des deman­deurs de loge­ments sociaux", qui attendent "un loge­ment très social".

Face à ces sombres constats, le rap­port de la Fondation Abbé Pierre pro­pose d’ériger en prio­ri­té natio­nale la lutte contre le sans-​abrisme, de relan­cer le finan­ce­ment du loge­ment social, de géné­ra­li­ser l’encadrement des loyers, de reva­lo­ri­ser les aides per­son­na­li­sées au loge­ment (APL). Elle ne se prive pas pour appuyer ces recom­man­da­tions de citer son maître à pen­ser, l’abbé Pierre, pour qui “gou­ver­ner, c’est d’abord loger son peuple”.

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