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Personnes sans-​abri : des asso­cia­tions à l'Assemblée pour sou­te­nir une loi visant à les décompter

Ce mercredi, une délégation de personnes sans-abri se rendra au Sénat, à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel par commune des personnes à la rue.

Compter pour visibiliser et prendre conscience. À l’initiative de l’association Les Oubliés de la République et du Collectif Les Morts de la Rue, une délégation de personnes sans-abri se rendra ce mercredi 24 janvier au Sénat, en salle des conférences, pour rencontrer le sénateur Rémi Féraud et d’éventuel·les autres sénateur·rices qui souhaiteraient s’associer à sa proposition de loi. Le sénateur PS porte un texte visant à mettre en place un décompte annuel spécifique des personnes sans-abri dans toutes les communes de plus de 100 000 habitant·es. “Ces dernières ne sont actuellement pas prises en compte dans les statistiques traditionnelles quantitatives (recensement) ou qualitatives (conditions de vie, parcours des personnes…)”, rappelle un communiqué commun des militant·es.

“C’est une rencontre qui a avant tout une portée symbolique”, explique à Causette Ayda Hadizadeh, déléguée générale des Oubliés de la République, à propos du rassemblement d’aujourd’hui. Les personnes présentes – membres des associations, ancien·nes sans-abri ou personnes actuellement sans domicile – espèrent par cette initiative mettre des visages sur les statistiques qui seront tirées des recensements prévus par la proposition de loi. “On soutient cette proposition de loi, même si on sait que du côté de certaines associations, il y a une forme de circonspection, voire de réticence, par rapport à une simple opération statistique, par peur que les personnes sans-abri redeviennent des numéros”, poursuit-elle.

Le texte sera débattu ce mercredi dans l’hémicycle. Par la suite, “si la loi est votée en l’état – c’est-à-dire avec ses deux articles –, le second permettra que les chiffres du décompte soient transmis sous la forme d’un rapport annuel qui donnera une idée de l’étendue du phénomène au niveau national. Cela ouvrira un débat et fera en sorte que les villes ne restent pas seules dans leur coin avec ces chiffres. On peut imaginer qu’ils soient ensuite traités par un observatoire national indépendant par exemple”, envisage la déléguée générale.

Une vision politique systémique

En France, le nombre de personnes sans-abri ne fait qu’augmenter, bien que les données publiques manquent puisque l’Insee ne fait pas de différence entre une personne sans domicile et une personne sans-abri. Résultat : les chiffres officiels sont largement sous-estimés. D’après la Fondation Abbé-Pierre, plus de 330 000 hommes, femmes et enfants, de tous âges, vivent actuellement dans la rue dans notre pays. “Le sujet n’est pas aujourd’hui traité avec une vraie volonté politique”, explique Ayda Hadizadeh. “Notre vocation chez Les Oubliés de la République, c’est d’organiser et de promouvoir la prise de parole des plus oubliés de la République : les personnes sans-abri, mais aussi notamment les anciens enfants placés par l’Aide sociale à l’enfance, dont une grande partie se retrouvent à la rue à l’âge de 8 ans. 40 % des jeunes sans-abri qu’on voit dans la rue sont d’anciens enfants placés. L’État est le pire parent de France”.

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En promouvant la parole des personnes sans-abri – notamment à la séance d’aujourd’hui –, la représentante des Oubliés de la République espère faire prendre conscience au gouvernement que “ce ne sont pas des histoires individuelles, ce sont des violences systémiques produites par l’État”, particulièrement en ce qui concerne les enfants placés. “On souhaite que les témoignages, l’expérience, l’expertise des personnes sans-abri présentes puissent transformer le regard que les politiques ont de la pauvreté et de l’exclusion, mettre à mal certains préjugés, ou souligner leur ignorance des mécanismes de la grande exclusion.” Or, “le b.a.-ba de toute bonne politique publique, c’est savoir de quoi on parle”, commente encore la représentante.

Mettre des visages sur des chiffres

De la même manière que les oppressions sexistes parviennent petit à petit à être comprises comme des mécanismes systémiques par la population et la classe politique, Ayda Hadizadeh souhaite que “les sujets d’exclusion, de sans-abrisme, de mal-logement ou de protection d’enfance” s’inscrivent eux aussi dans cette considération globale des ressorts d’inégalité, “en partant de la parole des premiers concernés”. La mise en avant des personnes touchées par ces inégalités sociales a pour ambition, à terme, de susciter une prise de conscience de ces “mécanismes profonds”, dans “une approche globale”.

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Pour l’heure, Ayda Hadizadeh affirme cependant que “Rémi Féraud a bien conscience que ce décompte n’améliorera pas directement évidemment la vie des personnes à la rue”. L’objectif du rassemblement de ce mercredi est de mettre des visages sur les enjeux de cette proposition de loi, qui permettrait de proposer des rapports et des chiffres exacts – jusqu’ici “sous-estimés”. Comme l’explique la déléguée générale, les associations et personnes sans-abri peuvent ainsi entamer “un dialogue avec l’État, qui minorait les chiffres des personnes à la rue”.

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