Parmi les 70 mesures annoncées par le président de la République : le remboursement intégral des fauteuils roulants dès 2024, un investissement de 1,5 milliard d’euros dans l’accessibilité, ou encore l'évolution des conditions de travail du personnel accompagnant à l’école les enfants en situation de handicap.
En partie boycottée par les associations représentantes des personnes en situation de handicap, la sixième Conférence nationale du handicap (CNH) qui s'est tenue mercredi 26 avril à l'Élysée a été l'occasion pour Emmanuel Macron d'apporter des gages quant à son volontarisme pour « changer le quotidien des personnes » en situation de handicap. Alors même qu'il avait affirmé que le sujet était l'une de ses priorités lors de sa campagne électorale en 2017, et dans un contexte où la France a été épinglée mi-avril pour ses manquements aux droits et libertés des personnes en situation de handicap.
Le président de la République a donc annoncé hier 70 mesures que l'exécutif voulait « fortes ». Parmi les principales, on trouve un investissement de 1,5 milliard d'euros dans l'accessibilité : « Une ligne budgétaire lourde », a commenté le chef de l'État, rapporte Le Monde. Cet engagement sera « décliné avant l’été » dans le cadre d'un plan de « programmation ». L'enjeu de l'exécutif est de cibler « particulièrement les petits établissements recevant du public, […] petits commerces, restaurants, salles des fêtes, locaux de services publics », alors que la France n'est toujours pas en conformité avec sa propre loi de 2005 censée assurer l'accessibilité de l'ensemble des établissements recevant du public (ERP). Cet effort s'accompagnera de « sanctions », a assuré Emmanuel Macron pour les établissements améliorant trop lentement leurs accès.
"Avant de s'enflammer, attendons !"
D'autres mesures sont annoncées pour améliorer l'accessibilité : accompagnement pour « l’acquisition de voitures électriques adaptés », ouverture du dispositif MaPrimeAdapt’ pour les logements aux personnes en situation de handicap « dès 2024 » et lancement d'un « plan de rattrapage » pour « garantir d’ici trois ans l’accessibilité des démarches et sites internet publics ».
Côté aides individuelles, le président a annoncé un remboursement intégral pour les fauteuils roulants d'ici 2024, afin de gommer les inégalités de prise en charge des mutuelles. « Rembourser à 100%, mais avec une prise en charge partielle par les mutuelles (or toutes les personnes handicapées n’ont pas de mutuelles), tance le Collectif Handicaps sur Twitter, qui regroupe 52 associations. Et uniquement les fauteuils basiques (non adaptés à tous les types de handicaps et à toutes les personnes)… avant de s’enflammer, attendons ! »
Dans les écoles, l'exécutif promet un « service public de repérage, d’évaluation et d’intervention précoce et intensif du handicap » mais aussi un « enseignant référent » handicap dans chaque école élémentaire. La création de cette mission sera rémunérée dans le cadre du « pacte enseignants » détaillé la semaine dernière par Emmanuel Macron, en même temps que la hausse de la rémunération des profs.
Contrats de 35h pour les AESH : quel financement ?
En parallèle, le chef de l'État s'est félicité de la hausse constante de la scolarisation des enfants en situation de handicap, actuellement au nombre de 430 000, indique cet autre article du Monde. Pour poursuivre l'inclusion de ces élèves, l'État s'engage à améliorer les conditions de travail des Accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), au statut très précaire. Ainsi, rappelle Le Monde, « 80 % des AESH sont en CDD, la quasi-totalité à temps partiel, car l’Etat ne peut les embaucher que sur le temps scolaire (vingt-quatre heures maximum en primaire). Leur rémunération s’élève en moyenne à 800 euros par mois. »
Emmanuel Macron souhaite donc conclure un « protocole » avec les collectivités locales pour que les AESH obtiennent des contrats de travail de 35h dans lesquels « les temps méridiens et périscolaires » seront rémunérés. Mais le flou demeure sur le financement de cette revalorisation du métier d'AESH. Or, affirme au quotidien Delphine Labails, maire socialiste de Périgueux et coprésidente de la commission éducation de l’Association des maires de France : « Si l’Etat ne nous accompagne pas sur le financement, il ne sera pas possible de proposer trente-cinq heures à tout le monde, car nos budgets sont déjà très contraints par l’inflation. »
Mais pour les concerné·es, un autre sujet d'inquiétude se dessine : également présent à la CNH, le ministre de l'Éducation nationale a évoqué la fusion du métier d'AESH avec celui d'assistant·e d'éducation pour créer un nouveau métier du nom d'« accompagnant à la réussite éducative ». Pour le site d'information spécialisé professeur-des-ecoles.com, si « cette nouvelle mesure permettra, selon le ministère, aux AESH de se stabiliser sur des établissements plutôt que de travailler sur plusieurs, ce qui est souvent le cas actuellement », elle devrait entraîner une charge de travail supplémentaire : « On peut supposer que certaines missions se feront auprès d’élèves en difficulté et plus uniquement auprès d’élèves en situation de handicap », alarme-t-il.
Flou sur la ligne
Sur le front de l'emploi, l'exécutif promet un accompagnement par Pôle emploi « pour élaborer leur propre projet professionnel », appuyé « en cas de besoin, par des experts de la sphère médico-sociale ». Ce dispositif sera complété par une évolution des droits des travailleurs en établissements et services d’aide par le travail (ESAT), détaille Le Monde.
D'une manière générale, le président du Collectif Handicaps, Arnaud de Broca, a fait part de sa déception au Monde : « Beaucoup de choses sont restées dans le registre de la déclaration d’intention, avec peu d’annonces concrètes sur les délais et sur le budget. »