Patrick Baudouin, le président de la Ligue des droits de l'Homme, estime que les propos de Gérald Darmanin, devant la commission des lois du Sénat, pouvant laisser croire à un changement dans les subventions accordées à l'association, sont d'une « gravité extrême ».
Nouvelle sortie médiatique de Gérald Darmanin. Auditionné mercredi par les commissions des lois de l'Assemblée et du Sénat au sujet de l'emploi de la force par les policiers et les gendarmes lors des manifestations contre la réforme des retraites et contre le projet de méga bassine à Sainte-Soline, le ministre de l'Intérieur a sorti l'artillerie lourde. Il a affirmé, en parlant de la Ligue des droits de l'Homme (LDH), ne pas connaître le montant de la subvention que lui accorde l'État, avant d'ajouter : « Mais ça mérite d'être regardé dans le cadre des actions qu'ils ont pu mener. » Une menace à peine voilée aux finances de l'association, née en 1898 lors de l'affaire Dreyfus.
« Je suis assez stupéfait, a réagi le président de la LDH Patrick Baudouin, dans les colonnes de Libération. Je vais rester prudent car j’ai du mal à en interpréter le sens profond. Mais si la question sous-jacente c’est de dire que l’on envisage de remettre en question les subventions accordées à la LDH, inutile de vous dire que c’est d’une gravité extrême. »
Ce dernier rappelle que l'association agit depuis 120 ans comme « un contrepoids des pouvoirs qui ont toujours tendance à abuser, même en démocratie », avant de souligner que c'est sous Vichy que son rôle a été « totalement remis en cause et qu'il n'était plus question de [lui] remettre des subventions ». Avant de s'interroger : « Alors, est-ce que M. Darmanin voudrait revenir à une période semblable ? Je ne peux pas l’imaginer. Mais de laisser planer une telle menace, c’est extrêmement inquiétant sur l’état de notre démocratie. »
« Une série d'atteintes à la liberté d'association »
« Je perçois un danger, alerte Patrick Baudouin. Très clairement, Gérald Darmanin a franchi un pas supplémentaire. Mais cela fait suite à une série d’atteintes à la liberté d’association que nous dénonçons et c’est sans doute ce qui ne lui plaît pas. Il y a eu la loi séparatisme en août 2021, et le contrat d’engagement républicain qui permet de supprimer les subventions d’organisations en cas de non-respect de ce texte. On voit une tendance à utiliser une loi qui oblige à souscrire des engagements avec des formulations très larges, du genre "ne rien faire qui porte atteinte à l’ordre public". »
Si les subventions de l'État venaient à disparaître, le président de la LDH assure que l'association possède « d'autres sources de financements entre les dons, les legs et les cotisations de nos adhérents ». Il s'inquiète cependant que cela « pourrait tout de même nous mettre en difficulté pendant un temps ».
Les propos de Gérald Darmanin ont, en tout cas, provoqué une levée de boucliers de la part de nombre·ses observateur·trices de la démocratie et de la vie politique : d'Amnesty France à la Fédération internationale pour les droits humains, en passant par le sénateur Patrick Kanner, l'historienne Mathilde Larrère et le fondateur de Mediapart Edwy Plenel.