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Caroline Rey-​Salmon, nou­velle vice-​présidente de la Ciivise, visée par une plainte pour agres­sion sexuelle et une péti­tion deman­dant sa démission

À peine nom­mée en décembre à la tête de la Ciivise, la pédiatre légiste Caroline Rey-​Salmon se retrouve dans l’œil du cyclone : une jeune femme vient de dépo­ser plainte contre elle pour une agres­sion sexuelle qui serait sur­ve­nue lors d’un exa­men médi­cal et une asso­cia­tion de pro­tec­tion de l’enfance demande, à l’appui d’une péti­tion, sa démission.

“Je suis sou­la­gée d’avoir agi, même si j’ai peur que tout cela me retombe des­sus”, confie à Causette Louison Lume (c’est un pseu­do). Mardi 6 février, la jeune femme raconte à Causette s’être ren­due dans un com­mis­sa­riat de Marseille pour por­ter plainte contre la pédiatre Caroline Rey-​Salmon pour agres­sion sexuelle de la part d’une per­sonne abu­sant de l’autorité que lui confèrent ses fonc­tions. Cette cir­cons­tance aggra­vante est punie de sept ans d’emprisonnement maxi­mum et de 100 000 euros d’amende.

Louison Lume accuse cette pion­nière de la pédia­trie légiste, deve­nue vice-​présidente de la Commission indé­pen­dante sur l’inceste et les vio­lences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) en décembre, d’avoir com­mis cette agres­sion en 2021, dans le cadre d’une plainte dépo­sée à Paris par la jeune femme pour des faits d’inceste subis dans l’enfance. L’enquêtrice de la Brigade de pro­tec­tion des mineur·es (BPM) qui la reçoit la dirige alors vers Caroline Rey-​Salmon, qui offi­cie en tant que pédiatre légiste à l’Unité médico-​judiciaire (UMJ) de l’hôpital pari­sien de l’Hôtel-Dieu, afin d’être exa­mi­née. Une pro­cé­dure obli­ga­toire pour recher­cher des preuves médico-​légales dans le cadre d’une plainte pour viol. A l’époque, Louison a 20 ans et, comme elle l’explique dans une publi­ca­tion Instagram mise en ligne le 5 février, elle est “ter­ro­ri­sée à l’idée de pas­ser un exa­men gyné­co­lo­gique”.

“Reconstitution” dis­cu­table…

Les débuts de l’auscultation “ne se sont pas si mal pas­sés”, Louison Lume rap­porte “n’avoir pas eu mal”. Puis l’examen “dérape”. “[Caroline Rey-​Salmon] m’a dit que je ne gar­dais aucune trace de vio­lences et qu’il était impos­sible qu’une enfant vic­time de viol vagi­nal n’ait pas l’hymen déchi­ré […]. Elle a remis en ques­tion ma parole en disant que je me trom­pais”, relate Louison Lume sur Instagram. D’après la jeune femme, la pédiatre lui sou­tient qu’“en réa­li­té, l’agresseur n’était pas ren­tré et [qu’]il s’était frot­té contre [son] sexe sans péné­trer”. Serait alors sur­ve­nue une scène trau­ma­ti­sante : “Elle a posé ses doigts sur moi [sur son sexe ndlr], a fait des mou­ve­ments de va-​et-​vient et m’a deman­dé de fer­mer les yeux et d’imaginer que c’était le pénis de l’agresseur afin de me sou­ve­nir du mou­ve­ment exact qu’il fai­sait.” Louison Lume relate avoir dit qu’elle “ne savait plus” et avoir été confron­tée à l’insistance de la pédiatre spé­cia­liste de la prise en charge des enfants vic­times en ces termes : “Si, allez, souvenez-​vous, ce n’était pas plu­tôt ce geste qu’il faisait ?”

La jeune femme, aujourd’hui âgée de 25 ans, explique être aujourd’hui inca­pable de dire com­bien de temps cela a duré ni com­ment l’examen s’est fini. “Mon cer­veau a dis­so­cié, même si je sais que rapi­de­ment, j’ai racon­té cela à des amies, à ma psy et à la juriste d’une asso­cia­tion de pro­tec­tion de l’enfance avec qui j’étais en contact dans le cadre de ma plainte pour viol”, précise-​t-​elle. Elle n’a jamais eu accès aux conclu­sions de la méde­cin trans­mises à la jus­tice, mal­gré ses demandes de se consti­tuer par­tie civile. C’est depuis que Caroline Rey-​Salmon a été nom­mée vice-​présidente de la nou­velle Ciivise (le juge Durand a été remer­cié par le gou­ver­ne­ment) que lui est venue la néces­si­té de révé­ler ce que la pédiatre lui aurait imposé.

… Et assumée

Précurseure en France dans le domaine de la prise en charge médico-​légale des enfants vic­times, Caroline Rey-​Salmon avait ouvert, en 2003, la pre­mière uni­té médico-​judiciaire pédia­trique à l’hôpital Trousseau, à Paris, avant de déve­lop­per le même ser­vice à l’Hôtel-Dieu. Cette spé­cia­liste recon­nue a donc défri­ché la métho­do­lo­gie de ces exa­mens, comme le montre un texte qu’elle a rédi­gé en 2018 pour Les Cahiers de la jus­tice. Intitulée “Les vio­lences sexuelles sur mineurs : diag­nos­tic médi­cal, constats et pers­pec­tives”, la publi­ca­tion a été mise en exergue par des inter­nautes à la suite du post Instagram de Louison Lume. Et pour cause : dedans, on peut y lire une jus­ti­fi­ca­tion de la pro­cé­dure qu’elle aurait impo­sée à la plai­gnante. Caroline Rey-​Salmon écrit ain­si, dans un para­graphe por­tant sur “la confron­ta­tion aux décla­ra­tions du mineur” : “Les enfants mécon­naissent leur ana­to­mie géni­tale. Les adultes tout autant. Nous le consta­tons chaque jour aux UMJ. Mais les enfants vic­times n’ont de plus aucune expé­rience en matière sexuelle et n’ont sou­vent même pas les mots pour décrire ce qui s’est pas­sé. Ils peuvent authen­ti­que­ment prendre pour une péné­tra­tion hymé­néale une péné­tra­tion ves­ti­bu­laire, c’est-à-dire entre les bour­re­lets for­més par les grandes lèvres, sans fran­chis­se­ment de l’hymen. Dans ce cas, la décla­ra­tion de péné­tra­tion sexuelle n’est pas men­son­gère, bien sûr. C’est tout l’intérêt de faire avec l’enfant sur la table d’examen une sorte de recons­ti­tu­tion des gestes de l’agresseur et de recueillir ses sen­sa­tions pour être au plus près du dérou­le­ment des faits.” Rappelons qu’au moment de cet exa­men Louison n’était pas une enfant mais une jeune femme de 20 ans. 

Une “recons­ti­tu­tion” qui semble consti­tuer un hors-​piste des bonnes pra­tiques en la matière. Dans sa des­crip­tion de l’examen médico-​légal, l’UMJ du CHU de Lyon indique qu’il consiste en un “exa­men cli­nique pour consta­ter les coups et bles­sures et éven­tuel­le­ment effec­tuer des pré­lè­ve­ments”, auquel s’ajoute “une prise en charge psy­cho­lo­gique qui per­met d’apprécier le reten­tis­se­ment psycho-​traumatique des vio­lences subies”. Il n’est nul­le­ment fait men­tion d’une “recons­ti­tu­tion” des faits. Pas plus que dans ce guide rela­tif à la prise en charge des mineur·es vic­times, édi­té en 2015 par le minis­tère de la Justice. Au contraire, ce docu­ment invite les professionnel.les de san­té à mesu­rer la balance bénéfices-​risques de la pra­tique : “L’examen gyné­co­lo­gique pou­vant être par lui-​même trau­ma­ti­sant, il importe, notam­ment pour les plus jeunes mineurs, d’apprécier l’intérêt de pro­cé­der à un tel exa­men au regard notam­ment de leurs déclarations.”

"Bannir toute atti­tude ris­quant de renou­ve­ler le traumatisme"

D’autres res­sources pré­sentes en ligne pour aider les praticien.nes à réa­li­ser un exa­men médico-​légal dans le cadre d’une plainte pour vio­lences sexuelles insistent sur la pru­dence à adop­ter. Le·la praticien·ne doit “faire appel à toutes ses capa­ci­tés d’empathie, de déli­ca­tesse et d’humanisme”, pré­cise ain­si Patrick Chariot, pro­fes­seur de méde­cine légale à l’Université Paris-​13 et chef de l’unité médico-​judiciaire de Seine-​Saint-​Denis, à l’hôpital Jean-​Verdier de Bondy, dans un docu­ment publié par la Société fran­çaise des infir­miers anes­thé­sistes. Il l’énonce clai­re­ment : “L’examen médi­cal d’une per­sonne vic­time de vio­lences sexuelles est, lui aus­si, poten­tiel­le­ment trau­ma­ti­sant pour la per­sonne exa­mi­née ; il néces­site donc une atten­tion par­ti­cu­lière du méde­cin.” Le pro­fes­seur Patrick Chariot recom­mande donc concrè­te­ment de “ban­nir toute atti­tude et tout pro­pos qui risquent de majo­rer, voire de renou­ve­ler le trau­ma­tisme”.

Par ailleurs, l’attitude qu’aurait adop­té Caroline Rey-​Salmon lors de son exa­men de Louison Lume pose ques­tion sur le plan scien­ti­fique. La pré­sence d’un hymen intact ne consti­tue en rien une preuve d’absence de péné­tra­tion vagi­nale, mal­gré le mythe entre­te­nu sur le sujet. Contactée par fran­cein­fo, Caroline Rey-​Salmon a nié les faits : “Je conteste l’ inté­gra­li­té des accu­sa­tions dont je fais l’objet mais ne sou­haite faire pour le moment aucun com­men­taire.

Dans la fou­lée des révé­la­tions de la jeune femme, le compte Instagram @SoutienCiivise1 – qui déplore le départ du juge Édouard Durand de la pré­si­dence de la Ciivise – a affir­mé déte­nir d’autres témoi­gnages de femmes mal­me­nées lors de consul­ta­tions avec Caroline Rey-​Salmon. La mobi­li­sa­tion pour récla­mer sa démis­sion de la Ciivise prend forme : l’association de pro­tec­tion de l’enfance Mouv'Enfants a lan­cé mar­di une péti­tion qui, à l’heure où nous écri­vons ces lignes, a reçu 1 500 signatures.

Lire aus­si l Lutte contre l’inceste : second round pour la Ciivise

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