La productrice de cinéma était jugée devant le tribunal correctionnel de Paris mardi 14 mars pour « agression sexuelle par personne en état d’ivresse manifeste », à l’encontre de l’actrice Nadège Beausson-Diagne.
Huit mois de prison avec sursis ont été requis, mardi 14 mars, à l’encontre de Juliette Favreul, productrice de films et ex-responsable du collectif 50/50 qui œuvre depuis quatre ans pour plus d’égalité entre les hommes et les femmes et lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans le milieu du cinéma français. L’ancienne membre de l’association féministe était poursuivie devant le tribunal correctionnel de Paris pour « agression sexuelle par personne en état d’ivresse manifeste » à l’encontre de l’actrice Nadège Beausson-Diagne. Cette dernière était absente à l’audience, rapporte Libération. « Elle n’en n’a pas eu la force. Vivre cela dans une soirée avec des gens qui partagent le même combat, en se disant qu’il n’y a pas d’ennemi, qu’il n’y a pas de risque […], a conduit Nadège dans un état dépressif assez grave, pour ne pas dire inquiétant », a déclaré son avocate Anouck Michelin selon le quotidien.
Les faits remontent au 11 mars 2022, à la suite d’un dîner informel organisé dans un appartement parisien à la veille d’un séminaire censé recréer du lien entre les adhérent·es après les multiples confinements. Présente sur place, Nadège Beausson-Diagne n’est pas membre du collectif mais a été invitée par l’actrice Aïssa Maïga. « J’étais en jupe, elle a mis alors sa main sur ma cuisse gauche et l’a remontée jusqu’à mon sexe, avec la volonté de me pénétrer, mais mon collant l’en a empêchée, même si j’ai clairement senti son doigt. Je suis restée figée deux ou trois secondes, puis j’ai pris sa main et l’ai repoussée violemment », déclare l'actrice le lendemain dans sa déposition aux enquêteur·trices, rapporte Le Monde. Avant l’attouchement supposé, la productrice, en état d’ivresse selon de nombreux témoignages, aurait touché les cheveux de la comédienne noire, un acte violemment vécu par les femmes aux cheveux crépus pour sa symbolique raciste.
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À la barre ce mardi 14 mars, Juliette Favreul – qui comparaissait libre sous contrôle judiciaire – a reconnu avoir touché les cheveux de l’actrice, mais a contesté les accusations d’agression sexuelle « Une invention », selon elle, rapporte Le Figaro. « Je ne savais pas que passer la main dans les cheveux était un acte post-colonial », a‑t-elle ajouté, plaidant n'avoir « aucune attirance sexuelle pour les femmes ». « Ça a gâché ma vie. Je ne lui ai rien fait à part mettre ma main dans ses cheveux », a‑t-elle conclu dans un sanglot, selon le quotidien.
Les avocates de Juliette Favreul, Céline Lasek et Fanny Colin, ont demandé « l’annulation intégrale » de la procédure arguant une « enquête bâclée, déloyale, déséquilibrée et inéquitable, menée uniquement à charge ». De son côté, l’avocate de Nadège Beausson-Diagne a au contraire plaidé une affaire « simplissime ». « Une soirée mondaine se déroule, l'un des convives désinhibé par l'alcool dépasse les bornes », a‑t-elle résumé devant les juges.
« Une reviviscence d’un traumatisme »
L’avocate est aussi revenue sur les antécédents de violences sexuelles subies par Nadège Beausson-Diagne. La comédienne, figure de proue du #MeToo en Afrique, a été victime d’une pénétration digitale à l’âge de 9 ans par un ami de la famille, puis d’un second viol sur un tournage en Centrafrique. Elle éprouve la répétition de l’agression sexuelle digitale supposée comme « une reviviscence d’un traumatisme », comme l'a expliqué son avocate Anouck Michelin.
« Je demande au tribunal de reconnaître (la prévenue) coupable des faits qui lui sont reprochés », a demandé la procureure, requérant huit mois de prison assortis d'un sursis probatoire de deux ans, une obligation de soins ainsi qu'une interdiction d'entrer en contact avec la plaignante. Le tribunal fera connaître sa décision le 23 mai prochain.
Cette affaire a fait voler le collectif 50/50 en éclat. Un mois après la soirée du 11 mars, la totalité du conseil d’administration avait démissionné. Depuis, le collectif s’est entièrement renouvelé. Un nouveau bureau a été élu le 7 juin dernier.
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