Sarita Six a déposé plainte pour violences conjugales contre son ex-compagnon en septembre 2019. L’homme a été condamné à une peine de 18 mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Versailles le 11 juin dernier.
Au moment de pénétrer dans la 7eme chambre du tribunal correctionnel de Versailles ce 11 juin, Sarita Six s’effondre. La gendarme réserviste de 35 ans appréhende le procès qu’elle attend depuis son dépôt de plainte le 24 septembre 2019, contre son ex compagnon, Franck Da Encarnacao. Prévenu pour violences conjugales commises entre mai et septembre 2019 l’homme trapu de 37 ans est arrivé à l’audience sans avocat. « Ça ne m’étonne pas vu le personnage », souffle immédiatement son ancienne compagne Leslie venue soutenir Sarita. Leslie avait elle aussi porté plainte à trois reprises entre 2013 et 2016 pour violences conjugales. En vain, puisqu’à l’époque, malgré le nez cassé et les côtes fêlées de la jeune femme – constatés médicalement – Franck Da Encarnacao avait seulement écopé d’un rappel à la loi.
Accompagnée de Leslie, de sa mère, venue spécialement de Martinique pour la soutenir et de quatre membres de la diaspora antillaise, Sarita s’est assise sur le banc des parties civiles. Sans sa fille unique née d’une union précédente, qui est absente. Témoin à plusieurs reprises des scènes de violences, la petite fille de 8 ans n’est, à ce jour, pas reconnue comme partie civile. De l’autre côté, Franck, lunettes de soleil sur le front, boucle d’oreille et baskets, paraît serein. À la barre devant le président du tribunal, l’homme reconnaît en grande partie les faits de violences, les insultes et les coups à l’exception de la brûlure au fer à repasser dont elle garde encore la trace sur l’avant-bras. « Je n’en ai aucun souvenir, ça me paraît très peu probable », déclare-t-il.
Une personnalité obsessionnelle et dangereuse
Il y a eu aussi, selon les mots de l'auteur, ce « micro coup de boule », donné à Sarita le 1er juin 2019, dont elle garde pourtant toujours la cicatrice sur le front. « Ce qui me fait sortir de mes gonds, c’est quand on parle de mes parents, se défend Franck à la barre. Elle critiquait ma famille tout le temps, vous comprenez, des fois que je pète les plombs. » Le président du tribunal lit le rapport du psychiatre ayant analysé Franck Da Encarnacao en décembre 2020. Il décrit « une personnalité obsessionnelle et dangereuse dont la frustration déclenche des réactions violentes ».
Lorsque Franck Da Encarnacao et Sarita Six se rencontrent sur les réseaux sociaux en 2016, tout semble pourtant aller pour le mieux. « C’était un prince charmant, il était doux, romantique, attentionné, tout ce qu’une femme peut rêver », se souvient Sarita qui emménage chez lui en juillet 2018 avec sa fille. Peu de temps après, les premières tensions apparaissent sur fond d’alcool et de relations adultères. L’été de leur emménagement, le couple part en vacances au Portugal, pays dont est originaire Franck. Sarita découvre alors dans le téléphone de son compagnon des messages explicites qu’il échange avec une autre femme. Franck explose. Au départ, des violences verbales uniquement. Puis, rapidement les premiers coups.
« Je vais te noyer dans la Seine »
« Dès que j’essayais d’obtenir des explications sur ses tromperies, il devenait violent, il me mettait régulièrement des coups de pied dans la cheville alors qu’il savait que j’avais eu une entorse », souligne Sarita Six. À chaque fois, Franck se confond en excuses et jure de ne pas recommencer. « Quand on aime, on pardonne, c’est ça le piège », confie Sarita à Causette. L’homme profère également à de nombreuses reprises des menaces de mort à l’encontre de la jeune femme. « Je vais te noyer dans la Seine », « je vais te crever avec mon [fusil à ] canon scié. » Devant le président du tribunal, Franck reconnaît aujourd’hui ses menaces devant la justice, justifiées selon lui par le fait que Sarita « usait beaucoup de violences verbales envers ma famille ».
Le président du tribunal recadre l’homme. Il est ici jugé non pas pour des « mésententes familiales » mais pour avoir notamment, le soir du 22 septembre 2019, poursuivit Sarita Six dans le lotissement pavillonnaire des Yvelines avec une hache parce que la jeune femme était rentrée au domicile conjugal raccompagnée en voiture par un ami. « Fou de rage » de la savoir avec un autre homme, Franck, explique à la barre avoir voulu « dégrader sa voiture » avec son arme. Il attrape ensuite la fille de Sarita qui tentait de faire barrage entre lui et sa mère et l’entraine à l’intérieur de la maison. La petite fille vomit de peur. Deux jours plus tard, Sarita dépose plainte pour violences conjugales.
18 mois avec sursis
Il aura fallu ensuite deux ans à la justice pour juger Franck Da Encarnacao qui « a bénéficié d’une certaine indulgence durant la procédure » selon les mots de l’avocat de Sarita, maître Gitton. Lors de sa plaidoirie, Maître Gitton appuie effectivement sur certains manquements. Il s’étonne notamment que Franck ne soit pas poursuivi pour violences devant mineure alors même qu’on sait aujourd’hui que les enfants sont des victimes directes des violences conjugales. Maître Gitton souligne aussi l’absence, voire la disparition, de certains procès-verbaux dans le dossier de Sarita Six, aujourd'hui introuvables. L’avocat de la partie civile rappelle également avoir dû lui-même insister, en février 2021, pour obtenir des informations sur la plainte de sa cliente, dont le parquet avait semble-t-il perdu la trace. « J’ai reconstitué tout ce qui n’a pas été fait par la gendarmerie, indique Maître Gitton. J’ai dû reprendre le dossier, réentendre chaque personne ayant témoigné. »
La procureure de la République a requis contre Franck Da Encarnacao, pour violences habituelles sur son ex-conjointe, une peine de deux ans avec un sursis probatoire de deux ans, une obligation de soin psychiatrique, l’interdiction d’entrer en contact avec Sarita Six et sa fille, celle de détenir une arme ainsi qu’un stage de prévention des violences conjugales.
Au terme d’un long délibéré, Franck Da Encarnacao est reconnu coupable et finalement condamné à une peine de 18 mois de prison avec sursis avec une mise à l’épreuve de cinq ans. Le tribunal n’a, contrairement aux recommandations de la procureure, pas exigé de mesures de protection (dont, par exemple, un bracelet électronique ou le téléphone grand danger), faisant valoir que le prévenu n’est pas entré en contact avec Sarita Six depuis le dépôt de plainte en septembre 2019. « Le fait que rien ne se soit passé depuis a permis à Franck Da Encarnacao de se refaire une virginité, assure à Causette Maître Gitton, à la sortie de l’audience. S’il avait été jugé normalement et dans les temps, il n’aurait pas bénéficié de cette indulgence. »
À l'écoute du verdict, aucune réaction sur l'impassible visage de Franck, alors que la déception et l'amertume se lisent sur ceux de Sarita et de ses soutiens. « La prochaine [compagne, ndlr], elle sortira les pieds devant », lâche Leslie avec colère, qui envisage, elle, de porter à nouveau plainte contre Franck Da Encarnacao. La « prochaine » a, semble-t-il, d’ailleurs déjà porté plainte pour violences conjugales selon le président du tribunal mais nous n’aurons pas plus d’informations à ce sujet.