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©Daria Nepriakhina

87 % des 18–24 ans ont déjà été vic­times de cyberviolences

Une étude Ipsos com­man­dée par l’association Féministes contre le cybe­rhar­cè­le­ment révèle ce jeu­di 15 décembre que le phé­no­mène des cyber­vio­lences est mas­sif en France, les femmes et les mino­ri­tés en sont par­ti­cu­liè­re­ment visées, avec des consé­quences par­fois lourdes sur la san­té men­tale et physique.

Des peines de trois à six mois de pri­son avec sur­sis ont été pro­non­cées lun­di 12 décembre à Paris contre onze per­sonnes qui avaient har­ce­lé en ligne Eddy de Pretto après un concert en juin 2021 dans une église pari­sienne. Lors du pro­cès, le chan­teur de 29 ans était venu témoi­gner de l’impact dévas­ta­teur des quelque trois mille mes­sages d'insultes homo­phobes et de menaces de mort qui l’avaient ciblé sur les réseaux sociaux après ce concert. 

À la suite de son enquête natio­nale « Cyberviolence et cybe­rhar­cè­le­ment : état des lieux d’un phé­no­mène répan­du » dif­fu­sée en février der­nier, l’association Féministes contre le cybe­rhar­cè­le­ment publie ce jeu­di 15 décembre les résul­tats d’une nou­velle enquête auprès des vic­times de vio­lences en ligne. Intitulée « Cyberviolence et cybe­rhar­cè­le­ment : le vécu des vic­times », elle a été réa­li­sée cet automne par Ipsos auprès de 216 vic­times de cyber­vio­lences âgées de 16 à 60 ans et plus. Selon l’association, « l’impact de ces vio­lences sur la vie et la san­té des vic­times est encore peu docu­men­té ». C’est ce constat qui l'a inci­tée à ques­tion­ner les vic­times sur leurs parcours.

84% des vic­times sont des femmes et 74% des auteurs sont des hommes

Les vio­lences en ligne sont un phé­no­mène mas­sif en France. Insultes, menaces, moque­ries, revenge porn, récep­tion de pho­tos de par­ties géni­tales, usur­pa­tion d’identité, cybe­rhar­cè­le­ment… Plus de quatre répondant·es sur dix déclarent avoir vécu au moins une situa­tion de cyber­vio­lence au cours de leur vie (41%). Et 93 % d’entre elles·eux déclarent avoir vécu plu­sieurs situa­tions. Les vio­lences en lignes touchent majo­ri­tai­re­ment les 18–24 ans (87 %), les per­sonnes LGBTQI+ (85 %), les per­sonnes raci­sées (71%) et les femmes de moins de 35 ans (65 %).

L’enquête pointe d’ailleurs le carac­tère gen­ré des cyber­vio­lences puisque par­mi les répondant·es, 84 % sont des femmes. Et 43 % d’entre elles·eux subissent des vio­lences en ligne en rai­son de leur iden­ti­té de genre ou de leur orien­ta­tion sexuelle. Quant aux auteur·trices de ces attaques, 74 % des vic­times dési­gnent des hommes comme res­pon­sables. L’étude pointe éga­le­ment que les vio­lences en ligne s’inscrivent sou­vent dans la durée. Pour près d’une vic­time sur deux (49%), elles se sont pour­sui­vies durant au moins un mois. Plus d’un an pour un quart d’entre elles.

31 % des vic­times confient avoir aug­men­té leur consom­ma­tion d’alcool et de sub­stances et 49 % confient des pen­sées suicidaires

L’enquête rap­pelle que les cyber­vio­lences sont loin d’être un mal vir­tuel. Elles ont un impact extrê­me­ment lourd sur la san­té phy­sique et men­tale des vic­times. Mais éga­le­ment sur leur épa­nouis­se­ment rela­tion­nel, fami­lial, sco­laire et pro­fes­sion­nel. Les vio­lences en ligne engendrent un impact psy­cho­lo­gique dans 80 % des cas et un impact phy­sique dans 46 %. Parmi les consé­quences psy­cho­lo­giques rap­por­tées par les vic­times, on retrouve de nom­breux symp­tômes de stress post-​traumatique : hyper­vi­gi­lance (91 %), troubles anxieux et dépres­sifs (88 %), insom­nies (78 %) et pen­sées sui­ci­daires (49 %).

Les vic­times de cyber­vio­lences rap­portent aus­si des impacts phy­siques : 45 % d’entre elles disent avoir déve­lop­pé des troubles ali­men­taires et près d’une vic­time sur cinq déclare s’être déjà auto­mu­ti­lée. Enfin, 31 % des vic­times confient avoir aug­men­té leur consom­ma­tion d’alcool et de sub­stances. Les consé­quences des vio­lences en ligne peuvent d’ailleurs être extrêmes : 14 % des vic­times déclarent avoir déjà ten­té de se suicider.

Violences qui dépassent le cadre d’Internet

Pour les vic­times de cyber­vio­lences, il ne suf­fit pas d’éteindre son ordi­na­teur ou de désac­ti­ver ses comptes sur les réseaux sociaux pour être en sécu­ri­té. L’étude pointe en effet com­bien « il est aujourd’hui impos­sible de tra­cer une ligne de démar­ca­tion nette entre le hors-​ligne et le en-​ligne ». Les cyber­vio­lences s’enchevêtrent bien sou­vent dans un conti­nuum de vio­lences subies éga­le­ment dans « la vie réelle ». L'étude observe d'ailleurs que les menaces faites en ligne n’en res­tent pas qu’au stade de menaces et sont mises à exé­cu­tion. En tout, 72 % des vic­times inter­ro­gées déclarent que ces cyber­vio­lences se sont pour­sui­vies en pré­sen­tiel. Elles sont ain­si près de deux sur dix à rap­por­ter des faits de vio­lences phy­siques (16 %) ou sexuelles (18 %). L’enquête note que ces vio­lences conduisent les vic­times à se plier à des stra­té­gies d’adaptation et d’évitement coû­teuses qui engendrent un épui­se­ment phy­sique et psy­chique. 32 % des répondant·es ont ain­si désac­ti­vé leurs comptes sur les réseaux sociaux suite à un ou des épi­sodes de cyberviolences. 

Seules 3% des plaintes abou­tissent à des pour­suites judiciaires

« Le par­cours judi­ciaire des vic­times de cyber­vio­lences est semé d’embûches », est-​il aus­si pré­ci­sé. Ainsi, 61 % des vic­times pensent que por­ter plainte ne sert à rien. Pour celles qui se sont dépla­cées dans un com­mis­sa­riat, 70 % indiquent que leur plainte n’a don­né lieu à aucune pour­suite et un tiers se sont vues refu­ser le dépôt de plainte. Au total, les vio­lences en ligne subies n’ont don­né lieu à une plainte sui­vie de pour­suites judi­ciaires que dans 3% des cas.

Améliorer l’information

Enfin, l'étude pointe aus­si que l’accès au droit des vic­times et à l’information « est clai­re­ment insuf­fi­sant ». En tout, 17 % d’entre elles affirment en effet ne pas avoir por­té plainte parce qu’elles ne savaient pas qu’elles pou­vaient le faire et 81 % se déclarent mal infor­mées sur les dis­po­si­tifs d’accompagnement. Face à cet état des lieux alar­mant, l’association Féministes contre le cybe­rhar­cè­le­ment appelle les pou­voirs publics à mettre en place de toute urgence les cam­pagnes d’information et de pré­ven­tion sur les cyberviolences.

Lire aus­si I Twitter épin­glé pour son inac­tion sur le har­cè­le­ment envers les femmes

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