Dans Take Care of Maya, un documentaire Netflix sorti plus tôt cette année, Maya Kowalski, une américaine de 17 ans, clamait le calvaire qu'elle a vécu au sein d'un hôpital pour enfants de Floride. Aujourd'hui, elle et sa famille viennent de remporter un procès de plus de 250 millions de dollars.
En 2017, 87 jours après que sa fille Maya a été admise à l'hôpital Johns Hopkins pour enfants de St. Petersburg en Floride, aux États-Unis, Beata Kowalski s'est pendue dans le garage familial. Dans sa lettre de suicide, reprise dans le magazine new-yorkais The Cut, elle écrit : "je suis désolée, mais je ne peux plus supporter la douleur d'être loin de Maya et d'être traitée comme une criminelle. Je ne peux pas regarder ma fille souffrir et voir son état empirer alors que j'ai les mains liées par l'État de Floride et le juge !". Beata Kowalski était soupçonnée par l'hôpital et les services sociaux de simuler la maladie de sa fille de 10 ans, Maya, et de souffrir du syndrôme de Münchhausen, un trouble psychologique où un parent rend délibérément son enfant malade afin de s'attirer de l'attention et de la sympathie. Six ans plus tard, un jury de Floride vient de reconnaître l'hôpital Johns Hopkins coupable de séquestration, coups et blessures et négligence médicale. Le centre hospitalier a été condamné à verser plus de 250 millions de dollars de dédommagement à Maya Kowalski, la fille de Beata, et à sa famille.
Maya Kowalski souffre en fait d'un trouble neurologique appelé "syndrome douloureux régional complexe", ou SDRC. En France, selon les estimations, environ 50 000 personnes seraient concernées par cette pathologie. Le syndrome de Maya se déclare en 2015, lorsque la fillette commence à ressentir de vives douleurs dans ses jambes et à souffrir d'atrophie musculaire, des symptômes communs chez les personnes atteintes de SDRC. Le documentaire Netflix Take Care of Maya détaille les manifestations de la maladie de la jeune fille – en seulement quelques semaines, elle perd l'usage de ses jambes -, ainsi que les efforts de ses parents pour soulager sa souffrance. L'un des traitements consiste à injecter de grandes doses de kétamine, un produit anesthésiant souvent associé à la défonce, pour atténuer l'hyper-sensibilité des membres de Maya. Lorsque la petite est un jour emmenée en urgence à l'hôpital John Hopkins pour enfants, c'est cette dose importante de kétamine que les parents demanderont au personnel médical de lui injecter qui éveillera les soupçons, selon un article de The Cut. Les soignant·es des urgences pédiatriques contactent les services de protection de l'enfance. L'appel tombe sur Sally Smith, directrice médicale de l'équipe de protection de l'enfance du comté de Pinellas, en Floride. La docteure aux 30 années d'expérience dans le milieu de la maltraitance des enfants s'efforcera dès lors de prouver que les parents de Maya abusent bien de leur fille.
Après la visite de Sally Smith à l'hôpital John Hopkins, Maya Kowalski est placée en isolement et sous surveillance vidéo (afin de déterminer si elle simule ses symptômes), malmenée physiquement et auscultée contre son gré et sans le consentement de ses parents, qui voient également leurs visites restreintes, selon la plainte déposée par la famille et relayée par le New York Times. Beata Kowalski, immigrée polonaise dont l'anglais n'est pas la langue maternelle, est dépeinte comme une mère abusive qui extrapole les souffrances de son enfant et la pousse à faire de même. Maya reste trois mois à l'hôpital – durant lesquels tout contact avec sa mère est largement limité -, mois où ses “symptômes s'aggravent : ses lésions réapparaissent, ses jambes s'atrophient, elle régresse, au point de se retrouver en fauteuil roulant", toujours selon les éléments repris dans le New York Times. C'est durant cette période que Beata Kowalski met fin à ses jours, désespérée par les accusations de l'hôpital et à l'idée d'être responsable de la détention de sa fille, d'après le documentaire Take Care of Maya.
Certain·es médecins avaient pourtant confirmé auprès de l'établissement médical la véracité et la gravité des symptômes de Maya Kowalski. Après la mort de sa mère, la garde de la fillette sera d'ailleurs à nouveau confiée à son père. Chez elle, elle sera traitée efficacement pour son SDRC et réapprendra à marcher. Aujourd'hui âgée de 17 ans, elle a remporté, en mars dernier, la première place d'un tournoi de patinage artistique.
Dans cette région de la Floride, les enfants sont presque deux fois et demie plus susceptibles d'être retirés de leur famille que la moyenne de l'État, selon The Cut. Dans le documentaire de Netflix, d'autres parents accusent également Sally Smith, la directrice médicale de l'équipe de protection de l'enfance du comté de Pinellas, de leur avoir injustement retiré la garde de leur enfant. Pendant le séjour contraint de Maya à l'hôpital, John Hopkins a par ailleurs facturé plus de 650 000 dollars à l'assurance pour des frais médicaux, dont des traitements pour le SDRC, alors même que l'établissement accusait l'enfant de simuler cette maladie.
Plus tôt cette année, Sally Smith – ainsi que Suncoast, entreprise privée responsable du système de protection de l'enfance du comté de Pinellas – ont versé à la famille Kowalski 2,5 millions de dollars de dédommagements. La condamnation de l'hôpital John Hopkins était la dernière sur la liste des plaintes déposées par Maya et sa famille en octobre 2018. L'établissement a été reconnu coupable de négligence médicale et séquestration et condamné à verser 211 millions de dollars de dommages compensatoires et 50 millions de dollars de dommages punitifs ."Pour la première fois, j'ai l'impression d'avoir obtenu justice", a déclaré devant le tribunal floridien Maya Kowalski, 17 ans, à l'issu de ce verdict rendu jeudi dernier.