Médiatisée pour avoir participé dimanche à une compétition d’escalade à Séoul sans son voile, la grimpeuse de 33 ans avait suscité l’inquiétude après son silence radio. Elle a été accueillie comme une héroïne ce mercredi matin à l’aéroport de Téhéran, mais l’incertitude plane toujours quant à son sort dans les prochains jours.
« Elnaz est une héroïne ! » Il y avait foule dans le hall de l’aéroport de Téhéran tôt ce mercredi matin pour accueillir – et applaudir surtout – Elnaz Rekabi, a rapporté la BBC Perse. Trois jours plus tôt, la grimpeuse iranienne participait aux championnats d’Asie d’escalade à Séoul en Corée du Sud, sans porter le voile, pourtant obligatoire pour les athlètes concourant sous les couleurs de la République islamique. Un geste rapidement interprété comme une conduite héroïque en solidarité avec les manifestations déclenchées le 16 septembre par la mort de la jeune Mahsa Amini après son arrestation par la police des mœurs pour port de voile non conforme.
L’arrivée d’Elnaz Rekabi ce mercredi à l’aéroport international Imam Khomeini de Téhéran a déclenché les applaudissements et les hourras de la foule, mais a aussi provoqué un profond soulagement. Car l’inquiétude régnait, depuis la fin de la compétition, autour du sort de la sportive de 33 ans dont le geste laissait craindre de lourdes représailles du régime iranien à son retour au pays. Plusieurs de ses ami·es s’étaient d’ailleurs dit·es inquiet·ètes, affirmant auprès de la BBC Perse ne plus avoir de ses nouvelles depuis dimanche soir. Ils et elles craignaient notamment que son passeport et son téléphone lui aient été confisqués. Pire, pour le média iranien IranWire, la sportive avait déjà été directement transférée à la prison d’Evine depuis son arrivée à l’aéroport de Téhéran. En réaction, le hashtag #WhereIsElnazRekabi ? (« Où est Elnaz Rekabi ? ») commençait même à émerger sur Twitter hier matin.
Rekabi évoque un problème de timing
Dans la foulée, un compte au nom d’Elnaz Rekabi non certifié avait posté un curieux message dans une story : « Je retourne en Iran en accord avec ce qui était prévu en termes de calendrier » pouvait-on lire hier alors que la grimpeuse « s’excuse des inquiétudes » qu’elle a pu « provoquer » et évoque un problème de timing qui l’aurait empêchée de porter son voile.
Si le retour d’Elnaz Rekabi a permis de rassurer les esprits, la sportive n’a pas changé de version des faits à l’aéroport de Téhéran. « En raison du climat qui régnait pendant les finales de la compétition et du fait que j’ai été appelée à prendre le départ quand je ne m’y attendais pas, je me suis retrouvée emmêlée dans mon équipement technique […]. A cause de cela, je n’ai pas fait attention au foulard que j’aurais dû porter », a‑t-elle expliqué aux médias présents.
Destination inconnue
Pour l’heure, on ne sait pas si ces propos ont été prononcés sous la contrainte ou non. Le régime des mollahs a plusieurs fois été accusé par les défenseurs des droits de l’homme de provoquer des aveux ou déclarations forcées à la télévision ou sur les réseaux sociaux. Et l’incertitude règne toujours quant au sort qui sera réservé à Elnaz Rekabi dans les prochains jours. D’autant que si, comme le souligne la BBC Perse, cette apparition publique est de nature à rassurer, la destination prise par Elnaz Rekabi était inconnue après son retour à l’aéroport.
Depuis le début de la révolte iranienne, au moins 215 personnes – dont 27 enfants – ont été tuées par les forces du régime, selon l’association Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo. Et plus de 8 000 personnes ont été arrêtées dans le pays.
Lire aussi I Un mois de contestation en Iran : l’UE sanctionne la police des mœurs alors que les arrestations se poursuivent