Lassé par l'inaction de ses bailleurs sociaux face à l'insalubrité de son logement, Kwajo Tweneboa affiche en 2021 son état lamentable sur Internet avant d'obtenir gain de cause. Méthode qu'il réitère avec succès pour d'autres concitoyen·es britannique, avant de, désormais, s'attaquer aux bailleurs français.
Il a quelque chose entre Lucky Luke et Spiderman. Kwajo Tweneboa tweete plus vite que son ombre pour dégommer les méchants, qui, au vu de ses multiples threads sur l’oiseau bleu, pulullent autant que les cafards dans le secteur des logements sociaux britanniques. C’est en effet aux bailleurs sans foi ni loi que le jeune homme de 23 ans à peine, qui a passé une majorité de sa vie dans des logements sociaux, s'attaque. Il se mobilise depuis un an pour faire entendre les locataires d'habitations insalubres, à grand renfort de « name and shame » – pratique qui consiste à dénoncer publiquement les agissements d'une personne ou entité nommée – sur les réseaux sociaux.
Amiante et vermine
Les bases de la méthode du Britannique sont posées en mai 2021. Kwajo Tweneboa, étudiant à Leicester, vit alors depuis 2018 dans une maison du sud de Londres, qui cumule infestation de vermine – cafards, cloportes, souris -, papier-peint moisi, plafond en amiante et tuyauterie hors d’usage. Il a vu l’état de son père, atteint d’un cancer de l’œsophage en phase terminale, se dégrader à une vitesse folle dans cet environnement insalubre, avant de décéder en janvier 2020. « Les infirmières ont eu du mal à s'occuper de lui, elles avaient du mal à lui donner son bain dans la salle de bain, par exemple, car elle n'avait pas de lumière et le carrelage tombait en morceaux », raconte-t-il au Guardian. Toutes ses tentatives de se faire entendre par le bailleur social en charge de son logement se heurtent à un mur, jusqu'à ce qu'il décide de se prendre en photo dans son habitation, mettant en lumière son insalubrité. Son post devient viral sur Twitter et le bailleur, dont le nom était cité, décide soudainement d'entreprendre les travaux nécessaires. Il répond publiquement qu'il « [reconnaît] les désagréments que les problèmes de réparation de cette propriété ont causé et [s'excuse] si M. Tweneboa a le sentiment qu'[il] n'a pas fourni le service attendu d'[il]. » Irrité par l'hypocrisie de cette réaction, Kwajo lance un appel à témoignages et reçoit, en moins d'une demi-heure, des dizaines de messages et photos de personnes habitant dans des endroits au moins aussi délétère.
L'abre qui cache la forêt
Les témoignages continuent de pleuvoir presque un an après le lancement de l'action de Kwajo. Celui-ci n'est pas surpris : le logement social britannique est en crise depuis des années. L’exemple le plus édifiant est sans doute celui cité lors de son passage à l'émission Good Morning Britain du 23 février dernier : des locataires se sont plaints une cinquantaine de fois, en vain, de l’odeur de chair en décomposition, des mouches et des asticots provenant d’un appartement voisin, dans lequel les policiers ont fini par découvrir le cadavre d’une sexagénaire, décédée… trois ans plus tôt.
Pour éviter que des situations similaires ne se reproduisent, Kwajo se rend chez celles et ceux qui en appellent à son aide et publie ensuite les photos et vidéos de l'insalubrité qu’il constate, en identifiant les bailleurs sociaux et autres parlementaires, fort de ses – désormais – quelque 45 000 followers. Et ça fonctionne ! « Certaines familles ont été relogées en moins de 24 heures » s’est-il réjoui sur le plateau de GBNews en février dernier.
Le jeune homme a gagné depuis quelques mois déjà une jolie notoriété Outre-Manche – il a même rencontré Michael Gove, le secrétaire d’État au logement britannique, pour lui exposer ses requêtes – et n’entend pas s’arrêter en si bon chemin. La semaine passée, il a déclaré sur Twitter vouloir dénoncer les bailleurs sociaux français. Un vaste combat si l'on en croit les chiffres du site du Ministère des Solidarités et de la Santé, selon lequel « il existe en France plus de 400 000 logements [ la distinction entre logements privés et sociaux n'est pas opérée, ndlr ] occupés considérés comme indignes, c’est-à-dire insalubres et/ou dangereux. »
Lire aussi : Logement : la fondation Abbé Pierre tire un bilan sévère du quinquennat d’Emmanuel Macron