Mekdes Daba
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En Éthiopie, la gyné­co­logue pro-​avortement Mekdes Daba à la tête du minis­tère de la Santé

En tant que défenseuse d’un accès facilité à l’IVG, la nouvelle ministre risque de se heurter au mouvement conservateur qui tente de revenir sur la législation de ce pays, relativement progressiste comparée au reste du continent.

“Il est temps d’achever la transition du pays d’un avortement à risque vers un avortement sécurisé”, écrivait, en 2022, Mekdes Daba, dans un article pour la revue scientifique Reproductive Health. Deux ans plus tard, cette gynécologue éthiopienne vient d’être nommée, le 8 février, ministre de la Santé dans le cadre d’un remaniement. “C’est une ardente défenseuse des femmes et des soins liés à la santé sexuelle et reproductive, y compris l’avortement encadré. Nous sommes convaincus qu’elle peut montrer la voie pour faire progresser la santé des femmes en Éthiopie”, réagit pour Causette Abebe Shibru, directeur national de MSI Reproductive Choices, une ONG spécialiste de la santé sexuelle et reproductive.

La deuxième nation la plus peuplée d’Afrique fait figure de relatif précurseur sur un continent où le droit à l’IVG demeure très restreint. Depuis 2005, les Éthiopiennes peuvent y avoir accès en cas de viol, d’inceste, de malformation fœtale, de danger pour leur santé physique et si elles sont mineures et non aptes, psychologiquement ou physiquement, à affronter un accouchement. Les résultats de cette avancée législative sont tangibles. En 2014, plus de la moitié des avortements étaient encadrés par des établissements de santé, contre moins de trois sur dix en 2008, selon l’institut Guttmacher, spécialisé dans la santé reproductive.

Mais un long chemin reste à parcourir dans cet État où seule une adolescente sur quatre atteint le lycée. Un sondage effectué dans le sud de ce territoire montagneux en 2017 par la publication scientifique BioMedCentral a révélé que seul un quart des femmes était informé de la légalité de l’IVG dans certaines circonstances – la majorité des habitantes de la capitale sont, elles, au courant. Or le temps presse pour protéger ce droit, bien que partiel. “Des groupes religieux, emmenés par les protestants et rejoints par les autres dénominations religieuses, travaillent activement à abolir la loi sur l’avortement, regrette auprès de Causette Lensa Biyena, présidente de l’Association des femmes juristes éthiopiennes (EWLA). Les opposants pourraient obtenir gain de cause dans cette société très conservatrice.”

Tabou de la santé sexuelle

La magistrate, qui connaît personnellement la nouvelle ministre, espère des mesures dans d’autres domaines, pour lutter par exemple contre le harcèlement auquel les femmes médecins sont régulièrement confrontées pendant leur garde à l’hôpital. “La docteure Mekdes est brillante. En tant que femme, elle va néanmoins se heurter aux réticences des hommes de son ministère”, prédit Lensa Biyena.

La loi ne suffit pas, insiste Betelehem Akalework, cofondatrice du mouvement féministe Setaset Power, interrogée par Causette. “Nous nous interrogeons sur la manière de sortir des tabous entourant la santé sexuelle et le recours à l’IVG, témoigne la trentenaire. Nous essayons en outre de remédier au taux important de violences faites aux femmes, aux féminicides quotidiens, aux mariages précoces, mais aussi de soutenir les femmes terrorisées, car elles habitent dans des zones de conflit…” Cette activiste incite Mekdes Daba à collaborer avec la société civile pour tenter de relever ces défis colossaux. Et permettre aux Éthiopiennes de reprendre leur souffle.

Lire aussi l Niger : le gouvernement interdit une application de sensibilisation à la santé sexuelle féminine

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