Avec la guerre qui fait rage en Ukraine, l'Europe doit se préparer à une crise humanitaire « de proportions historiques » selon l'Union européenne, qui pourrait aboutir à « plus de 7 millions » de personnes déplacées. En France, l’heure est désormais à l’accueil et à la solidarité.
C’est une crise migratoire qui se dessine désormais aux portes de l’Union européenne avec un chiffre qui ne cesse d’augmenter à mesure que les forces armées russes tentent de prendre Kyiv, la capitale de l’Ukraine. On compte en ce mardi 1er mars – cinquième jour du conflit – plus de 660 000 personnes qui ont fui l’invasion russe vers les pays européens d’après l’Organisation des Nations Unies (ONU). Les images qui nous parviennent montrent d’interminables files de familles ukrainiennes, des femmes et des enfants surtout – les hommes de 18 à 60 ans ont l’interdiction de quitter le pays en raison de la mobilisation générale– , qui ont tout laissé derrière eux·elles.
« 7 millions de déplacés »
Plus de la moitié des réfugié·es sont entré·es en Pologne – où vit déjà une communauté d'environ un million et demi d’Ukrainien·nes – et leur nombre ne cesse d’augmenter d’heure en heure, selon les Nations unies et les autorités polonaises. La Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie et la Moldavie ont également vu arriver nombre de réfugié·es. « Je pense que nous devons nous préparer pour des millions d’arrivées », a estimé la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson. Tout en notant qu’il restait « extrêmement difficile, en raison de l’intensité des combats, d’établir des estimations correctes », Janez Lenarcic, commissaire européen à l’Aide humanitaire et à la Réaction aux crises, à fait état d’un scénario des Nations unies prévoyant jusqu’à « plus de 7 millions de déplacés » en Ukraine en cas d’aggravation du conflit, qui a fait jusqu'à présent 352 mort·es parmi les civils selon les autorités du pays.
C’est pourquoi à la demande de la France qui préside depuis janvier et pour six mois le conseil de l’Union européenne, les ministres de l’Intérieur de l’UE se sont réuni·es à Bruxelles dimanche 27 février. Iels ont notamment discuté du statut qui pourrait être accordé aux réfugié·es ukrainien·nes. Il s’agit « d’abord » de les accueillir « le mieux possible en Pologne et dans les pays voisins […] et puis de voir comment, en Europe, on peut leur apporter une protection », a indiqué Gérald Darmanin. Car au-delà de la crise migratoire, l’Europe se prépare à une catastrophe humanitaire de grande ampleur. « Nous assistons à ce qui pourrait devenir la plus grande crise humanitaire sur notre continent depuis de très nombreuses années […]. Nous devons nous préparer à une crise aux proportions historiques », a averti Janez Lenarcic à l’issue de la réunion bruxelloise.
Dispositif de protection
Un dispositif de protection à destination des réfugié·es pourrait donc être activé jeudi 5 mars lors d’une nouvelle réunion des ministres de l’Intérieur de l’UE. Il permettrait d'offrir une protection aux réfugié·es durant un an, renouvelable jusqu’à trois ans et leur permettre de travailler. Pour l’instant, les Ukrainien·nes peuvent circuler sans visa dans l’espace Schengen pendant 90 jours. D’ici l'entrée en vigueur de ce dispositif, l’heure est à l’urgence pour aider les pays de « premières arrivées ». Dix-huit pays membres de l’UE se sont ainsi portés volontaires pour fournir de l’aide aux pays frontaliers de l’Ukraine dans le cadre des mécanismes de protection civile et d’aide humanitaire. La commissaire Ylva Johansson s'est rendue hier aux frontières roumaines et slovaques afin d’évaluer les besoins.
La question de la répartition des réfugié·es ukrainien·nes entre les États membres de l’UE n’a pas formellement été posée mais devrait l'être d’ici quelques jours. De nombreux pays ont d’ores-et-déjà fait savoir qu’ils sont prêts à accueillir des Ukrainien·nes. Parmi eux, ceux où vivent déjà une importante communauté ukrainienne comme l’Allemagne, le Portugal ou la République Tchèque.
Vague de solidarité
De son côté, la France « prendra sa part » dans l’accueil des réfugié·es ukrainien·nes avait annoncé Emmanuel Macron au lendemain de l’invasion russe, le 25 février. Depuis, les premier·ières réfugié·es sont arrivé·es sur le sol français dans la soirée du 27 février. Actuellement en France, la communauté ukrainienne représenterait 100 000 personnes selon des estimations non officielles données par France Info.
La guerre en Ukraine soulève une vague jaune et bleue de solidarité dans notre pays où de nombreuses associations et municipalités multiplient les appels aux dons afin d’acheminer de l’aide humanitaire. Le patron de la SNCF a de son côté annoncé la gratuité des transports pour les réfugié·es à bord des TGV et des Intercités.
Au lendemain des premières arrivées, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a réaffirmé la volonté de la France de donner « l’asile à tous les Ukrainiens qui arriveront en Europe ». En pleine campagne électorale, la plupart des candidat·es se sont montré·es favorables à l’accueil des réfugié·es en France. La plupart sauf Éric Zemmour (Reconquête !). Le candidat d’extrême droite a jugé sur RTL le 28 février que l'arrivée de réfugié·es ukrainien·nes risque de « déstabiliser la France, qui est déjà submergée, je dis bien submergée, par l’immigration ». Éric Zemmour préfère donc qu’ielles « soient en Pologne », pays qu'il « faut aider » à faire face selon lui. À quarante jours du premier tour de l’élection présidentielle, la question migratoire est désormais clairement sur la table.
Des réfugié·es discriminé·es en raison de leur couleur de peau
Alors que l’afflux de réfugié·es ukrainien·nes ne cesse de croître partout en Europe, des ressortissant·es de pays d’Afrique, d’Asie du Sud et centrale dénoncent des discriminations dont iels font l’objet. Des milliers d’entre elles·eux dont une grande majorité d’étudiant·es seraient ainsi bloqué·es aux frontières ukrainiennes pour laisser la priorité aux Ukranien·nes. Ces blocages, relayés sur les réseaux sociaux, seraient l’œuvre des autorités ukrainiennes.