En pleine épidémie de coronavirus, des évêques polonais ont émis des réserves quant à l'utilisation des vaccins Astra Zeneca et Johnson & Johnson. Pour eux, l'utilisation de cellules issues de fœtus avortés il y a plus de trente ans dans l'élaboration du vaccin constituerait une « objection morale ».
![En Pologne, des évêques profitent du Covid-19 pour stigmatiser un peu plus encore l'avortement 1 9c3c kojymq](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2021/04/9c3c_kojymq-679x1024.jpg)
Les vaccins Astra Zeneca et Johnson & Johnson sont la cible d'une rumeur qui a beaucoup circulée en fin d’année 2020, lors de l’apparition des premiers vaccins contre le Covid-19. Plusieurs pages sur les réseaux sociaux relayaient l'information selon laquelle les sérums d'immunité contiendraient des cellules fœtales. Depuis, des articles de fact checking ont démontré que ce type d’affirmations était erroné : les vaccins qui nous sont injectés ne contiennent pas de cellules de fœtus avortés. Ce qui prête à confusion, c'est l'utilisation, lors du processus d'élaboration et de recherche, des lignées cellulaires HEK 293 et PER.C6. La première a été créée en 1973 et provient effectivement des cellules d’un fœtus avorté aux alentours de 1972. La deuxième, créée en 1985, là aussi à partir de cellules d'un embryon avorté. Des ensembles de cellules sont fréquemment utilisés dans l'élaboration de vaccins, car elles permettent de générer des grandes quantités d'adénovirus [une famille de virus, ndlr], élément indispensable à la confection des sérums. Du pain béni pour les pourvoyeurs anti avortement qui se sont empressés de faire un raccourci et de jouer sur la confusion.
Ainsi, le 14 avril dernier, la rumeur refait surface, alimentée par des évêques polonais. Ils affirment leur « sérieuse objection morale » à l’utilisation des vaccins Astra Zeneca et Johson & Johson, car ils « reposent sur une technologie fondée sur des cellules issues de fœtus avortés ». L’épiscopat recommande alors de ne pas recevoir d’injection provenant d'un des deux laboratoires : « Ceux qui le peuvent devraient manifester leur objection à utiliser un produit biologique dont la production est immorale, afin de ne pas être considérés comme étant indirectement favorables à l'avortement. » A noter que la déclaration des évêques polonais entre en contradiction avec le Vatican. En décembre 2020, une note de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi signée par le Pape himself affirmait que, face à la gravité de la crise sanitaire, même les vaccins élaborés à partir de cellules avortées étaient « moralement acceptables ».
Pas de surprise pour les féministes
Une prise de position qui reflète la situation politique du pays, et qui ne surprend pas Antonina Lewandowska, membre de la Fédération pour les Femmes et du Planning familiale de Pologne : « Ces déclarations des évêques ne me surprennent pas, car ce sont des arguments bien plus recevables dans l’espace public aujourd’hui qu’avant. Depuis 2015, on a observé un changement drastique dans le discours autour des droits reproductifs et on en voit déjà les résultats. Le changement de la loi sur l’avortement [depuis octobre 2020, l'avortement n'est autorisé qu'en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère, ndlr] en est bien sûr l’exemple le plus frappant. » En Pologne, l’arrivée au pouvoir en 2015 de Jaroslaw Kaczynski, vice-premier ministre et chef de la majorité national-conservatrice a entraîné le recul de certains droits humains et le renforcement de l'influence de l'Église catholique.
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Dans leur grande miséricorde, les évêques ont quand même précisé que les fidèles n’ayant pas le choix du vaccin qu’on leur injecte, seront « absous de fautes morales ».