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En Grèce, “un jour his­to­rique” approche pour les couples homo­sexuels et leurs enfants

Porté par le gou­ver­ne­ment conser­va­teur, un pro­jet de loi pour léga­li­ser le mariage entre per­sonnes du même sexe et accor­dant des droits au deuxième parent des enfants issus d’un couple homo sera débat­tu au Parlement dans la semaine.

“Jusqu’à pré­sent, ma deuxième mère était comme un fan­tôme aux yeux de la loi. Elle n’apparaissait nulle part, sur aucun docu­ment offi­ciel”, se désole le jeune Grec Yannis Belia. Pour cet ado­les­cent et ses mères, Stella et Haris, la situa­tion devrait bien­tôt chan­ger. Les député·es grec·ques s’apprêtent en effet à léga­li­ser, mer­cre­di ou jeu­di, le mariage homo­sexuel et l’adoption par les couples de même sexe. Car jusqu’ici, en Grèce, pour les couples homo­sexuels ayant des enfants, seul le parent bio­lo­gique avait des droits sur eux.

Le jeune homme aux che­veux ébou­rif­fés vit en ban­lieue d’Athènes avec sa mère bio­lo­gique Stella Belia, une ins­ti­tu­trice quin­qua­gé­naire, et passe week-​ends et vacances avec Haris, sa “deuxième mère”, l’ex-compagne de Stella dont elle est désor­mais sépa­rée. “Cette loi va chan­ger ma vie”, se réjouit Yannis, comme son frère jumeau, Antonis, conçus par pro­créa­tion médi­ca­le­ment assis­tée (PMA). Car, à l’heure actuelle, “si jamais ma mère Stella venait à mou­rir, je ne pour­rais pas être confié à ma deuxième mère. C’est une peur qui m’a tou­jours trot­té dans la tête”, explique le gar­çon de 16 ans. “Enfin, tous les enfants auront les mêmes droits”, ren­ché­rit son jumeau.

Pour le moment, en cas de décès du parent bio­lo­gique, l’État retire auto­ma­ti­que­ment la garde des enfants à leur autre parent. Lorsque leurs enfants tombent malades, les parents non bio­lo­giques n’ont aucun droit pour déci­der des pro­cé­dures médi­cales néces­saires les concer­nant. Et les enfants ne peuvent pas non plus héri­ter de leurs parents non bio­lo­giques. Quant aux enfants de deux pères, ils ne peuvent même pas être enre­gis­trés à l’état civil, où il est obli­ga­toire d’inscrire le nom d’une mère.

Situations dra­ma­tiques

C’est pour mettre un terme à des situa­tions par­fois dra­ma­tiques que le Premier ministre conser­va­teur, Kyriakos Mitsotakis, a vou­lu ce pro­jet de loi, qui devrait être étu­dié par le Parlement les 14 et 15 février. “Les couples de même sexe ont des enfants […]. Mais ces enfants n’ont pas les mêmes droits”, a‑t-​il déplo­ré en annon­çant son pro­jet pour lequel il est assu­ré d’obtenir une majo­ri­té au Parlement, plu­sieurs par­tis d’opposition ayant annon­cé leur inten­tion de voter en faveur du texte. L’union civile entre per­sonnes de même sexe a elle été léga­li­sée en 2015.

Pour autant, les résis­tances sont grandes, qu’il s’agisse de celles pro­ve­nant de l’Église ortho­doxe ou même de la frange la plus conser­va­trice du par­ti au pou­voir, Nouvelle Démocratie, rap­porte La Croix. Dimanche, quatre mille per­sonnes ont défi­lé dans les rues d’Athènes pour s’opposer au texte.

À Athènes, Anna Leventou et sa com­pagne Nancy ont à peine eu le temps de se réjouir de la nais­sance de leur fille. En rai­son de com­pli­ca­tions pen­dant l’accouchement, Nancy a dû être hos­pi­ta­li­sée pen­dant plu­sieurs jours. “J’étais pani­quée”, raconte la tren­te­naire Anna Leventou. “Ils ont embar­qué ma com­pagne aux urgences et je ne pou­vais pas rame­ner ma fille à la mai­son” puisque n’étant pas la mère bio­lo­gique du nouveau-né.

“Heureusement, grâce à la bonne volon­té du méde­cin et de la cli­nique, j’ai pu prendre mon enfant, mais je devais avoir comme garant un des parents de ma conjointe”, explique la jeune femme lors d’une confé­rence de presse orga­ni­sée par l’association Familles arc-​en-​ciel. “Que se serait-​il pas­sé si ses parents n’étaient plus par­mi nous ?” s’interroge-t-elle.

Pas d’ouverture à la PMA

Stella Belia, qui milite au sein de Familles arc-​en-​ciel, dresse un por­trait au vitriol de la socié­té grecque, entre tabous et non-​dits concer­nant les couples de même sexe. “Ce qui pré­va­lait jusqu’à pré­sent, c’était la règle du silence”, juge-​t-​elle. “Il était fré­quent d’entendre : ‘Il vaut mieux […] ne pas dire que vous êtes en couple avec une femme.’ Mais on n’aurait jamais dû avoir à se cacher !”

Cette loi “sera un pro­grès énorme pour la Grèce”, souligne-​t-​elle, tout en insis­tant sur ses “défauts”. Ainsi, les couples de même sexe ne pour­ront tou­jours pas recou­rir à la PMA ou à une mère por­teuse. L’adoption de l’enfant par le deuxième parent ne sera pas non plus auto­ma­tique même si le couple est marié. Elle se fera après la naissance.

Pour Konstantinos Androulakis, un Grec “exi­lé” à Londres où il vit en avec Michael depuis 2002 et leurs deux enfants de 6 et 11 ans, le vote au par­le­ment s’annonce comme “un jour his­to­rique” pour la Grèce. Il a d’ailleurs pré­vu de faire le dépla­ce­ment à Athènes pour s’entretenir avec plu­sieurs député·es avant le vote. “Jusqu’à pré­sent, nous ne pou­vions pas envi­sa­ger d’élever nos enfants en Grèce en les pri­vant de droits essen­tiels”, souligne-​t-​il dans un entre­tien à l’AFP par télé­phone. Mais après l’adoption de la loi, “tout devient pos­sible à nou­veau !” s’enthousiasme-t-il.

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