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© Capture d'écran du compte Twitter de Kamala Harris

Élections amé­ri­caines : Kamala Harris fera-​t-​elle gagner Joe Biden ?

Alors que la tra­di­tion­nelle conven­tion du par­ti démo­crate, qui offi­cia­lise Joe Biden comme can­di­dat, débute ce lun­di 17 août, la course à la pré­si­den­tielle s’accélère. Kamala Harris qui, si Joe Biden l’emporte face au pré­sident sor­tant Donald Trump en novembre pro­chain, pour­rait bien deve­nir la pre­mière femme vice-​présidente des États-​Unis, y joue­ra un rôle clé. Pourrait-​elle faire bas­cu­ler l’élection pré­si­den­tielle américaine ?

« Je sais que nous n’avons pas encore bri­sé ce pla­fond de verre, mais un jour quelqu’un le fera et j’espère que ça sera plus tôt que nous le pen­sons. » Ce sont les mots d’Hilary Clinton, le 9 novembre 2016, à l’issue de sa défaite pré­si­den­tielle face au répu­bli­cain Donald Trump. À trois mois du pas­sage aux urnes, il se pour­rait que l’avenir donne rai­son à l’ancienne can­di­date démocrate.

Joe Biden, a en effet dévoi­lé sur Twitter, mar­di 11 août, l’identité de sa colis­tière qui affron­te­ra Donald Trump à ses côtés. Il s’agit de la séna­trice de Californie et ex-​procureur géné­rale, Kamala Harris, qui devient ain­si la pre­mière femme noire et ori­gi­naire d’Asie du sud à figu­rer sur un « ticket » pré­si­den­tiel américain.

Un choix his­to­rique donc, mais loin d’être sur­pre­nant puisque la séna­trice – entrée en fan­fare dans la cam­pagne pour décro­cher l’investiture démo­crate avant d’abandonner le 3 décembre der­nier – était en pole posi­tion sur la liste de Joe Biden. Dans le sillage de la vague de nou­velles élues arri­vées au Congrès lors des élec­tions de mi-​mandat, Joe Biden s’était en effet enga­gé, en mars, à choi­sir une femme comme colis­tière. Et depuis la mort de l’Afro-Américain George Floyd, sous le genou d’un poli­cier blanc, les pres­sions pour que le can­di­dat choi­sisse une femme noire ont redou­blé d’intensité.

Avec Kamala Harris, Joe Biden ouvre vers l’avenir

« Tenace », « bonne ora­trice »,« lut­teuse » sont les adjec­tifs qui reviennent pour qua­li­fier Kamala Harris. « Jusqu’à pré­sent, on assis­tait davan­tage à un réfé­ren­dum pour ou contre Trump qu’à une véri­table cam­pagne pré­si­den­tielle, sou­ligne Nicole Bacharan, poli­to­logue franco-​américaine. Dans le camp Biden, on espère qu’elle gal­va­nise les troupes et les élec­teurs. » Car en nom­mant la séna­trice de 55 ans colis­tière de sa cam­pagne, « Joe Biden fait le choix d’une par­te­naire consen­suelle, plus jeune que lui et située plus à gauche dans l’éventail poli­tique démo­crate qui pour­rait ral­lier l’électorat du très à gauche Bernie Sanders », ana­lyse la politologue.

Bien que popu­laire, Joe Biden, ancien vice-​président de Barack Obama, n’incarne pas le renou­veau. « Avec Kamala Harris à ses côtés, il donne des gages aux femmes noires, l’électorat le plus fiable des démo­crates, sou­ligne Nicole Bacharan. Joe Biden ouvre vers l’avenir pour repré­sen­ter l’Amérique telle qu’elle est et telle qu’elle devient : mul­tieth­nique et mul­ti­cul­tu­relle. » La machine est en marche du côté des dona­teurs, puisque mer­cre­di 12 août, le duo Harris-​Biden a annon­cé avoir levé 26 mil­lions de dol­lars en vingt-​quatre heures.

Si Kamala Harris apporte enthou­siasme et éner­gie, elle offre éga­le­ment une suc­ces­sion ras­su­rante au can­di­dat de 77 ans, qui pour­rait deve­nir le pré­sident le plus âgé de l’Histoire amé­ri­caine. En effet, en cas de pro­blème de san­té ou de décès, la vice-​présidente doit être prête à occu­per la fonc­tion suprême. « Si Joe Biden est élu, il est qua­si­ment cer­tain qu’il ne bri­gue­ra pas de second man­dat, sou­tient Hélène Quanquin, pro­fes­seure de civi­li­sa­tion et his­toire des États-​Unis à l’université de Lille. La choi­sir comme vice-​présidente, c’est la mettre en selle pour les pro­chaines pré­si­den­tielles de 2024. »

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© Capture d'écran vidéo du compte Twitter de Joe Biden 
Un atout à double tranchant

Farouche oppo­sante de l’administration Trump, Kamala Harris s’est illus­trée à de nom­breuses reprises par sa pug­na­ci­té et ses joutes ver­bales qui lui valent les éloges des démo­crates. Une dure­té qui peut cepen­dant lui jouer des tours dans la cam­pagne. À ce titre, son bilan de pro­cu­reure géné­rale de Californie offre de nom­breux angles d’attaque à ses détrac­teurs. « Si Kamala Harris elle-​même se qua­li­fie de “pro­cu­reure pro­gres­siste”, elle a été vive­ment cri­ti­quée par l’électorat pro­gres­siste pour ses poli­tiques répres­sives et notam­ment pour avoir été l’instrument d’une poli­tique d’incarcération de masse 1 au détri­ment de la com­mu­nau­té noire, pré­cise Hélène Quanquin. Il va fal­loir qu’elle s’explique sur ce bilan. »

Il ne faut pas non plus oublier qu’aux États-​Unis la marche de manœuvre du vice-​président dépend du bon vou­loir du loca­taire de la Maison-​Blanche. Et bien que la nomi­na­tion de Kamala Harris lui confère une grande visi­bi­li­té, « il n’est pas ques­tion de la lais­ser prendre toute la lumière, insiste Nicole Bacharan. Si Joe Biden est élu, elle appli­que­ra la poli­tique du pré­sident sans nuance, même si je ne doute pas qu’il lui confie des dos­siers impor­tants. » 

Une fis­sure dans le pla­fond de verre

Après la vague fémi­nine qui a sub­mer­gé le Congrès lors des élec­tions de mi-​mandat en 2018, Kamala Harris incarne une époque où les femmes peuvent être choi­sies et élues. Pour Hélène Quanquin, « il est d’ailleurs lar­ge­ment envi­sa­geable qu’une majo­ri­té de femmes fassent leur entrée au cabi­net [équi­valent du gou­ver­ne­ment en France, ndlr] en cas de vic­toire de Joe Biden. »

Cette nomi­na­tion est une fis­sure sup­plé­men­taire dans ce pla­fond de verre où se heurtent les femmes dans l’accession à de hautes res­pon­sa­bi­li­tés. « Il se bri­se­ra tota­le­ment si Kamala Harris devient un jour la pre­mière pré­si­dente des États-​Unis », ajoute Nicole Bacharan.

Mais avant d’entrevoir 2024, le duo Biden-​Harris doit rele­ver le défi de battre Donald Trump dans une cam­pagne pré­si­den­tielle inédite, ter­ras­sée par le Covid-​19. À douze semaines de l’issue, il est cer­tain que le pré­sident sor­tant ne lais­se­ra pas sa place dans le Bureau ovale faci­le­ment. « Joe Biden cara­cole dans les son­dages avec huit à dix points de plus, ils ont de grandes chances de rem­por­ter l’élection si les condi­tions de vote sont bonnes, ana­lyse la poli­to­logue. Mais cette année, avec le Covid-​19 et le pro­fil de Donald Trump, tout peut chan­ger à l’automne. »

Car à l’heure du Covid-​19, le vote par cor­res­pon­dance appa­raît, aux yeux de la majo­ri­té des Américain·es, comme une solu­tion au pro­blème. Plébiscité par les démo­crates, le « vote by mail » pour­rait concer­ner 76 % des Américains, selon le New York Times. Un consen­sus qui n’est pas du goût de Donald Trump, qui consi­dère le vote par cor­res­pon­dance comme la « plus grande fraude élec­to­rale de l’histoire ». Et pour cause, le pré­sident sor­tant craint pour sa réélec­tion. Déterminé à s’accrocher à la Maison-​Blanche, Donald Trump a d’ores et déjà blo­qué le finan­ce­ment de la poste pour affai­blir le vote par correspondance.

Il ne faut pas oublier qu’en cas de vic­toire du duo Biden-​Harris, le 3 novembre pro­chain, Donald Trump reste tout de même pré­sident des États-​Unis jusqu’à l’intronisation de Joe Biden en jan­vier. Et il y a toutes les rai­sons de parier que le pré­sident déchu œuvre pour ne pas rendre la tran­si­tion paisible.

  1. Un Afro-​Américain sur quinze est incar­cé­ré, contre un sur cent six pour les Blancs.

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