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De gauche à droite, L'avoxate Sonia Dahmani lors de son arrestation et la militante Saadia Mosbah. © Capture écran kapitalis.com, © Issam Barhoumi Wikimedia Commons

Avocat·es, militant·es, jour­na­listes : en Tunisie, vague d’arrestations contre des voix cri­tiques du régime

L’avocate Sonia Dahmani, la mili­tante anti­ra­ciste Saadia Mosbah, le pré­sen­ta­teur Borhen Bssais… En Tunisie, les arres­ta­tions des voix cri­tiques de la poli­tique du pré­sident Kaïs Saïed se mul­ti­plient ces der­niers jours, dans un contexte de recul des droits humains.

Sale temps pour les droits humains en Tunisie. Le 6 mai, la mili­tante Saadia Mosbah, pré­si­dente de l’association Mnemty (“Mon rêve”) et figure emblé­ma­tique de la lutte contre la dis­cri­mi­na­tion raciale dans le pays, a été arrê­tée et pla­cée en déten­tion – elle y est tou­jours ce 14 mai. Officiellement, pour des soup­çons de “blan­chi­ment d’argent”. Plus vrai­sem­bla­ble­ment, parce qu’elle défend haut et fort les droits des migrant·es, alors qu’un cli­mat ultra hos­tile à leur égard est ali­men­té depuis le plus haut som­met de l’État et que les vio­lences contre les exilé·es s’exacerbent. Le même jour, Zied Rouine, direc­teur des pro­jets de l’association Mnemty, était lui aus­si arrê­té – avant d’être libé­ré le len­de­main. Tandis que le pré­sident Kaïs Saïed, lui, s’en pre­nait aux asso­cia­tions venant en aide aux migrant·es, qua­li­fiant leurs dirigeant·es de “traîtres”, de “mer­ce­naires” et d’“agents” à la solde de l’étranger. 

Le len­de­main, c’est Sherifa Riahi, l’ancienne direc­trice de la branche tuni­sienne de France Terre d’asile, qui était pla­cée en garde à vue pour cinq jours. Quatre jours plus tard, le 11 mai, c’était au tour de l’avocate et chro­ni­queuse Sonia Dahmani d’être arrê­tée en plein cœur de la Maison des avo­cats de Tunis et sous l’œil des camé­ras de France 24 – dont un jour­na­liste a été vio­len­té. Son tort ? Avoir iro­ni­que­ment lan­cé à la télé­vi­sion : “De quel pays extra­or­di­naire parle-​t-​on ?” en réponse à un autre chro­ni­queur qui venait d’affirmer que les migrant·es venu·es d’Afrique sub­sa­ha­rienne cher­chaient à s’installer en Tunisie. “Une tren­taine d’hommes en civil et cagou­lés sont entrés, sans se pré­sen­ter, dans le bâti­ment. Ils ont sai­si [Sonia Dahmani] et l’ont emme­née dans une voi­ture. Nous expri­mons toute notre soli­da­ri­té à cette cri­tique notoire du régime”, a réagi le jour même le Club des cor­res­pon­dants étran­gers en Afrique du Nord (NAFCC) dans un communiqué. 

“Accusations dénuées de tout fondement”

Le dimanche 12 mai, c’est le com­men­ta­teur poli­tique Mourad Zeghidi et son col­lègue Borhen Bssais, pré­sen­ta­teur à la télé­vi­sion et à la radio, qui étaient arrê­tés et pla­cés en déten­tion. Le pre­mier pour avoir publié sur les réseaux sociaux un mes­sage de sou­tien à un jour­na­liste arrê­té, le deuxième pour la dif­fu­sion de “fausses nou­velles […] dans le but de por­ter atteinte aux droits d’autrui ou de por­ter pré­ju­dice à la sécu­ri­té publique”. Depuis l’adoption de ce texte en sep­tembre 2022, plus de soixante per­sonnes – jour­na­listes, avocat·es ou acti­vistes – ont été arrê­tées en Tunisie sur cette base, selon le Syndicat des jour­na­listes tunisien·nes. Dont l’avocate Sonia Dahmani, qui a été pla­cée sous man­dat de dépôt lun­di 13 mai.

En réac­tion à la vio­lente arres­ta­tion de leur consœur, la pro­fes­sion s’est mise en grève dans les tri­bu­naux et des dizaines d’avocat·es ont mani­fes­té, lun­di 13 mai, devant le tri­bu­nal de pre­mière ins­tance de Tunis, pour récla­mer sa libé­ra­tion “immé­diate”. Ce qui n’a pas empê­ché la police d’effectuer une nou­velle des­cente, le soir même, à la Maison de l’avocat à Tunis et d’arrêter l’avocat Mehdi Zagrouba. Tout en pro­met­tant de revenir.

Alors que le pré­sident Kaïs Saïed s’est octroyé les pleins pou­voirs à l’été 2021, arres­ta­tions arbi­traires et ingé­rences poli­tiques se mul­ti­plient depuis des mois dans le pays. “Les auto­ri­tés ont inten­si­fié la répres­sion de la dis­si­dence et enga­gé des pour­suites, sur la base d’accusations dénuées de tout fon­de­ment, contre des per­son­na­li­tés de l’opposition et d’autres per­sonnes ayant cri­ti­qué le régime. Des par­le­men­taires ont pré­sen­té une pro­po­si­tion de loi répres­sive mena­çant les orga­ni­sa­tions de la socié­té civile indé­pen­dantes. Des dizaines de mani­fes­tants pour la jus­tice sociale et l’environnement ont été injus­te­ment pour­sui­vis en jus­tice”, constate d’ailleurs Amnesty International dans son der­nier rap­port, paru en avril 2024. Et mani­fes­te­ment, ça ne semble pas près de s’arrêter.

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