
Pas facile d’être homo dans les années 1960. Mais ce soir-là, les clients d’un bar gay de New York disent stop au harcèlement de la police. Et lancent, sans le savoir, le début du mouvement des droits LGBT, dont on célèbre ce mois-ci les 50 ans.
C’était une nuit de pleine lune, chaude et humide comme les étés new-yorkais savent en offrir. Fred Sargeant avait 20 ans et l’envie de croquer la Grosse Pomme à pleines dents. Emménager dans le quartier de Greenwich Village, à Manhattan, avait sonné deux ans plus tôt la fin du secret et de la honte : dans cette enclave bohème, célèbre pour abriter Bob Dylan et Allen Ginsberg, il avait enfin pu assumer qui il était et vivre au grand jour son homosexualité. D’ailleurs, ça n’avait pas loupé. Fred, un grand brun plutôt beau gosse, avait vite connu son tout premier boyfriend : Craig Rodwell, un militant de quelques années son aîné, qui venait d’ouvrir la seule librairie LGBT des États-Unis.
Ce 28 juin 1969, ils passaient ensemble une soirée tranquille. « Nous étions partis jouer aux cartes chez des amis, raconte Fred, d’une voix posée. Mais sur le chemin du retour, nous sommes tombés sur une foule rassemblée devant le Stonewall Inn. Il se tramait quelque chose. » À l’intérieur du bar gay de Christopher Street, plus de musique ni de gogo danseurs. La police a débarqué. Rien d’extraordinaire : les forces de l’ordre ont pris l’habitude d’organiser des descentes dans les lieux de la communauté LGBT. Officiellement, il s’agit de faire respecter la loi sur l’alcool et de lutter contre la mafia, qui détiendrait beaucoup de ces établissements. Mais ces opérations sont surtout l’occasion de se faire un peu d’argent : les amendes pleuvent sur les patrons et les clients, qui doivent subir insultes et brimades. « À l’extérieur, les gens ont commencé à crier quelques slogans, se rappelle Fred, qui s’est mis en[…]