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« Seul l’espoir apaise la dou­leur » : l’INA dif­fuse un témoi­gnage inédit de Simone Veil

Cinq ans après la dis­pa­ri­tion de Simone Veil, un entre­tien fleuve réa­li­sé en 2006 est dif­fu­sé ce 19 octobre par l’Institut natio­nal de l’audiovisuel (INA). Un témoi­gnage inédit, puis­sant et bou­le­ver­sant, qui don­ne­ra éga­le­ment lieu à la sor­tie d’un livre et d’un podcast. 

On pen­sait tout connaître de Simone Veil. Pourtant, cinq ans après sa dis­pa­ri­tion, on redé­couvre encore la femme excep­tion­nelle qu’elle était. Une longue inter­view fleuve (5h30!) enre­gis­trée en 2006 et qui était res­tée jusqu’ici dans les tiroirs de l’Institut natio­nal de l’audiovisuel (INA) est dif­fu­sée ce 19 octobre sur son site. Un poi­gnant témoi­gnage dans lequel on découvre une Simone Veil, alors âgée de 79 ans, qui se raconte avec une liber­té inédite.

Pour la pre­mière fois, elle retra­çait face à la camé­ra de l’Ina, et avec ses mots, une vie que l’on sait faite de com­bats et de tra­gé­dies. Un témoi­gnage enre­gis­tré dans le cadre du recueil de témoi­gnages d’une cen­taine d’ancien·nes déporté·es, qu'elle avait elle-​même ini­tié alors qu'elle était pré­si­dente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Capté quelques mois avant la paru­tion de son auto­bio­gra­phie Une Vie publiée en 2007, il n’avait jamais été dif­fu­sé. Jusqu’à aujourd’hui. 

Passages choi­sis 

L’entretien, inti­tu­lé Seul l’espoir apaise la dou­leur selon une cita­tion extraite, sera d'ailleurs dif­fu­sé dans son inté­gra­li­té ce mer­cre­di sur le site de l’Ina. Il sera éga­le­ment décli­né en un pod­cast de quatre épi­sodes de trente minutes cha­cun et sera aus­si retrans­crit dans un ouvrage, édi­té chez Flammarion, là encore ce 19 octobre. 

Dans cet entre­tien qui ne res­semble d’ailleurs pas à une inter­view habi­tuelle, Simone Veil est très peu inter­rom­pue dans le récit de ses sou­ve­nirs. Ce qui laisse une grande place aux anec­dotes, aux réflexions, à la petite et grande his­toire. En somme, à la liber­té de se raconter. 

Enfance joyeuse 

Lorsqu’elle enre­gistre ses sou­ve­nirs face camé­ra en 2006, Simone Veil a 79 ans. C’est alors la femme poli­tique que l’on connaît. La figure qui a por­té le droit à l’interruption volon­taire de gros­sesse devant l'Assemblée natio­nale en 74. La vigie à qui des géné­ra­tions de fémi­nistes doivent beau­coup. Mais ce n’est pas tant de sa car­rière poli­tique en tant que ministre ou pre­mière pré­si­dente du Parlement euro­péen qu’elle parle à la camé­ra, mais de son enfance joyeuse dans une famille juive laïque et répu­bli­caine niçoise, entou­ré de ses sœurs ado­rées, Denise et Madeleine, de son frère Jean et de ses parents. Une ado­les­cence fau­chée à 16 ans par la dépor­ta­tion de toute sa famille en 1944 au camp d’Auschwitz-Birkenau. 

L'un des pas­sages de l'entretien raconte cet épi­sode funeste : « Des kapos com­mencent à venir et ils nous disent : “Si vous avez des bijoux, si vous avez de l’argent, don­nez le nous parce que de toute façon, vous ne gar­de­rez rien du tout, alors autant nous le don­ner.” Une amie qui était venue avec nous de Nice avait, je m’en sou­vien­drai tou­jours, un fla­con de par­fum Lanvin – je rachète le même de temps en temps tou­jours en pen­sant à elle (elle sou­rit) –, et on a pré­fé­ré le mettre entiè­re­ment sur nous plu­tôt que de le leur donner. »

Raconter l’enfer du camp 

Seules les trois sœurs Veil revien­dront de l’enfer. De l’enfer, Simone Veil n’élude aucun détail, aucune cruau­té. « Ensuite, il y a le tatouage. Évidemment, le tatouage ça ne fait pas mal. Mais on se dit que si on est tatouées, c’est qu’on n’est plus consi­dé­rées que comme des numé­ros et sur­tout qu’on n’est pas des­ti­nées à sor­tir d’ici, c’est quelque chose qui res­te­ra pour toute la vie », dit-​elle face caméra.

Soixante ans après, c’est tou­jours avec de l’amertume dans la voix qu’elle évo­quait alors son retour à Paris en mai 1945 : « Quand on allait à la FNDIRP, la Fédération natio­nale des dépor­tés résis­tants, rue de Boulainvilliers, où il y avait un dis­pen­saire, même plu­sieurs années plus tard, pour faire un exa­men pour un dos­sier médi­cal, on vous ren­voyait en vous trai­tant qua­si­ment de sale Juive, en disant : « Non, ici c’est les Résistants. »

« On n’a pas le droit d’oublier »

C’est forte de ce pas­sé dou­lou­reux, que Simone Veil témoi­gnait à l’Ina de sa peur conti­nuelle de l'oubli et de la bana­li­sa­tion de la Shoah. « J’ai long­temps dit, et je le dis encore : sur mon lit de mort, je crois que c’est à ça que je pen­se­rai, pas à mes parents. Au fait, lui-​même. Aux bébés. Un mil­lion et demi d’enfants, comme ça. Et quand je vois mes petits-​enfants, je pense à ça. Je ne le leur dis jamais, natu­rel­le­ment… (Elle marque une longue pause, très émue.) Je ne sou­haite jamais de mal aux autres, mais on n’a pas le droit d’oublier. »

Près de cinq ans après la dis­pa­ri­tion le 30 juin 2017 de Simone Veil, c’est pour ne pas oublier ni la Shoah ni la force de cette femme, qu’il faut lire, voir ou écou­ter les mots sac­ca­dés, les tré­bu­che­ments et les hési­ta­tions de Simone Veil. Coïncidence de l’histoire, quelques jours avant la paru­tion de ce témoi­gnage, sor­ti­ra en salle le 12 octobre, le bio­pic Simone, le voyage du siècle, d’Olivier Dahan avec Elsa Zylberstein. Une rai­son de plus, s'il en fal­lait une, de redé­cou­vrir la vie d'une femme à qui l'ont dit encore merci.

Seul l’espoir apaise la dou­leur, entre­tien fil­mé avec Simone Veil, à voir en inté­gra­li­té sur le site de l'Ina.

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