Au Mexique, où l’on compte dix féminicides par jour en moyenne, Wendy Galarza lutte contre les violences de genre. Depuis une manifestation où elle a failli perdre la vie, elle est devenue, en an, une figure de la lutte pour les droits des femmes.
![Rencontre avec Wendy Galarza, défenseure mexicaine des droits des femmes 1 whatsapp image 2021 11 24 at 15.55.09](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2021/11/whatsapp-image-2021-11-24-at-15.55.09.jpeg)
Des rues de Cancun à celle de Paris, Wendy Galarza reste fidèle à ses objectifs : marcher contre les violences faites aux femmes. Elle était donc présente lors de la manifestation dans la capitale française le samedi 20 novembre, aux côtés d'Amnesty International. Face aux manquements des autorités juridiques sur la question des féminicides, et face à un Etat qui ne saisit pas ses responsabilités, l'ONG élève la voix des femmes mexicaines victimes, et de leur famille. Wendy Galarza est un des dix cas présentés par Amnesty International pour être portés au niveau mondial, dans le cadre des « Dix jours pour signer », à partir du 4 décembre 2021. La présidente d'Amnesty International Mexique, Edith Olivares Ferreto attend des autorités qu'une enquête soit menée sur le tir par balles dont a été victime Wendy Galarza, lors de la marche du 9 novembre 2020 à Cancun. Elle exige également que des réparations adaptées lui soient accordées, et que toutes les personnes soupçonnées d'être responsables soient jugées. En tournée en Europe pour faire connaître cette histoire relativement peu connue à l’étranger, Wendy Galarza et Edith Olivares Ferreto se sont arrêtées à Paris, à l'approche de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, célébrée ce 25 novembre.
Causette : Quel parcours vous a menée à vous investir contre les violences faites aux femmes ?
Wendy Galarza : J’ai trente ans et je me définis comme féministe depuis peu, même si au fond, je l’ai toujours été. Il y a environ trois ans, je discutais avec des amies des violences faites aux femmes, de la situation dans laquelle notre pays se trouvait. Au Mexique, 10 femmes sont assassinées par jour, en raison de leur genre. Lorsqu’elles ont entendu mes idées, elles m’ont dit : « Mais c’est ça le féminisme ! » Alors je me suis renseignée sur le mouvement et sur ce qu’il représentait. Je travaille dans la petite enfance, donc j’ai dû réduire mon temps de travail pour me concentrer sur cette répression et ses conséquences. En parallèle, je donne aujourd’hui des cours d’éducation civique dans les collèges. Je fais face à des ados qui criminalisent le féminisme, à cause des discours entendus à la maison. Alors j’essaie de leur transmettre, avec mes mots, ce qu’ils peuvent comprendre.
Le 9 novembre 2020, lors d’une manifestation, vous avez été victime d’un tir par balle. Que s’est-il passé ?
W.G : Ce jour-là, nous sommes descendues dans la rue à Cancun, afin de réclamer justice pour le féminicide d'Alexis, assassinée violemment [portée disparue, son corps a été retrouvé découpé en morceaux après une campagne de recherche lancée par sa famille, ndlr], et pour les deux autres femmes assassinées ce week-end là. Les Mexicaines manifestent par empathie avec les familles des victimes de féminicides, et parce qu’elles ont peur d’être les suivantes. Au moins 1000 personnes étaient présentes, c’était énorme. Dès le début de la manifestation, l’ambiance était tendue, il y avait des feux, les femmes taguaient les balustrades. Nous nous sommes dirigées vers le palais municipal, qui était barricadé, et nous avons fait tomber la palissade. A ce moment-là, nous avons entendu trois détonations. Je pensais que c’était des manifestants ou des manifestantes qui tiraient des pétards, mais avec mon compagnon, nous avons réalisé que c’était des coups de feu. Nous nous sommes retrouvés dans un torrent humain, où la police tirait sur les manifestants, au lieu de tirer en l’air. Alors qu’on tentait de fuir à mobylette, trois policiers nous ont entouré et nous ont poussé à terre. D’autres les ont rejoint et ont commencé à nous frapper, notamment avec des branches. J’en ai entendu un me crier : « Tu vas finir dans un état pire qu’Alexis ! » Ils m'ont tiré dessus mais la violence était telle que je n’arrivais pas à distinguer les balles des coups [elle a été blessée par balle au niveau de la jambe et de l’entrejambe, ndlr]. Huit autres de mes camarades manifestantes ont été frappées. Quand l’une d’entre elles a osé dire que c’était illégal, ils l’ont traînée à l’écart pour lui infliger des tortures sexuelles [deux viols ont été commis par les autorités lors de cette manifestation, ndlr]. Plusieurs journalistes ont, eux aussi, été blessés par balles.
Un an plus tard, qu’en est-il de votre combat ?
W.G : Avec d’autres victimes, nous avons créé le collectif mixte : « Colectivo 9 de noviembre ». Nous descendons dans la rue chaque 9 du mois, pour défendre notre droit à manifester.
L’affaire est en cours d’instruction, mais les victimes n’ont toujours pas le droit à la justice. On ne sait pas qui a donné l’ordre de tirer, les autorités se renvoient la balle entre policiers fédéraux et municipaux. La tactique de l’Etat est de faire des procédures à rallonge, pour faire comprendre aux victimes qu’elles n’auront jamais un vrai accès à la justice. Et ça fonctionne car elles abandonnent. C’était l’enfer, mais un an après, on endure non seulement la victimisation de la part des policiers mais aussi la pression de la justice et de la police. On subit du harcèlement policier, ils nous suivent, viennent prendre des photos devant chez nous. Mes camarades journalistes reçoivent même des menaces.