![Planning familial : la laïcité est-elle en danger ? 1 105 laicite planning familial](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2019/11/105-laicite-planning-familial-819x1024.jpg)
Avis de tempête au Planning familial ! Début octobre, alors que l’association prépare son traditionnel congrès national (les 26, 27 et 28 octobre), ses coprésidentes reçoivent un courrier de Marlène Schiappa. Motif ? La secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes s’inquiète de « la suppression de la valeur “laïcité” des statuts de l’association », et propose « un échange direct » afin d’évoquer les « potentielles conséquences » que pourrait avoir cette décision pour le Planning qui, rappelle-t-elle, « perçoit une subvention de l’État d’un montant de 272 000 euros chaque année au niveau central ».
Une menace à peine voilée, qui fait suite à un article paru en septembre dans Charlie Hebdo, dans lequel l’hebdomadaire accusait l’association de renier son positionnement féministe universaliste au profit d’une approche « intersectionnelle » (qui prend en compte les problématiques sexistes, mais aussi économiques, raciales ou religieuses). En février, déjà, le journal satirique avait publié une enquête explosive sur le mouvement, l’accusant de « renoncer à la laïcité » et de verser dans le relativisme culturel, jusqu’à tolérer l’excision par respect des particularismes religieux. De quoi donner des sueurs froides et nous interroger : le Planning a‑t-il renié ses valeurs ?
![Planning familial : la laïcité est-elle en danger ? 2 Capture d’écran 2019 10 21 à 15.43.57 A](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/01/Capture-d’écran-2019-10-21-à-15.43.57_A-1012x1024.jpg)
Véronique Séhier
Coprésidente du Planning familial
« La laïcité n’a jamais disparu des statuts du Planning familial : elle n’y a jamais figuré. Nos statuts, qui définissent l’objet de l’association, sont axés sur l’égalité, la défense des droits sexuels et reproductifs, des droits des femmes et la lutte contre les discriminations et les violences. Et nous avons une charte, signée par toutes les personnes intervenant en notre nom, qui, elle, mentionne que nous sommes une association laïque. Nous avons toujours défendu la laïcité telle qu’elle est inscrite dans la loi de 1905, qui garantit la liberté de croire ou de ne pas croire et n’a jamais imposé à qui que ce soit, en dehors des fonctionnaires, une neutralité dans l’espace public. Au Planning, nous accueillons de manière inconditionnelle toutes les femmes – usagères ou militantes –, qu’elles portent un débardeur échancré ou un foulard.
Il ne faut pas se tromper de combat : il y a aujourd’hui, en France, une bagarre idéologique sur la laïcité, instrumentalisée à des fins politiques, et cette question dépasse largement le Planning. Nous sommes un mouvement démocratique, avec soixante et onze associations départementales : des débats internes et des groupes de travail, il y en a toujours eu, sur ce sujet comme sur d’autres. Et c’est peut-être ce qui nous vaut ces attaques. Quand Charlie Hebdo écrit que nous ne serions pas claires sur l’excision, je trouve cela honteux ! On lutte depuis très longtemps contre cette pratique, avec d’autres : le Gams (Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles et des mariages forcés), Stop Excision… C’est un procès d’intention qui nous est fait là, et il aurait été bien que Charlie Hebdo nous appelle avant d’écrire son article. Nos fondamentaux sont les mêmes depuis toujours : permettre l’accès aux mêmes droits pour toutes les personnes, y compris pour celles qui en sont le plus éloignées. »
![Planning familial : la laïcité est-elle en danger ? 3 Marlène Schiappa à la tribune de lONU cropped A 2](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/01/Marlène_Schiappa_à_la_tribune_de_lONU_cropped_A-2-1024x685.jpg)
Marlène Schiappa
Secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes
« J’ai tenu à rencontrer les deux présidentes du Planning familial au sujet de la laïcité car, outre l’enquête de Charlie Hebdo, cela fait un peu plus d’un an que j’ai des remontées de terrain questionnantes sur Le Planning. Elles peuvent provenir d’autres associations ou même de femmes ayant recours aux services du Planning. Au même moment, une des antennes a proposé publiquement de retirer le principe de laïcité de la charte, donc je me suis dit que ce n’était pas juste des faits isolés, mais peut-être une forme de changement de ligne.
Certes, le terme de “laïcité” n’a été ajouté qu’en 2016 dans la charte, mais si l’insérer n’est pas neutre, demander qu’il soit retiré ne l’est pas non plus. Les deux présidentes m’ont assuré qu’il s’agissait d’une demande locale, mais quel est le projet derrière ? Je serai très vigilante aux conclusions du congrès à ce propos. Il n’appartient pas au gouvernement d’arbitrer des débats internes aux associations, mais d’assurer la défense des valeurs républicaines au quotidien dans l’accueil et l’information donnés aux femmes. L’orientation politique du Planning lui appartient et jamais je ne remettrai en cause une subvention pour cela, mais j’exige que le cadre républicain soit respecté.
Par exemple, lorsqu’une militante du Planning de Marseille écrit, dans un commentaire sur la page Facebook de son antenne locale, que l’excision peut être un choix, cela s’appelle du relativisme culturel et nous devons le combattre. Les présidentes du Planning ont été très claires sur le fait que ces propos n’auraient pas dû être, que c’était une erreur et m’ont assuré de leur engagement sur ce sujet-là, donc je suis rassurée. Je ne crois pas que la nationalisation ou l’étatisation des indispensables actions du Planning soit une solution. Ce serait dommageable pour la structure historique tout comme pour leurs usagères, qui y trouvent une identité militante et une ouverture d’esprit précieuses. »
![Planning familial : la laïcité est-elle en danger ? 4 portrait A. Romerio A](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/01/portrait-A.-Romerio_A-768x1024.jpg)
Alice Romerio
Sociologue*
« Le Planning est une asso de terrain. On y relève une forte hétérogénéité générationnelle et des positionnements féministes : on peut s’y revendiquer de Caroline Fourest comme de Virginie Despentes ou d’Angela Davis… Sans que ce soit clivant au quotidien. Si les militantes parlent de laïcité, c’est avant tout à l’image du reste de la société : au déjeuner ou devant un café, en réaction à l’effet de loupe médiatique. Et ces échanges reflètent les différents points de vue au sein de l’espace féministe français. Le congrès, moment très politique, polarise mécaniquement ces positions.
Avec la loi sur le voile à l’école, en 2004, le terme “laïcité” a acquis une charge politique forte. Le gros changement, c’est que les pouvoirs publics font de plus en plus de la laïcité une injonction, et elle devient omniprésente dans les appels à projets, les conventions, etc. Le financement des associations départementales dépend de ces contraintes institutionnelles. Du coup, certaines militantes s’interrogent sur l’usage et le sens de ce terme au sein de leur mouvement. Mais on reste très loin d’un “lobby intersectionnel” dans les rangs du Planning ! Rappelons que le Planning reste évidemment non confessionnel. »
* Autrice de la thèse « Le travail féministe. Enquête sur la professionnalisation du militantisme féministe au Planning familial », 2019.