
C’est loin d’être un détail : les femmes représentent les trois quarts des enseignant·es, des agent·es d’entretien et des caissier·ères, mais comptent aussi pour 87 % des infirmiers et infirmières, 91 % des aides-soignant·es et 97 % des aides à domicile. Des secteurs essentiels – la crise sanitaire l’a encore rappelé – qui ont en commun d’être mal payés et peu reconnus.
Une « injustice criante » que dénonçaient récemment des travailleuses dans une tribune à Libération (« Nous ne serons plus jamais les petites soldates de vos guerres »), quelques jours avant que Marlène Schiappa, secrétaire d’État à l’Égalité, appelle à « revaloriser les métiers de la première ligne, très féminisés ». Après des semaines d’applaudissements en leur honneur, l’heure de la reconnaissance – y compris économique – serait-elle vraiment sur le point de sonner ?
Sandra Laugier
Professeure de philosophie à l’université Panthéon-Sorbonne Paris‑I
« Les métiers du care ont longtemps été perçus comme un continuum du travail domestique, c’est pourquoi ils sont majoritairement féminisés et dévalorisés. Et c’est parce qu’ils sont dévalorisés qu’ils sont féminisés. En France, pendant longtemps, un large courant de féministes universalistes* a préféré fermer les yeux sur cette réalité statistique, car elles trouvaient que c’était essentialiser les femmes que de pointer leur spécificité de genre dans un contexte où l’égalité théorique était possible. L’éthique du care – terme anglo-saxon qui englobe un champ beaucoup plus large que le mot français “soins” –, c’est attribuer[…]