Le 11 juillet dernier, Fartun Hassan Ahmed, 13 ans, mourrait d'une hémorragie suite à une mutilation génitale pratiquée par une exciseuse dans la région de Galmagud en Somalie. Malgré l'émoi des associations, le gouvernement ne compte pas légiférer pour interdire la pratique.
Deeqa Dahir Nuur, 10 ans, en 2018 et désormais Fartun Hassan Ahmed, 13 ans, le 11 juillet 2021. En Somalie, la pratique des mutilations génitales féminines (MGF) touche 98% des femmes et certaines n'en reviennent pas. Fartun Hassan Ahmed s'est vidée de son sang et est décédée le 11 juillet après-midi, dans le village de Jeerinle, région de Galmugud, avant que le taxi appelé par ses parents pour la transporter à l'hôpital n'arrive.
Le journaliste indépendant Hassan Abdirahman s'est rendu dans le village pour interviewer les parents de Fartun, qui regrettent d'avoir confié leur fille aux mains de l'exciseuse venue, tôt le matin, mutiler les parties génitales d'une vingtaine de petites filles ou jeunes adolescentes du village. « Fartun faisait tout pour moi, a lancé son père aveugle, berger dans la région. Elle cuisinait et prenait soin des animaux quand je me reposais. […] Dieu me l'a donnée, puis il me l'a reprise. » La sœur de Fartun, 9 ans, a elle aussi été excisée ce jour-là. Malgré le travail de terrain des associations de lutte contre les MGF, les Somalien·nes restent convaincu·es que c'est une pratique recommandée par l'islam, religion majoritaire et constitutionnelle de ce pays de la corne de l'Afrique.
Double discours des religieux et des politicien·nes
« Les mêmes leaders religieux qui disent "tolérance zéro" face aux MGF sont aussi souvent ceux qui laissent faire la pratique, au nom de la culture », observe Ifrah Ahmed, présidente de l'Ifrah Foundation. Cette association de lutte contre l'excision a, depuis 2018, sauvé des jeunes filles de la mutilation et « sensibilisé plus de 10 000 personnes, jeunes ou âgées, des leaders religieux, des journalistes et des communautés de femmes », indique Ifrah Ahmed à Causette. Mais, pointe-t-elle, le changement ne surviendra pas tant que le pays n'aura pas légiféré pour interdire les MGF. « Les politiciens nous écoutent, puis, ils arrivent au pouvoir et oublient le sujet, dénonce-t-elle. La pratique est tellement ancrée que je pense qu'ils ont peur de paraître impopulaires en l'interdisant. » Preuve en est qu'en 2018, le ministre de la justice Ahmed Ali Dahir avait pris la parole pour promettre une enquête sur les circonstances de la mort de Deeqa Dahir Nuur, sans que jamais la police n'arrête l'exciseuse. Selon Ifrah Ahmed, la famille de la victime n'avait pas voulu indiquer aux autorités où se cachait l'exciseuse.
En ce qui concerne le décès de Fartun Hassan Ahmad, le gouvernement n'a pas encore réagi, précise Ifrah Ahmad. « Il y a une élection présidentielle en octobre, donc ils sont juste occupés à faire campagne. »