MISE À JOUR – 08/07/20 // L’association Osez le féminisme ! a lancé une pétition, adressée à Emmanuel Macron et Jean Castex, pour exiger le retrait de Gérald Darmanin et d’Éric Dupond-Moretti du gouvernement. Elle compte à ce jour 4 177 signataires.
Elles étaient plusieurs dizaines en ce mardi après-midi à s’être donné rendez-vous à l’église de la Madeleine, à Paris, pour enterrer très symboliquement l’égalité femmes-hommes, cette « grande cause du quinquennat » si chère à Emmanuel Macron, mais disparue aux yeux des militantes féministes, à l’occasion du dernier remaniement. Reportage sur place, auprès des membres d’Osez le féminisme ! et du collectif Nous Toutes, qui avaient appelé au rassemblement.
![Sit-in devant l’église de la Madeleine à Paris : ci-gît la Grande Cause du quinquennat 1 ci git](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/07/ci-git-768x1024.jpg?_t=1594147439)
Ce mardi 7 juillet, en grande pompe, on a enterré l’égalité. Aux pieds de l’église de la Madeleine, à Paris, des militantes féministes se sont rassemblées autour d’un cercueil noir symbolisant la « grande cause du quinquennat » telle que l’avait promis Emmanuel Macron, l’égalité entre les femmes et les hommes. Porté par deux hommes, le cercueil a été couvert de roses blanches par des militantes féministes vêtues de noir pour l’occasion. La cérémonie s’est terminée sur le slogan « L’accusé c’est lui ; le complice c’est lui », entonné sur l’air du viral « Un violador en tu camino » (« un violeur sur ton chemin »), ce chant militant chilien devenu un hymne féministe l’été dernier. Si la symbolique de la cérémonie donnait le ton, de multiples pancartes affichaient également l’humeur du jour. On pouvait y lire par exemple : « Ras le viol » ; « Stop à la culture du viol » ; « Remaniement de la honte ».
Un ministre accusé de viol…
« Nous sommes là, car nous sommes très en colère suite à la nomination hier d’un homme [Gérald Darmanin, ndlr] accusé de viol au ministère de l’Intérieur » s’insurge Fabienne El Khoury, porte-parole d’Osez le féminisme !. Un moment fort, en réponse au choc ressenti lundi soir à l’annonce du nom du nouveau locataire de la place Beauvau, toujours sous le coup d’une enquête judiciaire concernant une accusation de viol, de harcèlement sexuel et d’abus de confiance. Des faits qu’il aurait commis en 2009 et qui avaient fait l’objet d’un non-lieu en 2018. Mais le 11 juin 2020, la justice avait décidé de reprendre les investigations à son encontre. Pourtant, du côté de l’Élysée, on assure que cette plainte « ne fait pas obstacle » à la promotion de Gérald Darmanin, présumé innocent selon la loi française. Passée la sidération, les militantes se sont mobilisées très rapidement et ont organisé des rassemblements ou des happenings dans plusieurs grandes villes du pays. À Paris, place de la Madeleine, la militante du collectif Nous Toutes, Laura Jovignot, décrète qu’« il est impensable de nommer une personne sur qui pèse des soupçons de violences sexistes et sexuelles à un des plus hauts grades de l’État ».
… un garde des Sceaux antiféministe
Une autre nomination au gouvernement attise l’indignation des militantes féministes : l’avocat pénaliste Éric Dupond-Moretti a été nommé garde des Sceaux. Le très médiatique tribun des prétoires, connu pour sa voix de stentor, son franc-parler et ses apparitions à la télévision (où il a même joué son propre rôle dans une fiction), s’est illustré ces dernières années par ses positions antiféministes iconoclastes, à rebours de la vague #MeToo. N’hésitant pas à qualifier les militantes féministes d’hystériques ou les victimes de violences sexuelles de potiches. « Pour nous, ces nominations sont une insulte à toutes les femmes victimes de violence, dénonce Laura Jovignot. Cela ne fait que banaliser la culture du viol et nous nous sommes toutes retrouvées en état de choc lors de l’annonce. »
L’indignation est à la mesure de l’importance de ces portefeuilles ministériels, régaliens et hautement stratégiques. « D’une part, Gérald Darmanin qui devrait garantir la protection des citoyennes de ce pays et, d’autre part, Éric Dupond-Moretti qui devrait nous rendre justice, mais nous ne voulons pas être représentées ni servies par ces personnes, déclare la jeune femme. Quel message le Premier ministre renvoie-t-il aux victimes de violences sexistes et sexuelles avec ces choix ? » Fabienne El Khoury abonde : « En nommant un homme accusé de viol dont l’enquête est en cours, ça envoie le signal très fort à ces femmes-là qu’elles ne sont pas les bienvenues dans les commissariats. »
L’addition est amère
Pour les militantes, il est loin le temps des promesses. À deux ans de la présidentielle de 2022 et quasiment un an après le Grenelle des violences conjugales mené par Marlène Schiappa, alors secrétaire d’État à l’Égalité entre les femmes et les hommes, le constat est amer. « Ce Grenelle aurait dû être le début de quelque chose de beau, de fort, mais nous n’avons jamais eu le milliard d’euros tant attendu. Donc on n’avait déjà plus vraiment foi en ce gouvernement, mais la moindre des choses, c’était de ne pas nommer une personne accusée de viol », déplore Laura Jovignot. À ses côtés, une militante ajoute : « Marlène Schiappa, qui vient d’être nommée ministre déléguée à la Citoyenneté auprès du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, c’est le dîner de con. Un comble pour l’ancienne secrétaire d’État pour l’Égalité entre les femmes et les hommes, d’être sous sa tutelle. » Presque au même moment, Marlène Schiappa applaudissait devant les caméras la passation de pouvoir entre Christophe Castaner et Gérald Darmanin. « Il faut que Marlène Schiappa et Élisabeth Moreno [nouvelle ministre déléguée chargée de l’Égalité femmes-hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, ndlr] prennent position. Leur silence sera une trahison, un coup de couteau dans le dos. Elles ne peuvent pas laisser faire ça. »